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Summary: La magistrate Catherine Sultan publie aujourd’hui un ouvrage qui réunit souvenirs professionnels et réflexion sur la justice des mineurs.
[Le 10 avril 2013] - L’adolescent se tait obstinément. La juge : «Vous vous moquez de la justice ?» L’ado : «Je ne me moque pas de vous, madame.» La juge, à bout : «Je vous parle de la justice.» «Alors elle, je ne la connais pas.» C’est l’un des récits que la juge des enfants Catherine Sultan relate dans son livre, qui sort aujourd’hui, Je ne parlerai qu’à ma juge (1). C’est aussi une anecdote révélatrice : derrière la justice des mineurs, si décriée pour son supposé laxisme ces dernières années, il y a des juges, avec leurs hésitations et leur propre passé, il est des enfants, aux histoires individuelles, graves ou touchantes, et la justice au quotidien est faite des liens qu’ils tissent. Avec son livre, Catherine Sultan a voulu «lutter contre la contamination des esprits par certains préjugés». Nicolas Sarkozy avait fait du «jeune» l’une de ses figures dangereuses favorites, contre laquelle il avait fait voter sept lois en cinq ans… Aujourd’hui encore, la droite se déchaîne chaque fois que Christiane Taubira rappelle qu’elle supprimera les tribunaux correctionnels pour mineurs créés par l’ex-président, lors de la loi sur la justice des mineurs qu’elle veut faire voter avant la fin de l’année. «Les enfants d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’après la guerre : regardez comme ils sont grands et musclés !» disait Sarkozy pour prouver qu’il fallait aligner leur justice sur celle des adultes. «Souvent, les enfants que nous rencontrons dans nos cabinets souffrent parce qu’ils sont envahis par des problèmes d’adultes. Le droit de l’enfant peut aussi être un droit à l’irresponsabilité», dit au contraire Catherine Sultan. La part des mineurs dans la délinquance générale (en tout cas dans les délits élucidés) a certes augmenté : elle est passée de 14% en 1992 à 17% en 2010. Mais, comme l’ont montré les sociologues Véronique Le Goaziou et Laurent Mucchielli, c’est surtout la délinquance d’ordre public qui augmente (heurts avec la police, dégradations, stups…) alors que les violences graves diminuent. Près de 70% des mineurs poursuivis devant le juge ne récidiveront pas. Par essence, la justice des mineurs est discrète. Le juge entend l’enfant et sa famille dans la discrétion de son bureau. Les rares procès d’assises se déroulent à huis clos. Avec son livre, Catherine Sultan, longtemps présidente de l’Association des magistrats de la jeunesse et de la famille, met en lumière le quotidien de cette justice. Libération revient avec elle sur quelques dossiers qui ont émaillé sa carrière. Et qui montrent, histoire après histoire, à quel point le regard sur l’enfance et sa violence a changé. (1) Ed. Seuil, 240 pp., 19,50 €.«Grands et musclés»
Heurts avec la police