Soumis par crinadmin le
[Dakar, 22 aoĂ»t 2006] â La police guinĂ©enne et les autres forces de sĂ©curitĂ© gouvernementales torturent, agressent, volent, voire assassinent rĂ©guliĂšrement les civils quâelles sont chargĂ©es de protĂ©ger, a dĂ©clarĂ© Human Rights Watch dans un rapport publiĂ© aujourdâhui. Le rapport de 33 pages, intitulĂ© « Le cĂŽtĂ© pervers des choses: Torture, conditions de dĂ©tention inadaptĂ©es et usage excessif de la force de la part les forces de sĂ©curitĂ© guinĂ©ennes, » dĂ©crit les pĂ©nibles tortures infligĂ©es par la police Ă des hommes et des garçons placĂ©s en garde Ă vue. Les victimes sont des personnes soupçonnĂ©es de dĂ©lits de droit commun ou perçues comme des opposants au gouvernement. Une fois transfĂ©rĂ©es du poste de police Ă la prison dans lâattente dâun procĂšs, beaucoup croupissent pendant des annĂ©es dans des cellules exiguĂ«s, faiblement Ă©clairĂ©es, oĂč elles sont confrontĂ©es Ă la faim, la maladie, et parfois la mort. Â
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Ces exactions ont lieu Ă un moment oĂč la GuinĂ©e traverse une pĂ©riode dâincertitude liĂ©e Ă des bouleversements Ă©conomiques et Ă une transition politique imminente. LâĂ©conomie du pays est en chute libre, son prĂ©sident, Lansana ContĂ©, serait gravement malade et son armĂ©e connaĂźtrait de profondes divisions. Â
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« Le gouvernement guinĂ©en permet Ă ses forces de sĂ©curitĂ© de torturer et de brutaliser les citoyens sans ĂȘtre inquiĂ©tĂ©es, » a dĂ©clarĂ© Peter Takirambudde, directeur Ă la division Afrique de Human Rights Watch. « Combattre ces exactions en mettant un terme Ă lâimpunitĂ© pourrait contribuer Ă la stabilitĂ© de la GuinĂ©e en cette pĂ©riode dâincertitude. » Â
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Human Rights Watch a interrogĂ© 35 personnes, dont de nombreux enfants, qui ont fourni des tĂ©moignages circonstanciĂ©s et concordants Ă propos des mauvais traitements et des actes de torture infligĂ©s par les policiers pendant leur garde Ă vue. Des victimes ont confiĂ© Ă Human Rights Watch que lors des interrogatoires de police, elles avaient Ă©tĂ© attachĂ©es avec des cordes, battues, brĂ»lĂ©es avec des cigarettes et des substances corrosives et coupĂ©es avec des lames de rasoir jusquâĂ ce quâelles acceptent dâavouer le dĂ©lit dont elles Ă©taient accusĂ©es. Â
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« La police mâa attachĂ© les bras derriĂšre le dos et mâa hissĂ© Ă un arbre dans la cour, » a racontĂ© un garçon de 16 ans dĂ©tenu dans la plus grande prison de GuinĂ©e. « Deux policiers mâont conseillĂ© de dire la vĂ©ritĂ©, dâavouer que jâavais volĂ© les marchandises. Ensuite, ils ont pressĂ© leurs cigarettes sur mes bras. Au dĂ©but, jâai continuĂ© Ă clamer mon innocence mais cela me faisait tellement mal que jâai fini par dire que je les avais volĂ©es. » Â
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Human Rights Watch sâest Ă©galement entretenu avec 20 dĂ©tenus incarcĂ©rĂ©s depuis plus de quatre ans dans lâattente dâun procĂšs. Beaucoup ont dĂ©clarĂ© quâils se trouvaient en prison en partie suite Ă des aveux arrachĂ©s sous la torture. Â
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« Le droit dâĂȘtre jugĂ© dans un dĂ©lai raisonnable est fondamental. Ce droit est garanti tant par la loi guinĂ©enne que par le droit international », a signalĂ© Takirambudde. « Le gouvernement guinĂ©en doit assurer la tenue plus frĂ©quente des sessions des tribunaux pour faire en sorte que les personnes ne croupissent pas en prison pendant des annĂ©es sans ĂȘtre jugĂ©es. » Â
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Le rapport met par ailleurs en Ă©vidence la nette tendance des forces de sĂ©curitĂ© guinĂ©ennes Ă faire un usage excessif de la force lors de manifestations organisĂ©es pour protester contre une dĂ©tĂ©rioration des conditions Ă©conomiques due, en partie, Ă lâinflation galopante. Lâincident le plus rĂ©cent est survenu en juin 2006 lorsque le gouvernement a fĂ©rocement rĂ©primĂ© les manifestations contre lâaugmentation des prix des produits de base. Â
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Au cours dâentretiens avec Human Rights Watch, bon nombre de victimes et de tĂ©moins dâexactions perpĂ©trĂ©es lors de la grĂšve de juin ont dĂ©noncĂ© lâimplication de la police et de la gendarmerie dans des meurtres, des viols, des agressions et des vols. Les tĂ©moins de 13 meurtres ont confiĂ© Ă Human Rights Watch que les forces de sĂ©curitĂ© avaient ouvert le feu directement sur les foules de manifestants non armĂ©s. Des dizaines de GuinĂ©ens, dont beaucoup assistaient aux manifestations en simples spectateurs, ont Ă©tĂ© violemment passĂ©s Ă tabac et dĂ©valisĂ©s par les forces de sĂ©curitĂ©, sous la menace dâune arme. Â
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« La culture de la violence policiĂšre est bien enracinĂ©e en GuinĂ©e », a dĂ©plorĂ© Takirambudde. « Le fait que le gouvernement ne sâattaque pas Ă lâimpunitĂ© enhardit les agents de la fonction publique coupables de brutalitĂ©s et encourage de nouvelles exactions ». Â
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Le gouvernement guinĂ©en est tenu dâhonorer les obligations lĂ©gales qui lui incombent en vertu de plusieurs traitĂ©s internationaux et africains relatifs aux droits humains â notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention des Nations Unies contre la torture et la Charte Africaine des Droits de lâHomme et des Peuples â, ainsi que les obligations prĂ©vues par la constitution guinĂ©enne elle-mĂȘme. Ces obligations exigent que le gouvernement respecte le droit Ă la vie et les libertĂ©s dâexpression et de rĂ©union et quâil interdise lâusage de la torture. La police et les autres forces de sĂ©curitĂ© violent rĂ©guliĂšrement ces obligations. Â
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Human Rights Watch a appelĂ© le gouvernement guinĂ©en Ă ouvrir immĂ©diatement des enquĂȘtes et Ă traduire en justice les responsables des crimes commis par les forces de sĂ©curitĂ© de lâEtat lors de la grĂšve nationale de juin 2006, ainsi que les auteurs dâactes de torture et de mauvais traitements infligĂ©s aux personnes placĂ©es en garde Ă vue. Â
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Human Rights Watch a en outre recommandĂ© que les bailleurs de fonds internationaux tels que la France, les Etats-Unis et lâUnion europĂ©enne appellent, publiquement et en privĂ©, le gouvernement guinĂ©en Ă ouvrir des enquĂȘtes et, sâil y a lieu, Ă punir les responsables dâexactions. Les bailleurs de fonds internationaux devraient par ailleurs appuyer les efforts des organisations locales non gouvernementales de façon Ă ce que ces derniĂšres soient plus Ă mĂȘme dâassurer leur travail de surveillance et dâinformation sur les violations perpĂ©trĂ©es par les forces de sĂ©curitĂ©.