Abus sexuels par des casques bleus :
En 2016, plus de 90 000 militaires étaient déployés dans le cadre des missions de maintien de la paix sous mandat de l’ONU. Ils jouent un rôle vital en assurant la sécurité et en aidant les pays à effectuer le passage difficile du conflit à la paix. Les opérations de maintien de la paix actuelles facilitent également les processus politiques, aident à l’organisation d’élections et participent à la restauration de l’état de droit et à la promotion des droits de l’homme, tout en protégeant les civils et en prenant part au désarmement et à la démobilisation.
La majorité des soldats de la paix, aussi appelés « casques bleus », respectent la loi, mais dans un certain nombre de cas bien documentés, des soldats de la paix ont fait subir des violences sexuelles à des civils locaux, y compris à des enfants, ou ont été impliqués dans de tels actes. Ainsi, depuis les années 90, des actes de violence sexuelle perpétrés par des soldats de la paix ont été signalés en Bosnie, au Cambodge, en République centrafricaine (RCA), en Timor-Leste, en République démocratique du Congo, à Haïti, au Liberia et au Soudan.
Suite à l’émergence en 2014 de nombreux rapports faisant état d’abus sexuels perpétrés par des soldats français à l’encontre d’enfants en RCA, la première réaction de l’ONU (à tous les niveaux et jusqu’au Secrétaire général lui-même) est restée évasive. L’objectif principal de la hiérarchie a été de punir le représentant ayant transmis l’information au gouvernement français, qui a été suspendu de son poste. La nécessité de protéger les enfants touchés, qui aurait dû être leur priorité, a été ignorée, de même que celle de traduire les responsables en justice.
Une enquête indépendante a plus tard été ouverte en réaction à l’attention portée à l’affaire par les médias ainsi qu’aux actions de plaidoyer provenant de différentes organisations non-gouvernementales (ONG) et de l’ONU. Le rapport, publié en décembre 2015, a dévoilé que l’ONU, l’UNICEF et d’autres organisations avaient manqué à leur devoir de défendre en priorité les droits de l’homme et de protéger l’intérêt des enfants. Étant donné l’étendue des opérations de maintien de la paix de l’ONU dans le monde, le fait bien connu que les actes de violence sexuelle sont fréquents dans le milieu militaire, et la vulnérabilité évidente des civils que les soldats sont chargés de protéger (et des enfants en particulier), le risque reste élevé. Il ne fait aucun doute qu’il se produit encore à ce jour des actes de violence sexuelle perpétrés par les soldats de l’ONU ; le nombre d’incidents signalés est passé de 52 en 2014 à 69 en 2015. La plupart d’entre eux se sont produits en RCA, malgré le scandale de 2014.
L’ONU a depuis pris des mesures pour faire face à ce problème. L’enquête externe indépendante réalisée à la suite des actes de violence perpétrés en RCA fait partie de plusieurs enquêtes de haut niveau menées au cours des dix dernières années à la suite de signalements d’abus sexuels perpétrés par des soldats de la paix. En mai 2015, avant la publication de l’enquête externe indépendante sur la RCA, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté un rapport sur ce problème, et l’ONU a annoncé qu’elle mettrait en pratique 40 des recommandations y figurant.
CRIN reconnaît les progrès réalisés, mais estime que les mesures prises jusqu’à présent sont largement insuffisantes pour garantir que les civils, et plus particulièrement les enfants, ne subiront plus jamais d’actes de violence de la part des soldats de la paix de l’ONU. Étant donné la complexité de l’ONU, et en particulier de ses structures de maintien de la paix, il peut être difficile pour les ONG et les États de savoir comment agir pour le changement. Certains gouvernements et ONG ont demandé à CRIN de réfléchir aux actions qui pourraient être engagées dès maintenant et à leurs modalités.
Le présent guide présente dix recommandations pour les « prochaines étapes » pouvant toutes permettre de protéger les enfants et autres civils à long terme. Il indique également la manière de mettre en pratique ces recommandations et avec qui s’associer pour ce faire. Le guide n’est encore qu’un travail en cours et nous apprécierons toutes les suggestions que vous pourrez nous apporter. Télécharger le guide
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Actualités : transparence, armées et ONU
Abus sexuels et justice
L’ONU a été accusée de refuser de coopérer avec des groupes de défense des droits de l’homme à Haïti qui cherchent à obtenir le paiement de pensions alimentaires à des femmes ayant eu des enfants suite à leur exploitation sexuelle par des membres de la Minutsah. Les avocats de dix femmes prévoient des actions civiles, mais ils ont besoin de l’aide de l’ONU pour ce faire, puisque la plupart des hommes impliqués ne sont plus dans le pays. Un cabinet d’avocats a adressé une lettre à l’ONU en août, demandant les résultats de tests ADN pratiqués sur certaines femmes, mais cette lettre est restée sans réponse. Cependant, la mission de l’ONU en Haïti a déclaré être en contact avec le ministère des Affaires étrangères, et attendre des informations concernant le cas d’une des femmes. Une des femmes était âgée de 16 ans au moment de sa grossesse, et d’autres allégations ont fait surface récemment à propos d’abus perpétrés par 134 casques bleus sri lankais contre neuf enfants entre 2004 et 2007.
Le Canada dont deux ressortissants ont été accusés d’abus sexuels en Haïti, a annoncé qu’il pourrait contribuer au fonds créé pour les victimes d’agressions sexuelles, auquel seuls six pays ont pour l’instant contribué.
Dans une autre lettre ouverte au Secrétaire Général de l’ONU (SG), AIDS-Free World et Code Blue Campaign ont expliqué être en possession de documents internes à l’ONU qui suggèrent que peu avait été fait pour retirer du terrain un bataillon de maintien de la paix en Centrafrique qui a fait l’objet de multiples suspicions d’abus sexuels contre des enfants. Ces documents (un rapport d’évaluation de 66 pages et un mémo d’une page) concernent un bataillon stationné à Berbérati, et remettent en question l’engagement du nouveau SG d’adopter « des mesures structurelles, juridiques et opérationnelles qui permettront de faire de la tolérance zéro une réalité ». Les deux organisations de plaidoyer à l’origine de la lettre condamnent l’échec de l’ONU à réagir à des informations sur des abus par des casques bleus, ce qui pourrait entraîner de nouveaux abus et mettre en danger des femmes et des enfants. Le rapport d’évaluation fait mention du rapatriement vers la RDC de 120 membres du bataillon (qui compte 750 soldats), suite à des affaires d’abus et d’exploitation sexuels. Il y aurait au moins six enfants parmi les victimes.
Un soldat français a été condamné à deux ans de prison dont un avec sursis pour des attouchements à l’encontre de deux petites filles alors qu’il était déployé au Burkina Faso en 2015. Il a également été condamné à payer 10000 euros au titre du préjudice subi par les enfants. Dès le lendemain de l’agression, la mère avait accusé le soldat, et ce dernier avait été immédiatement suspendu et rapatrié. Cette affaire intervenait quelques mois après les allégations d’abus sexuels par des soldats français en Centrafrique. Cette dernière enquête est quant à elle beaucoup plus lente. Le parquet a requis un non-lieu en mars dernier, mais une autre enquête sur des faits similaires est toujours en cours.
L'ONU et les enfants dans les conflits armés
Un groupe de 44 organisations, parmi lesquelles CRIN, a adressé une lettre au Secrétaire général des Nations unies, après qu’il ait été rapporté que ce dernier avait pris la décision de « geler » la liste des parties à des conflits qui commettent de graves violations contre les droits des enfants. Cette « liste de la honte » est annexée chaque année au rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés. Ce gel de la liste n’irait que dans un sens : M. Guterres aurait décidé de ne pas y ajouter de nouveau pays en 2017, mais certaines parties qui y figurait l’année dernière pourraient en être retirées. Les organisations signataires de la lettre ouverte exhortent le Secrétaire Général à revenir sur cette décision, notant que cette liste, instaurée en 2002 a donné des résultats positifs en stigmatisant les Etats et groupes armés non-étatiques qui violent le droit international. Les organisations appellent par ailleurs à la plus grande vigilance face à la politisation de la liste, qui devrait être impartiale et basée sur des preuves vérifiées par l’ONU. Les standards appliqués devraient être les mêmes pour toutes les parties, et la liste devrait ainsi inclure, sans exception, tous les auteurs de violations graves des droits de l’enfant.
Une nouvelle Représentante spéciale du Secrétaire général (RSSG) sur les enfants et les conflits armés a été nommée par António Guterres. Virginia Gamba prend la succession de Leila Zerrougui, RSSG depuis septembre 2012. Le RSSG soumet à l’Assemblée générale et au Conseil des droits de l’homme un rapport annuel et soulève les problèmes auxquels font face les enfants dans les conflits armés auprès de différents organes politiques tels que le Conseil de sécurité et les gouvernements concernés. Ce mandat vise à maintenir un sens de l’urgence chez les décideurs et à assurer un engagement politique et diplomatique de leur part. La RSSG conseille également le Secrétaire Général sur les forces et groupes armés à inclure dans la liste annuelle des parties à des conflits qui commettent des violations graves des droits de l’enfant.
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Actualités en bref
Santé - Selon l’Organisation mondiale de la santé, les 1,2 million de décès d’adolescents chaque année seraient presque tous évitables.
Peines inhumaines - La Haute Cour du Kenya a ordonné la libération de six prisonniers détenus « au bon vouloir du Président », considérant que cette forme de sanction était une peine inhumaine et dégradante. La détention au bon vouloir du Président permet de détenir des mineurs indéfiniment, seule une décision présidentielle pouvant mettre fin à la peine. Il s’agit d’une alternative à la peine de mort qui ne peut pas être prononcée contre des mineurs.
Justice des mineurs - En Italie, un projet de loi pourrait aboutir à la suppression des tribunaux pour mineurs. Le projet, proposé par le ministre de la Justice Andrea Orlando intégrerait le système de justice spécialisé dans le système judiciaire des adultes. Près de 400 experts ont signé une lettre ouverte, et des dizaines de milliers de personnes ont signé une pétition en ligne pour appeler à sauver le système de justice pour mineurs. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a également écrit au Président du Sénat italien pour lui signifier que cette réforme allait dans le mauvais sens.
Droit civils et politiques - En Russie, les autorités ont intimidé et harcelé des écoliers et des étudiants qui participaient à des manifestations anti-corruption. Quelques 90 manifestations à travers le pays ont rassemblé plus de jeunes que prévu, et 70 enfants auraient été arrêtés à Moscou seulement.
Peuples autochtones - Pour la troisième fois, le Tribunal canadien des droits de la personne a jugé que le gouvernement était coupable de discriminations envers les enfants des Premières Nations. L’ordonnance précise : « Malgré les fréquentes déclarations de bonne volonté par les ministres de Santé Canada et d’Affaires autochtones et du Nord Canada, le Tribunal a constaté que le gouvernement fédéral n’a même pas respecté la plus élémentaire partie de la décision de janvier 2016 qui ordonnait au Canada d’adopter immédiatement le Principe de Jordan dans son sens large ». Le Principe de Jordan impose de s’assurer que les enfants des Premières Nations ont accès aux mêmes services que les enfants non autochtones, en se basant sur leurs besoins et leurs intérêts.
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