Survivre, le défi quotidien des enfants dans le conflit armé en République démocratique du Congo


Résumé

Les enfants en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo (RDC) subissent les pires traitements, malgrĂ© des signes extĂ©rieurs de progrĂšs dans ce pays, comme la crĂ©ation d’un gouvernement de transition avec partage des pouvoirs, la prĂ©sence de la plus importante opĂ©ration de maintien de la paix des Nations Unies et des milliards de dollars attribuĂ©s par les bailleurs de fonds pour la reconstruction post-conflictuelle.

En 2006, la RDC continue de subir la crise humanitaire la plus meurtriĂšre du monde: selon le ComitĂ© international de secours (IRC), plus de 38 000 personnes meurent chaque mois des consĂ©quences directes ou indirectes du conflit armĂ©. Environ 45% des victimes sont des enfants de moins de 18 ans. En outre, les enfants sont la cible de violations des droits de l’homme commises quotidiennement par les forces et groupes armĂ©s. La trĂšs grande majoritĂ© de ces crimes sont perpĂ©trĂ©s dans la plus totale impunitĂ©.

Cependant, quelques progrĂšs ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s depuis la publication, en 2003, du premier rapport de Watchlist sur les enfants et les conflits armĂ©s en RDC, Impact des conflits armĂ©s sur les enfants en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo (RDC). Des milliers d’enfants qui avaient Ă©tĂ© enrĂŽlĂ©s dans les forces et groupes armĂ©s ont Ă©tĂ© dĂ©mobilisĂ©s. Dans certaines rĂ©gions, le nombre de personnes dĂ©placĂ©es a considĂ©rablement diminuĂ©. Des efforts intenses ont Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©s pour faire face Ă  l’exploitation et Ă  la violence sexuelles. Les combattants des groupes armĂ©s ont commencĂ© Ă  intĂ©grer l’armĂ©e nationale unifiĂ©e. En outre, une nouvelle constitution a Ă©tĂ© plĂ©biscitĂ©e par un referendum national qui a eu lieu en dĂ©cembre 2005.

MalgrĂ© ces avancĂ©es, Watchlist a constatĂ© la poursuite de violations systĂ©matiques et odieuses contre les enfants en RDC dans chacune des principales catĂ©gories dĂ©finies par le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations Unies dans sa rĂ©solution (1612) de 2005 sur les enfants et les conflits armĂ©s. Ces violations sont les suivantes: massacres et mutilations, viols et autres formes de violence sexuelle, enlĂšvements, refus d’autoriser l’accĂšs aux organisations humanitaires, attaques contre les Ă©coles, recrutement et utilisation d’enfants. En outre, d’autres violations, telles que le dĂ©placement forcĂ© et la torture, sont toujours commises contre des enfants et leurs familles. Voici les principaux faits constatĂ©s par Watchlist entre 2003 et le dĂ©but de janvier 2006:

Massacres et mutilations

La violence extrĂȘme et les combats se sont poursuivis dans toute la RDC. Les enfants ne sont pas Ă©pargnĂ©s, tous les groupes et forces armĂ©s de la RDC continuant de tuer et de mutiler des enfants. Des cas bien documentĂ©s relatent des atrocitĂ©s, telles que des combattants armĂ©s tirant sur des enfants, les mutilant, les blessant Ă  coup de couteau et les brĂ»lant vifs.


Viols et autres formes de violence sexuelle contre les filles


Tous les groupes et forces armés continuent de commettre des viols et des actes de violence sexuelle contre des filles et des femmes. On estime à des centaines de milliers le nombre de victimes de viols et autres formes de violence sexuelle en RDC.

Dans de nombreux cas, les viols se caractĂ©risent par une extrĂȘme cruautĂ©, notamment contre des fillettes et parfois des garçons: viols collectifs, mutilation des organes gĂ©nitaux, viol avec l’introduction d’objets dans les parties gĂ©nitales de la victime, viol forcĂ© entre victimes et viol avec exĂ©cution par balle. Des filles sont maintenues en captivitĂ© comme esclaves sexuelles pendant de longues pĂ©riodes.

La majoritĂ© des filles victimes de viols souffrent de graves blessures qui nĂ©cessitent des opĂ©rations chirurgicales et peuvent entraĂźner des maladies vĂ©nĂ©riennes, l’infection par le VIHSIDA, la stĂ©rilitĂ© et d’autres graves problĂšmes de santĂ©. La majoritĂ© des survivantes ne reçoivent pas de traitement mĂ©dical aprĂšs avoir Ă©tĂ© agressĂ©es. À la suite du viol, beaucoup de filles sont abandonnĂ©es par leurs familles et leurs communautĂ©s et condamnĂ©es Ă  vivre dans la pauvretĂ©.


Refus d’autoriser l’accùs à l’assistance humanitaire


Les organismes humanitaires font toujours face aux attaques des groupes armĂ©s et Ă  d’autres obstacles, comme le pillage, la destruction des ressources humanitaires, des stocks de vivres et des bases sur le terrain, la confiscation de vĂ©hicules, le harcĂšlement des expatriĂ©s et du personnel national, le prĂ©lĂšvement de taxes illĂ©gales et la lourdeur des procĂ©dures administratives. En outre, dans certains cas, des travailleurs humanitaires ont Ă©tĂ© contraints de retarder ou de suspendre la distribution de l’aide, estimant que les bĂ©nĂ©ficiaires locaux risquaient d’ĂȘtre la cible de harcĂšlement militaire ou politique aprĂšs avoir reçu cette aide.


Attaques contre les Ă©coles et les hĂŽpitaux


Les forces et groupes armĂ©s ont saccagĂ©, incendiĂ© et dĂ©truit des Ă©coles Ă  grande Ă©chelle dans l’Est de la RCD. Les combattants ont Ă©galement pillĂ© et dĂ©truit des fournitures scolaires. Pendant les attaques contre les Ă©coles, les combattants armĂ©s ont recrutĂ© de force des garçons Ă  la pointe du fusil, en particulier dans les zones les plus touchĂ©es par les conflits dans l’Est de la RDC.

Les attaques contre les Ă©coles et d’autres problĂšmes du systĂšme Ă©ducatif ont privĂ© de leur droit Ă  l’éducation un nombre d’enfants estimĂ© Ă  4,6 millions, dont 2,5 millions de filles.

Les forces et groupes armĂ©s saccagent et pillent Ă©galement les hĂŽpitaux et autres centres mĂ©dicaux. À cause de ces attaques et de la dĂ©tĂ©rioration gĂ©nĂ©rale du systĂšme national de santĂ©, des enfants meurent chaque annĂ©e de maladies que l’on pourrait prĂ©venir, telles que la malnutrition, le paludisme, les maladies diarrhĂ©iques, les infections respiratoires aiguĂ«s, la rougeole et la tuberculose. Les consĂ©quences de la guerre se traduisent par une pĂ©nurie gĂ©nĂ©ralisĂ©e de mĂ©dicaments, d’équipements mĂ©dicaux et de personnel mĂ©dical qualifiĂ© et par la dĂ©liquescence des infrastructures sanitaires nationales.


EnlĂšvements


Divers groupes armĂ©s opĂ©rant principalement dans l’Est de la RDC continuent d’enlever des enfants. Parmi ceux-ci, on compte les MaĂŻ-MaĂŻ, le Rassemblement congolais pour la dĂ©mocratie-Mouvement de libĂ©ration (RCD-ML), les Forces dĂ©mocratiques de libĂ©ration du Rwanda (FDLR), un nouveau groupe constituĂ© de dissidents des FDLR, appelĂ© les “ Rastas ”, ainsi que les forces du gĂ©nĂ©ral Laurent Nkunda et quelques autres groupes. Selon des sources locales, des jeunes filles ont Ă©tĂ© enlevĂ©es et dĂ©tenues en otage pour ĂȘtre vendues en Ă©change de bĂ©tail ou d’or et utilisĂ©es Ă  d’autres fins.


Enfants associés aux forces et groupes armés


On estime qu’au moins 30 000 garçons et filles participent activement aux combats ou sont rattachĂ©s aux forces et groupes armĂ©s, et utilisĂ©s Ă  des fins sexuelles ou pour d’autres services.

Presque toutes les filles et certains garçons sont victimes de sĂ©vices sexuels de la part de leurs commandants ou d’autres soldats. Les enfants sont frĂ©quemment tĂ©moins de graves violations des droits de l’homme Ă  l’encontre des civils ou forcĂ©s d’y participer, et se battent souvent en premiĂšre ligne.

Le processus global de dĂ©sarmement, de dĂ©mobilisation et de rĂ©insertion (DDR) des enfants a Ă©tĂ© trĂšs long. La Commission nationale de dĂ©sarmement, dĂ©mobilisation et rĂ©insertion (CONADER), l’organe gouvernemental chargĂ© d’assurer la mise en oeuvre de l’ensemble du processus, n’a pas les capacitĂ©s et l’expĂ©rience technique ni l’autoritĂ© pour en surveiller le dĂ©roulement.


Autres violations


Outre les six violations odieuses dĂ©finies par le Conseil de sĂ©curitĂ© de l’ONU, les enfants en RDC continuent de subir tout un Ă©ventail de violations et crimes atroces, notamment, le dĂ©placement forcĂ©, le travail forcĂ© et la participation sous la contrainte Ă  l’exploitation illicite des ressources naturelles.

Environ 150 cas d’exploitation et de sĂ©vices sexuels commis par du personnel des Nations Unies ont Ă©tĂ© rendus publics et ont fait l’objet d’investigations. En outre, des enfants, en particulier des filles, sont accusĂ©s de sorcellerie, ce qui les pousse Ă  vivre dans la rue ou dans d’autres situations dangereuses; dans certains cas, ils sont tuĂ©s par des membres de leur famille ou de leur communautĂ©. Les enfants et les adolescents sont Ă©galement menacĂ©s par l’épidĂ©mie du VIH-SIDA ainsi que par la violence et l’insĂ©curitĂ© dues Ă  la prĂ©sence et Ă  l’utilisation trĂšs rĂ©pandues d’armes lĂ©gĂšres dans toute la RDC.


Recommandations


En rĂ©ponse Ă  ces constatations, Watchlist on Children and Armed Conflict adresse des recommandations urgentes aux autoritĂ©s gouvernementales de RDC, Ă  tous les groupes armĂ©s opĂ©rant en RDC, au Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations Unies, Ă  la Mission d’observation des Nations Unies en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo (MONUC), aux organismes humanitaires prĂ©sents en RDC, aux donateurs et Ă  la Cour pĂ©nale internationale.

Ces recommandations demandent instamment Ă  toutes les parties de prendre immĂ©diatement des mesures durables pour protĂ©ger les enfants et les adolescents congolais d’autres violations et de trouver des moyens pour soulager ceux qui ont dĂ©jĂ  endurĂ© des souffrances inimaginables. D’abord et avant tout, Watchlist demande Ă  tous les forces et groupes armĂ©s de RDC de faire cesser immĂ©diatement les crimes contre les enfants.

pdf: http://www.watchlist.org/reports/dr_congo.report.20060426.fr.pdf

Please note that these reports are hosted by CRIN as a resource for Child Rights campaigners, researchers and other interested parties. Unless otherwise stated, they are not the work of CRIN and their inclusion in our database does not necessarily signify endorsement or agreement with their content by CRIN.