Facteurs socio-Ă©conomiques contribuant Ă  l’exploitation des fillettes au Botswana


ProblĂšme de recherche

Contexte

L’abus sexuel des enfants, surtout des jeunes filles, est un problĂšme d’envergure croissant au Botswana. Selon le rapport annuel du corps policier botswanais, les infractions sexuelles augmentent de façon constante, surtout le viol et l’abjection des jeunes filles de moins de 16 ans. La situation politique, sociale et Ă©conomique actuelle du pays, y compris le taux Ă©levĂ© de VIH/SIDA, s’emble aggraver le problĂšme, ce qui rend les jeunes filles particuliĂšrement vulnĂ©rables Ă  l’abus sexuel. Le taux de HIV/SIDA chez les adultes au Botswana de 35,8 p. 100 a donnĂ© lieu Ă  54 943 orphelins. Bon nombre de ceux-ci ont dĂ» pĂ©nĂ©trer le marchĂ© du travail oĂč ils sont sujets Ă  l’abus physique et sexuel. En outre, dans bien des cas, les fournisseurs de soins  Ă©ventuels des orphelins sont des prĂ©dateurs qui abusent des enfants dont ils doivent avoir soin. En mĂȘme temps, le nombre accru de jeunes personnes au sein de foyers monoparentales, en plus de l’absence de famille Ă©tendue Ă  proximitĂ©, a envenimĂ© les relations dĂ©jĂ  ardues entre les adultes et les enfants.

Pour ĂȘtre en mesure de pleinement rĂ©pondre aux questions touchant les enfants, Childline a chercher une approche prĂ©ventive au problĂšme de l’abus sexuel des enfants – particuliĂšrement en explorant les facteurs sociaux uniques au Botswana qui semblent contribuer au problĂšme. GrĂące Ă  une Ă©tude approfondie de l’abus sexuel au Botswana, Childline a tentĂ© non seulement de prĂ©venir l’abus sexuel des enfants et d’en accroĂźtre la visibilitĂ©, mais aussi d’exercer des pressions sur le gouvernement pour adopter des lois en vue de protĂ©ger les enfants.

Objectifs de la recherche

L’objectif principal de la recherche Ă©tait de mener une enquĂȘte sur l’abus sexuel des enfants/filles et de cerner les grands facteurs Ă©conomiques, sociaux et situationnels qui contribuent au problĂšme au Botswana. De façon prĂ©cise, elle visait Ă  offrir des renseignements par Ă©crit, visuels et thĂ©Ăątraux pour faire pression sur le gouvernement aux fins d’une politique cohĂ©rente nationale sur le bien-ĂȘtre des enfants en tant qu’elle se rapporte Ă  l’abus sexuel des filles. Elle cherchait aussi Ă  rĂ©diger de la littĂ©rature de prĂ©vention d’abus sexuel des enfants, en tenant compte des rĂ©alitĂ©s socio-Ă©conomiques, politiques et culturelles. En outre, les rĂ©sultats devaient servir de fondement Ă  l’élaboration de nouveaux programmes de Childline et d’amĂ©lioration des programmes, stratĂ©gies et services existants, y compris ceux qui visent la prĂ©vention de l’abus sexuel.

MĂ©thodologie

L’étude, qui dĂ©buta en octobre 2003, comprenait l’entrevue de 95 informateurs clĂ©s, dont 51 personnes de sexe masculin et 44 personnes de sexe fĂ©minin. Des 95 informateurs clĂ©s, 46 p. 100 Ă©taient ĂągĂ©s entre 21 et 30 ans et 13 p. 100 de 10 et 20 ans. Des ateliers consultatifs auprĂšs de groupes de discussions ont Ă©tĂ© menĂ©s avec 247 enfants et adultes de diverses rĂ©gions du pays, y compris de zones urbaines et rurales. Dans ces ateliers, 129 (52 p. 100) des participants avaient de 10 Ă  20 ans. Les participants aux entrevues d’informateurs clĂ©s et aux groupes de consultation exerçaient une gamme de professions, dont des enseignants, des avocats, des travailleurs de la santĂ©, des policiers, des journalistes, des pasteurs, des travailleurs sociaux, des chefs, des commissaires de district, des membres du comitĂ© de dĂ©veloppement du village et des Ă©tudiants.

RĂ©sultats

Nature et frĂ©quence de l’abus sexuel

  • Bien qu’ils ne soient eux-mĂȘmes survivants d’abus sexuel, quelque 70 p. 100 des enfants interrogĂ©s (jusqu’à l’ñge de 16 ans) ont affirmĂ© qu’un enfant qu’ils connaissent dans leur communautĂ© se voit imposer une relation sexuelle de longue durĂ©e par leur beau-pĂšre ou le concubin de leur mĂšre.
  • La rĂ©alitĂ© gĂ©ographique et sociale semble avoir une influence sur la perception des personnes interrogĂ©es par rapport aux facteurs qui contribuent au problĂšme de l’abus sexuel. Par exemple, ceux qui habitent en rĂ©gion urbaine ont fait le lien entre l’abus sexuel et la pornographie, la toxicomanie, la pauvretĂ© et la nĂ©gligence envers les enfants, tandis que les habitants de rĂ©gions rurales ont mis l’accent sur la pauvretĂ© et les changements sociaux.
  • L’abus sexuel des filles semble ĂȘtre le type d’abus le plus frĂ©quent. Cependant, les attitudes sociales et les attentes par rapport aux sexes ont tendances Ă  fortement dĂ©courager les hommes et les garçons de dĂ©noncer un abus sexuel. Cette situation influe inĂ©vitablement sur les statistiques dĂ©clarĂ©es et le rĂ©tablissement psychologique Ă  long terme des victimes de sexe masculin.

Pauvreté

  • Vingt-deux pour cent des participants ont affirmĂ© que les indices de pauvretĂ© comme le faible revenu et les piĂštres logements sont des facteurs importants qui contribuent Ă  l’abus sexuel.
  • Le taux Ă©levĂ© de pauvretĂ© favorise l’isolement social et mĂšne certaines familles Ă  utiliser leurs enfants comme travailleurs sexuels afin de satisfaire Ă  leurs besoins Ă©conomiques de base.  

RĂ©percussions du VIH/SIDA

Quinze pour cent des personnes questionnĂ©es ont indiquĂ© que bon nombre des personnes Ă  risque dans la sociĂ©tĂ© sont des jeunes personnes qui ont perdu au moins un parent. Les orphelins sont plus Ă  risque d’ĂȘtre victimes d’abus sexuel. Le problĂšme est aggravĂ© par la croyance erronĂ©e, surtout chez les hommes, qu’ils ne peuvent contracter le VIH/SIDA en ayant des relations sexuelles avec un enfant et que ces relations peuvent mĂȘme les guĂ©rir du VIH s’ils sont infectĂ©s.

Changements sociaux et discorde familiale

  • La majoritĂ© des participants aux groupes de discussion ont indiquĂ© que les beaux-pĂšres ou autre substitut paternel sont surreprĂ©sentĂ©s parmi les agresseurs sexuels d’enfants.
  • Quinze pour cent des participants ont fait le lien enter l’abus sexuel des enfants et le dĂ©clin de la cohĂ©sion familiale, y compris la facilitĂ© et la frĂ©quence des divorces et le nombre accru de familles monoparentales. Ces facteurs mĂšnent souvent Ă  une prĂ©sence Ă©levĂ©e de beaux-pĂšres et de concubins dans les familles, ce qui expose en bout de ligne les enfants Ă  des hommes sans lien de parentĂ© et augmente le risque de relations sexuel Ă  long terme avec l’enfant.
  • Les tendances de dĂ©placements sociaux, comme la migration entre les communautĂ©s urbaines et rurales, incitent la nĂ©gligence Ă  l’égard des enfants puisque, dans bon nombre de cas, les enfants sont laissĂ©s Ă  leurs seuls moyens.
  • Treize pour cent des informateurs clĂ©s, la majoritĂ© d’eux ĂągĂ©s de 21 Ă  30 ans, ont expliquĂ© que les enfants de familles dĂ©pourvues d’amour et d’environnement oĂč ils sont victimes d’abus physiques risquent d’ĂȘtre attirĂ©s par des rĂ©seaux d’exploitation sexuelle menĂ©s par des pĂ©dophiles Ă  proximitĂ© de leur domicile.

DĂ©termination des limites structurelles actuelles

  • On croit qu’il manque de coordination entre les organismes non gouvernementaux qui aident les enfants et les communautĂ©s, surtout les communautĂ©s Ă  l’extĂ©rieur des villes.
  • Les organismes communautaires pourraient ĂȘtre un moyen de rĂ©unir les gouvernements et les communautĂ©s aux fins d’initiatives positives. Toutefois, cette dĂ©marche est freinĂ©e par la piĂštre coordination, le manque de ressources, l’accĂšs restreint aux rĂ©gions Ă©loignĂ©es et les lacunes au niveau de l’établissement de dossiers.
  • Soixante-dix pour cent des rĂ©pondants ont indiquĂ© que les personnes impliquĂ©es dans le bien-ĂȘtre et la protection de l’enfance manque de formation pertinente.
  • Soixante pour cent des personnes questionnĂ©es ont dit qu’il existe une rivalitĂ© entre les agences publiques et privĂ©es.
Recommandations/Leçons retenues

Sensibilisation et recherches Ă©ventuelles

  • AmĂ©liorer la responsabilitĂ© des communautĂ©s Ă  l’égard de l’éducation des enfants en augmentant la visibilitĂ© publique des questions d’abus sexuel des enfants et le soutien des programmes appropriĂ©s de protection. Le publique doit comprendre que tout enfant – qu’il soit riche ou pauvre, qu’il habite en rĂ©gion urbaine ou rurale – est Ă  risque d’abus sexuel. Puisque l’abus sexuel touche les enfants de tous les niveaux socio-Ă©conomiques, il pourrait s’agir de point de ralliement pour fournir de l’aide ultĂ©rieure aux enfants dĂ©favorisĂ©s.
  • Former les enseignants, les professionnels des soins de la santĂ©, les conseillers des agences de services communautaires et les pourvoyeurs de services de garderie sur les enjeux relatifs Ă  l’abus sexuel des enfants et sur la façon d’identifier et d’aider les jeunes enfants survivants d’abus sexuels.
  • Former les pairs Ă  faire des prĂ©sentations sur l’abus sexuel, y compris l’abus des enfants, pour faciliter les sĂ©ances de groupes et pour agir comme modĂšles positifs.
  • AccroĂźtre la promotion et l’échange de renseignements entre partenaires aux niveaux national et rural; amĂ©liorer la coopĂ©ration et la coordination des efforts.
  • Mener des recherches supplĂ©mentaires sur l’abus sexuel des enfants en se concentrant sur l’agresseur. 

Recommandations en matiÚre de politiques pour les gouvernements, les Nations Unies, les agences multilatérales et les organismes non gouvernementaux internationaux

  • Continuer Ă  favoriser une communication systĂ©matique entre les organismes non gouvernementaux et les communautĂ©s. Les programmes doivent ĂȘtre axĂ©s sur le renforcement des compĂ©tences professionnelles et la dĂ©termination des occasions culturelles pour raffermir les structures communautaires.
  • Sensibiliser les dĂ©cisionnaires et les personnes chargĂ©es de la mise en Ɠuvre. La volontĂ© et l’engagement politiques au niveau national sont essentiels Ă  l’établissement de politiques internes pour radier l’abus sexuel des enfants. De mĂȘme, les programmes de protection des enfants gagneront vraisemblablement en importance lorsqu’ils seront soutenus par les politiciens et les communautĂ©s.
  • Se concentrer sur les sĂ©quelles du VIH/SIDA sur les orphelins en accordant une attention particuliĂšre Ă  leur situation. Affermir et soutenir la capacitĂ© des familles Ă  protĂ©ger et Ă©lever ces enfants.

Recommandations en matiÚre de programmes pour les gouvernements, les Nations Unies, les agences multilatérales et les organismes non gouvernementaux internationaux

  • CrĂ©er des programmes pour les enfants et les familles Ă  risque en rĂ©gion rurale. Des programmes comme Childline Botswana et Botshabelo (un foyer pour les femmes et enfants en danger) peuvent ĂȘtre reproduits dans d’autres rĂ©gions.
  • Des systĂšmes efficaces de gestion des renseignements doivent remplacer les systĂšmes dĂ©suets de suivi, ce qui permettra aux projets qui visent les enfants de s’ajuster aux circonstances changeantes du pays.
  • Offrir une formation en dynamique de la vie (y compris la prise de dĂ©cision, la rĂ©solution efficace de problĂšmes, les mĂ©canismes de gestion du stress et les moyens de rĂ©sister Ă  la pression des pairs) afin d’accroĂźtre la confiance en soi et les compĂ©tences sociales des jeunes et de leur permettre de faire des choix sains.
  • Les organismes pertinents de protection de l’enfance doivent se concentrer sur l’enfant, la famille, l’école et la communautĂ© plutĂŽt qu’uniquement sur l’enfant.
  • La sĂ©lection et le recrutement adĂ©quats, d’intĂ©ressants salaires et incitatifs et la formation pertinente doivent constituer des Ă©lĂ©ments essentiels des programmes.
  • Impliquer activement les parents, dont le support est capital Ă  l’amĂ©lioration des chances de leur enfant, dans les efforts de protection de l’enfance.
  • Offrir de la thĂ©rapie individuelle, familiale et de groupes aux enfants et familles touchĂ©s par l’abus sexuel. Fournir de l’aide aux parents au moyen de cours sur le rĂŽle parental et autres cours de perfectionnement de compĂ©tences, de groupes de soutien et d’aide pour accĂ©der aux services sociaux.
  • Fournir de l’éducation sanitaire, y compris des cours sur la sexualitĂ©, la contraception et la prĂ©vention du SIDA.
  • Fournir des services obligatoires de sensibilisation et de rĂ©adaptation aux enfants victimes d’abus.

RĂ©percussions de la recherche

  • Un documentaire basĂ© sur les rĂ©sultats importants de la recherche a Ă©tĂ© produit en format VHS, et des copies ont Ă©tĂ© distribuĂ©es aux organismes pertinents aux fins de sensibilisation. Ces cassettes VHS ont Ă©galement Ă©tĂ© utilisĂ©es au cours de sĂ©ances de formation de travailleurs sociaux Ă  l’universitĂ© de l’Afrique du Sud. En outre, on prĂ©voit crĂ©er des DVD Ă  partir des casettes VHS pour assurer une plus grande diffusion.
  • Les rĂ©sultats actuels de recherche et le communiquĂ© de presse ont Ă©tĂ© remis aux mĂ©dias locaux et nationaux (journaux et tĂ©lĂ©visions) en mars 2005.
  • Childline et son conseil d’administration croient que le gouvernement de Botswana sera plus enclin Ă  se conformer Ă  la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant lorsqu’il aura ces rĂ©sultats.
  • Les rĂ©sultats actuels de recherche servent aux Ă©tablissements locaux comme l’universitĂ© de Botswana.
  • De nombreuses stratĂ©gies et recommandations fournies par les informateurs clĂ©s et les groupes de discussions ont Ă©tĂ© adoptĂ©es par Childline Botswana, et des initiatives ont Ă©tĂ© entamĂ©es qui comprennent des Ă©lĂ©ments de sensibilisation et en matiĂšre de politiques. Par exemple, les services d’approches communautaires se sont intensifiĂ©s.
  • Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s aux programmes continus de sensibilisation de Childline au moyen d’ateliers, de confĂ©rences, de dĂ©bats de spĂ©cialistes et de rĂ©unions kgotla.
  • Childline a commencĂ© Ă  se servir des rĂ©sultats pour amĂ©liorer les services continues et comme guide dans l’élaboration de nouveaux programmes. Les rĂ©sultats ont Ă©galement servi Ă  titre d’outil de promotion des droits de l’enfant et serviront Ă  influencer les politiques et les lois qui touchent les enfants au Botswana.

Owner: Canadian International Development Agency

Pays

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