Bulletin n° 178
Dans ce numéro
Actualités
Éducation
La confirmation de Betsy DeVos au poste de ministre de l’Éducation aux États-Unis inquiète de nombreux élèves, enseignants et parents d’élèves. Partisane de la dérégulation en matière d’éducation, elle souhaite ouvrir le secteur éducatif aux «entrepreneurs et aux innovateurs » afin de créer les « équivalents éducatifs de Google, Facebook, Amazon, PayPal, Wikipedia ou Uber. » Dans son État du Michigan, l’expérience a pourtant été décrite comme un fiasco par le New York Times. Les écoles publiques étant principalement financées au niveau des villes et des États, son influence sur leur financement sera limitée, même si elle pourra, dans les États qui le permettent, rediriger des fonds fédéraux pour aider des familles à se payer des écoles privées. Son audition par le Sénat a également révélé son manque de connaissance sur un certain nombre de dossiers importants (comme les besoins des élèves handicapés ou encore l’évaluation des écoles américaines). Son nouveau poste pourrait de plus l’exposer à de nombreux conflits d’intérêts. Par ailleurs, l’administration Trump a annoncé revenir sur les recommandations mises en place par l’administration Obama permettant aux élèves et étudiants transgenres d’utiliser les toilettes du sexe auquel ils s’identifient. La Cour suprême doit se prononcer sur cette question le mois prochain dans une affaire concernant un lycéen transgenre de 17 ans demandant à pouvoir utiliser les toilettes pour garçons dans son école de Virginie.
Au Kenya, un tribunal a confirmé la fermeture des écoles Bridge Academy, quelques mois après une décision similaire en Ouganda. D’après le tribunal kenyan, ces écoles privées « low cost » ne satisfont pas aux normes minimales requises, notamment en ce qui concerne la formation des enseignants, les locaux, et l’évaluation de l’impact environnemental.
En Tanzanie, d’après Human Rights Watch, 15 millions d’adolescents ne seraient pas scolarisés (soit 40% d’entre eux), et ce malgré la décision de rendre l’école secondaire gratuite. La suppression des frais a amélioré la situation, mais les obstacles restent nombreux : classes en sureffectif, discriminations à l’égard des filles enceintes ou mariées, manque d’écoles dans les zones rurales etc. Enfin, les châtiments corporels restent légaux dans les écoles, et les mauvais traitements et violences sexuelles sont répandues. Lire le communiqué. Lire le rapport (en anglais).
Enfants placés de force
Au Canada, l’action collective liée à la rafle, dans les années 60, de milliers d’enfants autochtones, a enfin abouti. Un juge a donné raison aux quelques 16 000 plaignants qui ont été retirés de réserves en Ontario pour être placés dans des familles non autochtones. Il a estimé que le gouvernement avait le devoir d'aider ces enfants à ne pas perdre leur identité autochtone. Le gouvernement a annoncé qu’il ne ferait pas appel, et il reste désormais à déterminer les dommages dont celui-ci devra s’acquitter. Des affaires similaires sont en cours devant les tribunaux dans d'autres provinces, et le gouvernement espère pouvoir négocier une solution à l’échelle nationale. Lire l’article. Lire la décision (en anglais).
En France, plusieurs mesures d’aide juridique, psychologique et financière en faveur des « enfants de la Creuse » ont été annoncées. Ces mesures incluront notamment une aide pour des séjours à la Réunion. Plus de 2 000 mineurs de l’île avaient été victimes d'une migration forcée vers la métropole entre 1963 et 1982. Une commission nationale d’experts rendra son rapport sur le sujet dans un an. Lire l’article.
Justice
Au Maroc, un tribunal a donné raison à une mère qui avait demandé la reconnaissance de paternité pour son enfant née hors mariage. Le juge a basé sa décision, non pas sur le Code de la famille, discriminatoire envers les enfants « illégitimes », mais sur la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Cependant, cette reconnaissance de paternité n’ouvre pas à la fillette les droits inhérents à la filiation, ni le droit à une pension alimentaire.
En France, la Cour de cassation a renvoyé devant la cour d’appel de Lyon une affaire de violences policières. Un adolescent avait été grièvement blessé au visage par un tir de Flash-Ball en marge d'une rixe. La cour d’appel avait confirmé le non-lieu, en estimant que les policiers étaient intervenus dans le cadre de leur mission de maintien de l’ordre pour disperser un attroupement. Mais selon la Cour de cassation, la chambre d’instruction n’a pas justifié sa décision en se plaçant uniquement dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre. Elle a estimé au contraire que les policiers étaient intervenus pour « mettre fin à des violences en train de se commettre » et que c’est dans le cadre de leur mission de police judiciaire qu’il fallait évaluer la légitimité de l’usage du Flash-Ball.
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Conflits armés
Violences
Après l’enquête d’Amnesty International sur la prison de Sadnaya en Syrie, décrite comme « un véritable abattoir humain », C’est le collectif de journalistes Zero Impunity qui publie une enquête sur les crimes sexuels contre les enfants commis dans les prisons syriennes. Les mineurs peuvent être emprisonnés pour des crimes et délits, en marge des manifestations, ou pour faire pression sur une famille d’opposants. Les mineurs ne sont pas séparés des adultes, et subissent exploitation et violences sexuelles de la part des détenus et des gardiens.
Selon une enquête de Human Rights Watch, les forces gouvernementales birmanes ont commis des viols et d’autres violences sexuelles à l’encontre de femmes et de jeunes filles rohingyas dont certaines n’avaient que 13 ans, lors d’opérations sécuritaires menées dans l’État de Rakhine dans le nord du pays à la fin de l’année 2016.
Après les attaques menées par des militants rohingyas contre des postes de gardes-frontières le 9 octobre 2016, l’armée birmane a lancé une série d’« opérations de nettoyage » dans l’État de Rakhine au nord. Les forces de sécurité ont exécuté sommairement des hommes, des femmes et des enfants, ont pillé des propriétés et ont brûlé au moins 1 500 maisons et autres bâtiments. Plus de 69 000 Rohingyas ont fui vers le Bangladesh, tandis que 23 000 autres ont été déplacés à l’intérieur du pays.
Plusieurs femmes ont décrit la façon dont les soldats ont cerné leurs villages ou leurs domiciles, puis ont rassemblé les villageois à l’extérieur, séparant les hommes des femmes, et les ont détenus pendant de nombreuses heures. Les soldats ont souvent abattu les villageois et violé, séparément ou collectivement, les femmes et les jeunes filles. Les violences sexuelles ne semblent pas s’être produites de manière aléatoire ou opportune, mais relever d’une attaque coordonnée et systématique contre les Rohingyas. De nombreuses femmes ont déclaré à Human Rights Watch que les soldats les avaient menacées ou insultées en proférant des paroles axées sur leur statut de musulmanes rohingyas.
Le journal britannique le Guardian rapporte des témoignages rassemblés en vue d’une action en justice contre le gouvernement britannique sur son traitement des mineurs non-accompagnés. Ceux-ci révèlent que des femmes et des enfants sont victimes de viols au sein du camp de Grande-Synthe dans le nord de la France. Les récits de bénévoles, du personnel médical, de réfugiés et d’autres officiels s’accordent sur le fait que les abus sexuels sont courants dans le camp, et que des femmes et des enfants subissent des relations sexuelles forcées en échange de couvertures, de nourriture ou d’un passage vers la Grande-Bretagne. Le camp abrite 2 000 réfugiés, dont 100 sont des mineurs non accompagnés. De son côté, l’association Gynécologie sans frontières a confirmé au journal le Monde que des femmes sont victimes de violences, mais sans se prononcer sur le lieu où ces violences sont perpétrées - dans le camp ou lors de tentatives de passage en Grande-Bretagne. Par ailleurs, à Calais, des mineurs ont été arrêtés par la police alors qu’ils se rendaient dans les locaux du Secours catholique pour y prendre une douche. L’installation de douche à destination des migrants oppose les ONG à la municipalité. L’organisation caritative a saisi le Défenseur des droits.
En République Démocratique du Congo, la région du Kasaï connaît d’importantes tensions, en raison de la présence de miliciens dits Kamuina Nsapu (du nom d’un chef coutumier qui s’était rebellé en juillet dernier avant d’être tué en août), mais aussi à la répression violente du mouvement par les forces gouvernementales. Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est déclaré vivement préoccupé par « les récentes informations faisant état de violations graves du droit international humanitaire commises par des milices locales dans la région de Kasaï, notamment le recrutement et l'utilisation illégale d'enfants soldats et les meurtres de civils par des membres des forces de sécurité de la RDC, qui pourraient constituer des crimes de guerre en vertu du droit international ». Le groupe rebelle serait composé à plus de 50% de mineurs, en majorité des enfants de moins de 14 ans, et des rapports font part de centaines de morts lors de la répression. Le gouvernement a annoncé une enquête sur les violences, et relâché une soixantaine de miliciens en signe d’apaisement.
Justice
Une résolution de l’Union africaine a entériné le principe d’un retrait collectif de la Cour pénale internationale, accusée de s’acharner sur l’Afrique. La décision, adoptée pendant une réunion à huis-clos, ne fait pas pour autant l’unanimité. Nigéria, Sénégal et Côte d’Ivoire y sont par exemple catégoriquement opposés. D’autres demandent plus de temps pour clarifier leur position. Le sujet avait été mis à l’ordre du jour par le président kenyan, et la résolution, non-contraignante et adoptée sans calendrier de sortie, n’a pas figuré dans le compte-rendu de la session. Parmi les 54 pays de l’UA, 34 sont parties au Statut de Rome. Le nouveau Président gambien a quant à lui annoncé que son pays ne quitterait pas la CPI comme l’avait décidé l’ancien Président Yahya Jammeh. De son côté, la Haute Cour de Pretoria a jugé inconstitutionnel le projet de retrait de la CPI de l’Afrique du Sud. Ainsi, de la ‘vague’ de défections l’année passée, le Burundi est pour l’instant le seul pays à persister sur la voie du retrait. Lire l’article.
La Haute Cour de justice du Kenya a annulé la fermeture du camp de réfugiés Dadaab, réputé être le plus grand au monde. Le camp devait être fermé fin 2016, mais une requête du Haut commissariat aux réfugiés en avait repoussé la fermeture. La cour a considéré que « la décision du gouvernement de viser spécifiquement les réfugiés somaliens constitue un acte de persécution d’un groupe, est illégale, discriminatoire et donc anticonstitutionnelle ». Lire l’article.
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Accès des enfants à la justice
République Démocratique du Congo
Chaque mois, nous vous présentons un rapport sur l’accès des enfants à la justice dans un pays du monde. Le projet vise à établir le statut de la Convention relative aux droits de l'enfant (CDE) dans les législations nationales, le statut des enfants impliqués dans des procédures judiciaires, les moyens juridiques qui permettent de contester des violations des droits de l'enfant et les considérations pratiques à prendre en compte en utilisant ces moyens.
La République Démocratique du Congo (RDC) a ratifié la CDE le 27 septembre 1990, ainsi que le Protocole facultatif sur l’implication d’enfants dans les conflits armés et le Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 11 novembre 2011. Les traités dûment ratifiés priment sur le droit national et ont force de loi devant les juridictions nationales. La RDC a incorporé certaines provisions de la CDE dans sa législation nationale par le biais du Code de la famille et du Code de protection de l’enfant. L’enfant ne pas peut saisir les tribunaux sans l’aide d’un représentant, sauf dans le cas d’affaires portées devant le tribunal pour enfants, que l’enfant peut saisir seul. Le contentieux collectif n’est pas recevable, ni l’intervention d’ONGs dans la saisine de tribunaux. De plus, aucune aide judiciaire gratuite ou subventionnée n’est à disposition des parties. Dans la pratique, la corruption du système judiciaire et les constantes interférences de l’exécutif dans les procédures empêchent l’accès à la justice et l’efficacité du système juridique. Enfin, les tribunaux coutumiers se basent sur le droit coutumier pour rendre leurs jugements, or le droit coutumier ne prend pas en compte la CDE.
Télécharger le rapport complet en français et en anglais.
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Annonces
Publications
Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne - Une justice adaptée aux enfants : points de vue et expériences des enfants impliqués dans des procédures judiciaires. Lire le rapport (en anglais).
Amnesty International - Rapport annuel.
Appel à contributions
Le Haut commissariat aux droits de l’homme de l’ONU recevra des contributions pour son rapport sur les droits de l’homme dans l’administration de la justice, y compris la justice pour mineurs.
Date limite : 1er mars 2017.
Voir l’appel à contributions.
Agenda
Journées Intersexes : santé, éducation et droits humains,
Dates : 20 et 21 mars 2017
Lieu : Abbaye de Neumünster, Luxembourg.
Plus d’informations.
Formation
1er avril 2017 (non-UE) / 15 juin 2017 (UE) - date limite de candidature pour le Master of Laws in Advanced Studies in International Children’s Rights
Dates : septembre 2017- été 2018
Lieu : Leiden, Pays-Bas.
Plus d’informations.
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Le mot de trop
« La concurrence réussit toujours. Les faibles disparaissent et les forts s'améliorent. C'est formidable. »
Donald Trump, à propos de l’éducation.
Et toujours aux États-Unis, lors de son audition par le Sénat, Mme DeVos, désormais secrétaire à l’Éducation, a justifié le besoin d’armes dans les écoles en citant l’exemple pour le moins surprenant d’un établissement rural qui en aurait besoin « pour se protéger de grizzlis potentiels ».
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Informations
Advocacy
CRIN
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Lire l'édition spéciale du bulletin de CRIN en anglais sur l'accès des enfants à la justice dans le monde, un an après la publication de notre rapport.
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