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Nouveau rapport de CRIN : What lies benath
Le mois dernier, CRIN a publié un nouveau rapport en lieu et place du traditionnel rapport annuel.
Ce numéro contient une traduction en français de l’introduction de ce rapport ainsi que d’un extrait consacré aux droits politiques des enfants. Il propose aussi un tour d’horizon de l’actualité dans ce domaine.
Le prochain numéro du bulletin sera consacré à une autre des thématiques abordées dans le rapport. Le texte complet est disponible en anglais, et s’intéresse à des sujets de lutte pour CRIN : l’intégrité corporelle, les discriminations liées à l’âge, l’importance du langage... Il présente également les principes qui nous guident et nos projets pour le futur.
À qui de droit
Ceci n’est pas un rapport annuel. N’attendez pas un traditionnel résumé de nos actions ni un bilan mettant en valeur notre formidable impact. Rien de tout cela n’améliorera notre monde, alors pourquoi continuer à le faire ? Ne vous méprenez pas pour autant : pas de défaitisme de notre part, mais une vision nouvelle.
Bien souvent, on dirait que les ONG, et CRIN en particulier, ne sont là que pour se lamenter sur ce qui ne va pas dans le monde, et pour nourrir le désespoir des gens sur le manque de respect pour les droits de l’enfant et le manque de considération pour leur statut de détenteurs de ces droits. Mais les comptes-rendus de malheurs conduisent à un sentiment d’impuissance, et une telle approche des droits de l’enfant fait facilement sombrer dans un désespoir confortable. Cela doit changer, sans quoi nous en viendrons à avoir du mal à justifier notre propre existence.
Pour cela, nous devons commencer par changer nous-mêmes. Tous les ans, la situation mondiale des droits de l’enfant empire. Ce constat interroge notre action et sa nécessité. C’est une question que nous nous posons à CRIN, et que nous vous invitons à vous poser également. Nous voulons poser un regard critique sur les victoires et les échecs de CRIN, mais aussi plus généralement de la communauté des défenseurs des droits de l’enfant.
Alors encore une fois : ceci n’est pas un rapport annuel. C’est une invitation. Une invitation à rejoindre notre réflexion du moment, à un examen de notre approche des droits de l’enfant. Cela nous conduira peut-être à changer ce que nous faisons, comment et avec qui nous le faisons. Et dans un monde où le pragmatisme bride les actes et où nous faisons les choses seulement parce que c’est ce qui se fait dans notre secteur, nous pensons que deux éléments clés manquent à l’appel : l’idéalisme et la pensée critique.
Se battre pour un monde plus juste pour les enfants n’est cependant pas le domaine réservé des ONG, c’est une responsabilité collective. Et comme dans tout mouvement, le pouvoir est justement dans le collectif.
En bref, nous voulons mieux définir ce pour quoi nous nous battons, plutôt que de ressasser ce contre quoi nous nous battons.
Mettons notre désespoir de côté, pensons différemment, et demandons-nous : si nous pouvions faire un changement pour créer un monde idéal et respectueux des droits, quel serait-il ?
Ce rapport est notre point de vue sur cette question.
L’équipe de CRIN
Télécharger le rapport (en anglais)
Retrouvez ci-dessous un extrait du rapport, consacré au droit de vote, et un tour d’horizon de l’actualité sur les droits politiques des enfants.
Un tort politique
Les enfants jouissent d’un large éventail de droits, et pourtant certains, les droits politiques, brillent par leur absence. Ces droits, dont le plus emblématique, le droit de vote, sont une caractéristique de toute démocratie. Leur principal objet est de donner une voix à tous les citoyens, y compris ceux qui pourraient autrement ne pas être entendus. Sans droit de vote, les individus ne seraient pas en mesure d’influer sur leurs représentants politiques sur les sujets qui gouvernent leur vie et leur importent, et entre autres sur leurs droits humains et ceux des autres.
Qu’en est-il des enfants ? Il s’agit d’un groupe auquel on refuse systématiquement ce droit partout dans le monde. Pourquoi ? Parce qu’apparemment tous les enfants sans exception, soit quasiment le tiers de la population mondiale, sont irrationnels, incapable et trop jeunes. Tout comme les arguments utilisés dans le passé pour refuser aux femmes le droit de vote, cette généralisation démesurée ne nécessite apparemment aucune justification.
Un rapide tour d’horizon montre qu’aucun pays au monde n’accorde le droit de participer aux élections nationales aux moins de 16 ans, et que seule une minorité l’accorde aux enfants âgés de 16 à 18 ans lors d’élections nationales ou municipales. Alors que leurs libertés d’expression et d’association et leur droit à être entendu sont consacrés par le droit international, les occasions sont pour eux rares de faire entendre leur opinion et de les faire peser dans les processus décisionnels. En pratique, les enfants n’ont pas leur mot à dire dans les décisions qui influent sur leur vie. Et pour couronner le tout, ils ne peuvent même pas contester les conditions de leur exclusion de ces processus, justement parce qu’ils n’ont pas juridiquement la capacité de le faire.
Alors comment les enfants sont-ils intégrés dans l’affirmation de leurs droits ? Leur participation est prévue sous différentes formes et à des degrés variés, certaines formes de participation étant même qualifiées de “significatives” (par opposition à des formes insignifiantes ?). Certaines sont exclusivement menées par des enfants : comités étudiants, parlements de jeunes, manifestations pacifiques, et mêmes syndicats (par exemple, ceux de Bolivie et du Pérou ont un certain écho politique). Il existe également des initiatives menées par des adultes qui reposent sur la participation des enfants, par exemple des recherches menées par consultation, ou des rapports sur des problèmes rencontrés par les enfants.
Ces formes de participation ont toutes une certaine valeur (certaines plus que d’autres), et placent les enfants dans une position d’influence (à des degrés variables). Mais sont-elles à la hauteur du droit de vote ? Combien d’entre nous accepteraient d’avoir le droit de participer par tous ces moyens, sauf par le vote ? Sans doute aucun d’entre nous, parce que nous aimons nos droits politiques et que l’idée d’en être privés est un affront à notre conscience et à nos valeurs démocratiques. Cela s’applique au vote des enfants : les autres formes de participation ne devraient pas détourner notre attention du fait que presque un tiers de la population n’a pas le droit de vote. L’ampleur de cette injustice parle pour elle-même, et c’est pourtant un problème qui est à peine évoqué par le plaidoyer dans le domaine des droits de l’enfant.
Qu’en est-il des ONG ? Comment comprennent-elles la participation et la manière de la réaliser ? Les réponses ne sont généralement pas encourageantes. Il existe bien sûr des organisations qui plaident pour un abaissement de la majorité électorale dans leur pays. Mais la plupart des organisations qui intègrent les enfants d’une manière ou d’une autre dans leur travail le font simplement pour la forme, par des mesures symboliques ou décoratives. Les premières peuvent consister par exemple en un petit discours prononcé par un enfant lors du lancement d’une campagne ou d’un rapport développés par des adultes, sans trop de considération pour les questions évoquées ou pour ce qu’elles apportent au projet. On peut croire dans ce cas qu’on a donné la parole à l’enfant, mais il n’existe en fait aucun garantie - ni même aucune indication - que cela soit plus qu’une occasion de prendre une photo. Les mesures décoratives vont plus loin dans le faux-semblant, et désignent les cas où le seul but de la participation des enfants est de déclencher une réaction émotive du public. Il s’agit par exemple des publicités télévisées qui utilisent des images d’enfants malades pour encourager les dons.
Le fait que cela soit fait avec les meilleures intentions du monde est hors de propos. Les ONG qui travaillent sur les droits de l’enfant devraient être plus critiques envers les formes de “participation” des enfants qui n’ont pas d’effets sur la réalisation de leurs droits. Après tout, c’est l’objectif final : transformer ce qui est en ce qui devrait être. En tant que défenseurs des droits de l’enfant œuvrant pour cet objectif, ne serait-il pas plus logique pour la communauté des ONG de collectivement reconnaître et défendre une forme de participation qui donnerait aux enfants un réel impact sur leur société ?
Les droits politiques sont un moyen pour les enfants d’exercer un droit tout en allant vers une amélioration de leurs autres droits. Donner aux enfants le droit de vote renforcerait leur capacité à se battre pour leurs propres droits, plutôt que de continuer à laisser cette responsabilité à des adultes, certes bien intentionnés mais éventuellement paternalistes. Le droit de vote des enfants ne mettrait pas fin aux violations de leurs droits, et ne résoudrait pas toutes les questions auxquelles ils font face. Mais il permettrait aux enfants d’utiliser leur vote pour compléter leur participation dans d’autres contextes et pour maximiser leur présence et leur influence. L’exclusion systématique des enfants de l’électorat ne fait pas que saper leurs droits et leurs engagements politiques : c’est aussi un énorme gaspillage de potentiel humain.
Plus de détails et d'arguments dans notre rapport : What lies beneath.
L'actualité des droits politiques des enfants
Le Commissaire aux droits de l’enfant de la Nouvelle-Zélande a déclaré devant un comité parlementaire que le pays devait débattre d’un abaissement de la majorité électorale à 16 ans. Andrew Becroft s’est inquiété du fait que les enfants sont le seul groupe qui n’ait pas la parole. En réponse à des contradicteurs qui lui opposaient que les jeunes étaient parmi les moins impliqués dans la vie politique, il a prôné une éducation aux droits civiques et aux responsabilités démocratiques. Il a également argué qu’accorder le droit de vote aux enfants aurait pour conséquence d’améliorer les politiques pour les moins de 18 ans. L’idée n’est pas nouvelle en Nouvelle-Zélande : en 2007 une députée avait proposé une réforme en ce sens, mais le projet n’a jusque là pas obtenu un grand soutien.
Un parlementaire de l’Ontario au Canada a proposé une loi visant à abaisser la majorité électorale à 16 dans la province. Arthur Potts, membre de l’Assemblée législative de l’Ontario a expliqué que les jeunes devaient être mieux impliqués dans la vie politique, et que leur accorder le droit de vote alors qu’ils sont scolarisés améliorerait leur inscription sur les listes électorales, ainsi que leur intérêt et leur participation. Le projet de loi a cependant peu de chance de trouver sa place dans le programme parlementaire avant les prochaines élections provinciales en juin.
Une réforme abaissant à 16 ans l’âge requis pour participer aux élections municipales semble avoir plus de chances d’aboutir en Islande. Le projet de loi est dans sa phase finale, et s’il est adopté, pourrait entrer en vigueur avant les élections municipales de mai prochain.
Dans le monde, 23 pays accordent le droit de vote aux enfants âgés de plus de 16 ans dans des élections locales ou nationales.
En l’absence de droit de vote, les enfants trouvent des alternatives pour se faire entendre (ce qui ne signifie pas qu’ils n’ont pas besoin de ce droit, mais qui bien au contraire contredit les argumentaires basés sur le manque d’intérêt des jeunes pour la politique).
Aux États-Unis, la mobilisation de collégiens et de lycéens suite à des tueries dans leurs établissements scolaires prend de l’ampleur. Une manifestation rassemblant 500 000 personnes s’est tenue à Washington, et des enfants et très jeunes adultes ont pris la parole pour dénoncer le manque de législation contrôlant l’accès aux armes. Parmi eux, Naomi Wadler, 11 ans, a prévenu : « nous savons qu’il ne nous reste que sept petites années avant d’avoir le droit de voter ».
Un rapport de l’ONU dénonce les atteintes au droit à la liberté de réunion pacifique et les répressions violentes en République Démocratique du Congo. Parmi les 47 personnes tuées entre le premier janvier 2017 et le 31 janvier 2018 par les forces de sécurité dans le cadre de manifestations pacifiques figurent selon ce rapport, trois enfants. D’autres sources mentionnent l’usage par la police, lors de récentes répressions, de gaz lacrymogènes à proximité immédiate de maternités.
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Actualités en bref
Réfugiés et migrants
Mobilisation : En Belgique, les citoyens s’organisent contre les rafles policières.
Détention : En France, hausse des placements d’enfants en centres de rétention administrative.
Données personnelles : Relever les empreintes d’enfants sous la contrainte ne sera jamais acceptable (Unicef).
Identité : À Mayotte, le gouvernement français veut créer un statut spécial pour l’octroi de la nationalité.
En Mauritanie, des milliers d’enfants réfugiés apatrides ont obtenu un acte de naissance.
En Belgique, une nouvelle loi permet à un officier de l’état civil de refuser la reconnaissance d’un enfant par le père si ce fonctionnaire soupçonne une fraude au séjour et ce, même en cas de lien biologique entre le père et l’enfant. Cette loi fait l’objet d’une requête en annulation, déposée devant la Cour constitutionnelle par des organisations de défense des droits de l’homme et de l’enfant.
Violences
Allemagne : La Cour européenne des droits de l’homme confirme que les autorités allemandes ont eu raison de retirer des enfants vivant au sein d’une secte chrétienne pour les empêcher d’être disciplinés à coups de bâton.
États-Unis : Depuis 1999, 91 % des enfants tués par arme à feu dans les pays à haut revenu ont été tués aux États-Unis, soit plus de 38 000 enfants tués, et 166 000 blessés par des armes à feu. Il s’agit de la troisième cause de mortalité chez les moins de 18 ans. Les tueries dans les écoles font régulièrement les gros titres, mais la majeure partie des violences par armes à feu sont plus quotidiennes : suicides, violences domestiques, crimes, accidents. En plus des victimes physiques, les enfants témoins de ce type de violences développent souvent des traumatismes mal pris en charge.
Abus sexuels : La journée de débat annuelle du Conseil des droits de l’homme sur les droits de l’enfant était consacrée cette année à la protection des enfants dans les situations humanitaires. À cette occasion, CRIN a rappelé dans un communiqué que les organisations humanitaires et l’ONU échouent à apporter une réponse adéquate aux abus sexuels commis par leurs employés contre des enfants.
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La Francophonie aux Nations unies en bref
Procédures spéciales
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Le Rapporteur spécial sur la liberté de religion se rendra en Tunisie du 9 au 19 avril 2018.
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Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme se rendra en France du 14 au 23 mai 2018, et en Belgique du 24 au 31 mai 2018.
Organes de traités
Sessions récentes
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Le Comité sur les droits des personnes handicapées a publié ses observations finales concernant les rapports des Seychelles et de Haïti (en anglais seulement pour l’instant).
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Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a publié ses observations finales concernant le rapport du Luxembourg (en anglais seulement pour l’instant).
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Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné les rapports de la République centrafricaine et du Niger lors de sa63ème session. Les observations finales seront prochainement mises en lignes.
Sessions à venir
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Le Comité contre la torture examinera le rapport du Sénégal, et adoptera la liste de points à traiter avant soumission du rapport pour l’examen d’Andorre lors de sa 63ème session qui se déroulera du 23 avril au 18 mai 2018. Plus d’informations.
Dates limites des contributions de la société civile
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30 mars 2018 : contributions pour l’examen du rapport de la Mauritanie par le Comité pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale lors de sa 95ème session. Plus d’informations.
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30 mars 2018 : appel à contributions de la Rapporteure spéciale sur les droits des personnes handicapées, à propos du droit de jouir du meilleur état de santé possible.
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9 avril 2018 : appel à contributions du Haut Commissaire aux droits de l’homme sur le droit à la vie privée à l’ère numérique.
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15 avril 2018 : appel à contributions du Secrétaire général pour le rapport sur la question de la peine de mort.
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