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Summary: Dans les pays en développement, un tiers des femmes ont été mariées avant l’âge de 18 ans.
[Le 19 juillet 2011] - On éprouve un réel découragement à la lecture du premier rapport sur « Le progrès des femmes dans le monde 2011-2012 : En quête de justice » qu’a publié la toute jeune organisation ONU Femmes, le 6 juillet. Un sentiment également perceptible sous la plume de Michelle Bachelet, directrice de cette entité des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, qui a rédigé la préface de cette étude de 168 pages. D’un côté, l’ancienne présidente du Chili se félicite des incontestables avancées obtenues dans ce domaine en une seule génération. Par exemple, 125 pays ont mis hors la loi les violences domestiques et 115 garantissent des droits de propriété égaux quel que soit le sexe. De l’autre, elle « souligne le fait que, en dépit de ces larges garanties d’égalité, la justice demeure en réalité hors de portée pour des millions de femmes ». 125 pays considèrent que la violence conjugale est illégale. En 1911, deux pays seulement autorisaient le vote des femmes. Aujourd’hui, 186 États ont signé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à leur égard (Cedaw, en anglais). Malheureusement, si le droit a évolué, son application demeure trop souvent virtuelle. L’accès à la justice ? « Les hommes nous battent et abusent de nous, témoigne une habitante de Kalangala (Ouganda), mais si nous voulons nous rendre au poste de police pour dénoncer les faits, tout le monde refuse de nous y conduire en voiture, ou bien à des prix dissuasifs. Alors, nous y renonçons et nous souffrons en silence. » Le respect des droits ? « Les filles sont mariées dès l’âge de 16 ans qu’elles le veuillent ou non, dénonce une jeune femme de Shuneh (Jordanie). Mais les hommes, eux, reçoivent l’éducation qu’il faut et travaillent où ils veulent. » En plus sec, la litanie des statistiques dit la même chose : 2,6 milliards de femmes vivent dans des pays où le viol conjugal n’est pas explicitement considéré comme un crime ; 53 % des femmes (600 millions) qui travaillent occupent des emplois précaires ; cette proportion s’élève à 80 % en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est. Mariages précoces Dans les pays en développement, un tiers des femmes ont été mariées avant l’âge de 18 ans. L’Organisation internationale du travail (OIT) a calculé que, dans 83 pays, les femmes sont moins payées que les hommes dans des proportions oscillant entre 10 % et 30 %. La partie la plus intéressante du rapport onusien recense les innovations qui ont permis des avancées significatives pour casser les atteintes sempiternelles aux droits de celles que Mao Zedong appelait « l’autre moitié du ciel ». Elle débouche sur dix recommandations visant à rendre la justice plus juste. 1. Soutenir les organisations de défense des droits des femmes, afin d’adapter les systèmes juridiques aux problèmes que rencontrent ces dernières. Ces organisations épaulent les plaignantes dans leurs procédures, qu’il s’agisse de demander le divorce ou d’obtenir une terre à laquelle elles ont droit. Elles ont permis à Unity Dow de faire annuler une loi sur la citoyenneté du Botswana en 1992. Mariée à un étranger, Unity était obligée de demander chaque année un permis de séjour pour ses deux enfants. Considérés comme des non-citoyens, ceux-ci ne pouvaient ni bénéficier d’un enseignement gratuit ni voter. Cette jurisprudence a incité 19 pays africains à supprimer ce type de discrimination. 2. Créer des guichets uniques pour faciliter la réparation des torts et éviter que les victimes ne se découragent. En Afrique du Sud, les centres de soins Thuthuzela (TCC) prennent en charge les femmes violées au plan médical et judiciaire grâce à des équipes où travaillent côte à côte des médecins, des assistants sociaux et des policiers. Dans la province de Gauteng, le taux des condamnations pour viols traitées par le TCC de Soweto a atteint 89 %, contre 7 % dans le reste du pays. 3. Renforcer les lois protectrices afin de donner aux femmes une base à leurs actions en justice. Dans 45 pays, les lois sur la violence domestique leur garantissent une aide judiciaire gratuite. 4. Augmenter le nombre de femmes parlementaires pour obtenir des lois améliorant la protection des droits des femmes, comme cela s’est vu au Rwanda, où 51 % des élus et la moitié des juges de la Cour suprême sont des femmes. Dès 1999, ce pays a instauré l’égalité des sexes en matière de succession et de propriété. 5. Associer les femmes au maintien de l’ordre. Par exemple, au Liberia, le déploiement d’une brigade de police indienne entièrement féminine a facilité les déclarations d’agressions sexuelles. 6. Former les juges. L’Association internationale des femmes juges et l’ONG indienne Sakshi ont conçu des programmes de formation à l’intention des juges, afin de combattre les mythes et les stéréotypes qui conduisent par exemple les deux tiers des magistrats à penser que les femmes habillées de façon provocante incitent au viol. 7. Améliorer l’accès des femmes aux tribunaux durant les guerres, car la violence sexuelle est une pratique systématique des combattants. Depuis l’affaire Akayesu, jugée par le Tribunal international pour le Rwanda en 1998, le viol constitue un acte de génocide et un crime contre l’humanité. 8. Garantir des réparations aux victimes. En Sierra Leone, un programme gouvernemental soutenu par l’ONU a pris en charge 650 victimes de violences sexuelles, afin de les aider à surmonter leur traumatisme. 9. Investir dans une justice sensibilisée aux femmes. C’est l’argent qui manque le plus pour y parvenir, car sur les 4,2 milliards de dollars d’aide internationale destinée à l’amélioration de la justice en 2009, 206 millions seulement avaient pour objectif d’assurer l’égalité des sexes. 10. Placer l’égalité des sexes au cœur des Objectifs du millénaire (ODM), destinés à combattre la pauvreté. Autrement dit, il faut aussi bien faciliter l’accès des femmes pauvres à des accouchements médicalement assistés qu’aider les filles à aller à l’école, à se marier plus tard et à faire entendre leur voix pour que les décisions de politique intérieure protègent leurs droits élémentaires.