Bulletin n° 181
Edition spéciale accès à la justice
Dans ce numéro
À la une
Le rapport sur l'accès à la justice disponible en français
L'accès à la justice est un droit humain, mais c'est également ce qui fait des autres droits une réalité. Pour que les droits de l'enfant soient plus qu'une simple promesse, il faut des moyens de faire appliquer ces droits.
Il y a un peu plus d’un an, CRIN publiait un projet collaboratif sur l’accès des enfants à la justice dans le monde. Il s’agit de la première étude d’envergure qui s’intéresse en détail à la manière dont les enfants peuvent accéder, et sont traités par les systèmes de justice, dans tous les pays du monde. Le rapport est enfin disponible en français. Les rapports pays sur les pays francophones sont également en partie traduits. Les autres seront mis en ligne dans les semaines à venir. Cette édition spéciale donne quelques développements positifs depuis que ce rapport a été publié pour la première fois en février 2016, ainsi que quelques actualités plus récentes sur l’accès des enfants à la justice.
L'accès à la justice comprend la possibilité, pour les enfants, ou le cas échéant leurs défenseurs compétents, d'utiliser le système juridique et d'avoir confiance en celui-ci pour la défense de leurs droits. Le système juridique doit fournir aux enfants les moyens d'obtenir une réponse rapide, efficace et juste pour ce qui est de la défense de leur droit ; les moyens de prévenir et de résoudre les conflits ; des mécanismes de contrôle des abus de pouvoir ; et tout ceci doit être accessible par un processus transparent, efficace, responsable et abordable. L'importance de l'accès à la justice est une réalité pour les enfants comme pour les adultes, pourtant les droits de l'enfant dans ce domaine ont longtemps été négligés et ignorés.
Le rapport, intitulé « Droits, remèdes et représentation : un rapport sur l'accès des enfants à la justice dans le monde », analyse les différentes manières dont les pays du monde se penchent sur ces questions. Nous avons décrit les moyens par lesquels les enfants peuvent accéder à la justice à travers le monde : les bons et les mauvais, les efficaces et les inefficaces, les moyens radicaux ou encore révolutionnaires. Le rapport donne également un classement des pays du monde selon leur capacité à garantir l'accès des enfants à la justice, et contient enfin un rapport sur l’État d’« Eutopie », rassemblant les différentes manières dont les systèmes juridiques mettent en œuvre ce droit.
Grâce au soutien de centaines de juristes et d'ONG à travers le monde, nous avons aussi publié un rapport sur chaque pays du globe, qui décrit le statut de la Convention de l'ONU relative aux droits de l’enfant dans l’appareil législatif national, le traitement réservé par la loi aux enfants impliqués dans une procédure judiciaire, les moyens disponibles pour porter les violations des droits de l’enfant devant la justice et, ce faisant, les considérations pratiques à prendre en compte.
Guide sur les violations des droits des enfants placés
Plus récemment, CRIN a publié un guide sur l’accès à la justice dans les cas de violations des droits des enfants placés en institution dans 11 pays d’Europe de l’Est, du Sud-Est et du Caucase. Les cas d’abus et de négligences dans les institutions dans cette région du monde sont connus des gouvernements depuis des dizaines d’années, pourtant peu de survivants ont pu obtenir réparation. Les cas de maltraitance extrême révélés il y a quelques jours en Biélorussie montrent que ces abus sont parfois toujours d’actualité. Les violations des droits de l’enfant dans les institutions prennent des formes variées : abus physiques, émotionnels et effets de la vie dans un environnement institutionnel déshumanisé. Le droit pour les enfants placés d’accéder à la justice a longtemps été négligé et ignoré, et il est bien plus difficile pour eux d’accéder à des recours quand c’est leur tuteur lui-même - l’Etat- qui est à l’origine des abus. Les voix des enfants restent souvent inaudibles, ils ne savent pas à qui se confier, n’ont pas les moyens d’accéder à de l’aide à l’extérieur et beaucoup ont des handicaps, ce qui rend la communication encore plus compliquée.
CRIN a publié le guide When the State doesn’t care (en anglais) pour permettre aux défenseurs des droits des enfants d’accéder à des outils pratiques et juridiques pour mettre fin aux violations commises au sein des institutions et pour fournir aux survivants des informations sur les moyens d’obtenir réparation. Le rapport donne un aperçu général des recours possibles pour les violations des droits des enfants placés, et examine la manière dont un enfant, ou quelqu’un agissant en son nom, peut obtenir justice dans la région concernée (Europe de l’Est, du Sud-Est et Caucase) et au niveau international.
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Actualités
Tour d'horizon des développements positifs sur l’accès à la justice depuis la publication du rapport, et quelques nouvelles récentes.
Recours introduits par des enfants
En juin 2016, au Pakistan, la Cour suprême déclarait recevable une action contre l’utilisation des énergies fossiles, introduite par une enfant de sept ans. Rabat Ali, qui a introduit le recours par l’intermédiaire de son père, soutient que l’exploitation continue et la promotion des énergies fossiles par le gouvernement central et les gouvernements provinciaux violent le droit constitutionnel à la vie des jeunes générations. La Cour a décidé que le recours serait entendu en même temps que d’autres affaires en cours concernant l’environnement.
Ce mois-ci, c’est une indienne de 9 ans qui a déposé plainte contre le gouvernement indien pour son inaction face au changement climatique. Le recours a été introduit auprès d’un tribunal spécialisé dans les affaires environnementales. Le gouvernement doit répondre dans les prochains jours. Quatre des dix villes les plus polluées au monde se trouvent en Inde mais Ridhima Pandey, la jeune requérante, pense que son pays a le potentiel de réduire l’utilisation des énergies fossiles.
En France, trois lycéens viennent d’assigner l’État en justice pour discrimination raciale. Ils estiment avoir été victimes d’un contrôle au faciès lors d’une sortie scolaire. Le commissariat avait refusé d’enregistrer leur plainte. Une décision de la Cour de cassation en novembre dernier a éclairé la question de la charge de la preuve dans les affaires de discrimination lors de contrôles d’identité : la personne qui saisit le tribunal « doit apporter au juge des éléments qui laissent présumer l’existence d’une discrimination », mais c’est ensuite « à l’administration de démontrer, soit l’absence de discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs ».
Réformes législatives
En juin 2016, le Vietnam inaugurait son premier tribunal pour enfants dans la capitale Ho Chi Minh ville. Celui-ci a compétence pour entendre les affaires pénales dans lesquelles le prévenu ou la victime a moins de 18 ans, ainsi que les affaires familiales impliquant des enfants. L’Assemblée nationale a également voté le maintien de la majorité à 16 ans.
En avril 2016, le département de la justice du gouvernement jordanienacceptait de proposer la suppression d’une disposition du code pénal qui permet aux violeurs d’échapper aux poursuites en se mariant avec leur victime, dès lors qu’ils restent mariés au moins cinq ans. D’après des activistes, 95% des viols resteraient impunis à cause de cette disposition. La réforme envisagée pour la supprimer doit encore franchir de nombreuses étapes législatives avant d’être peut-être adoptée.
En septembre à Guam, la promulgation d’une loi abolissant la prescription pour les abus sexuels sur enfants a permis à des victimes d’introduire des actions pour des faits passés, en particulier contre des institutions religieuses. Ce changement législatif fait suite aux allégations d’au moins quatre anciens enfants de choeur contre l’archevêque Apuron, le membre du clergé le plus haut placé de Guam, sur des faits remontant aux années 70, quand ce dernier était curé. L’Église catholique conduit une enquête depuis plusieurs mois et a recommandé que l’archevêque soit relevé de ses fonctions, même s’il n’a pas encore été formellement inculpé. L’archevêque Savio Hon Tai-Fai, chargé de l’enquête pour le compte du Vatican, a appelé le gouverneur de Guam à ne pas signer la nouvelle loi, arguant que l’Église risquerait la faillite face aux dommages auxquels elle pourrait être condamnée dans ces affaires. Plusieurs plaintes pour des abus sexuels sur mineurs ont depuis été déposées.
Justice internationale
La peine de réclusion à perpétuité prononcée en mai à l’encontre de l’ancien dictateur tchadien, Hissène Habré, est la première condamnation prononcée dans un autre pays africain contre un ancien dirigeant pour des violations du droit international, selon le principe de compétence universelle. Habré a été condamné pour crimes de guerre, torture et crimes contre l’humanité, dont des cas de viols et d’esclavage sexuel, à l’issue d’un procès qui s’est tenu devant les chambres africaines extraordinaires au Sénégal. Il était notamment accusé d’avoir personnellement commis des viols dont certaines victimes étaient âgées d’à peine 13 ans. Les chambres extraordinaires devraient tenir des audiences pour l’octroi de dommages, et sont également mandatées pour établir un Fonds d’indemnisation pour toutes les victimes, qu’elles aient ou non participé aux poursuites engagées. Hissène Habré a interjeté appel, et la décision devrait être connue dans les prochains jours.
Ce mois-ci, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Russie pour les graves défaillances dans la gestion de la prise d’otages d’une école à Beslan, en Ossétie du nord, en 2004, qui avait fait 330 victimes. La Cour a jugé que les défaillances de l’Etat pour prévenir l’attaque, ainsi que l’usage disproportionné de la force au cours de l’assaut constituaient des violations de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à la vie).
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Les droits de l'enfant à l'ONU
La Francophonie aux Nations unies en bref
Organes des traités
Sessions récentes
Les listes de points à traiter pour les rapports de la République Démocratique du Congo et de Maurice (en anglais) auprès du Comité des droits de l’homme ont été adoptées lors de la 119ème session du Comité.
La liste de points à traiter par Madagascar dans son prochain rapport au Comité des droits des travailleurs migrants est disponible.
Sessions à venir
Le Comité contre la torture adoptera une liste de points à traiter pour le Rwanda, et une liste de points à traiter avant présentation du rapport pour le Luxembourg, lors de sa 60ème session qui se tient du 18 avril au 12 mai 2017.
Le rapport du Cameroun sera examiné lors de la 75ème session du Comité des droits de l’enfant, qui se tiendra du 15 mai au 2 juin 2017.
Procédures spéciales
Le Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises se rendra au Canada du 23 mai au 1er juin 2017.
Dates limites des contributions de la société civile pour les examens des rapports des pays francophones
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16 mai : pour l’examen du rapport du Burkina Faso par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, lors de sa 58ème session, qui se tiendra du 6 au 24 juin 2017. Informations pour les ONG.
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5 juin : pour les examens des rapports de Madagascar et de la Suisse par le Comité des droits de l’homme. Informations pour les ONG (en anglais).
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12 juin : contributions pour l’examen du rapport du Niger par le Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes lors de sa 67ème session qui se tiendra du 3 au 21 juillet 2017. Contributions pour l’adoption de la liste de points à traiter pour le Luxembourg et la liste de points à traiter avant présentation du rapport pour Maurice, en vue de la 69ème session.
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14 juin : contributions pour l’examen du rapport du Luxembourgpar le Comité sur les droits des personnes handicapées, lors de sa 18ème session qui se tiendra du 14 août au 1er septembre 2017.
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7 juillet : contributions pour les examens des rapports du Canadaet de Djibouti par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale lors de sa 93ème session qui se tiendra du 31 juillet au 25 août. Informations pour les ONG.
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10 août : contributions pour l’examen du rapport du Gabon par leComité sur les disparitions forcées, lors de sa 13ème session, qui se tiendra du 4 au 15 septembre 2017. Informations pour les ONG (en anglais).
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Annonces
Appels à contribution
Pour le rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU sur l’accès à la justice dans le contexte de l’article 13 de la Convention sur les droits des personnes handicapées. Les contributions doivent être soumises avant le 1er mai 2017. Plus d’informations.
Pour le rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU sur le champ d’action de la société civile. Les contributions doivent être soumises avant le 30 septembre 2017 (délai initial du 1er mai étendu). Plus d’informations (en anglais). Appel à contributions (en français).
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Le mot de la fin...
Quand on parle “enfants et justice”, la première chose qui vient à l’esprit est généralement celle d’un enfant qui enfreint la loi. On considère plus rarement leur droit à utiliser les systèmes juridiques pour protéger leurs droits ou demander réparation lorsque leurs droits ont été bafoués. Mais, comme les adultes, les enfants ont des droits humains et quand ces droits sont violés, ils devraient pouvoir faire confiance à la justice et l’utiliser pour obtenir réparation
Veronica Yates, directrice de CRIN
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