DĂ©claration de Belfast: XVIIĂš CongrĂšs de l’Association Internationale des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille

DĂ©claration de Belfast

L’Association Internationale des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille a tenu son
congrÚs mondial à Belfast, Irlande du Nord, du 27 août au 1er septembre 2006. Dans
le cadre de nos efforts visant Ă  “recoller les morceaux”, nous avons centrĂ© nos dĂ©bats
sur la Convention internationale des droits de l’enfant et ses deux protocoles
facultatifs, l’un portant sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la
pornographie mettant en scùne des enfants, l’autre sur l’implication d’enfants dans les
conflits armés, en faisant ainsi notre principal instrument international de référence en
matiùre de droits de l’homme.

Dans le contexte de la mise en oeuvre de la CDE, de ses protocoles facultatifs et
autres normes internationales des droits de l’homme applicables, les participants au
XVIIe congrĂšs mondial de l’AIMJF souhaitent souligner les dĂ©clarations suivantes
qui reflÚtent les points essentiels soulevés lors des délibérations et débats tenus au
cours du congrĂšs :

(1) Ratification et mise en oeuvre

a. Il est essentiel que tous les Etats ratifient la CDE ainsi que ses protocoles
facultatifs sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant
en scĂšne des enfants ainsi que sur l’implication d’enfants dans les conflits armĂ©s.
Dans le cadre de la lutte pour l’élimination du travail des enfants, il est tout aussi
important que tous les Etats ratifient la Convention 138 de l’OIT concernant l’ñge
minimum d’admission à l’emploi et la Convention 182 de l’OIT concernant les
mesures immĂ©diates pour l’élimination des pires formes de travail des enfants.

b. Chaque pays devrait adopter une stratégie nationale afin de mettre en oeuvre et de
protĂ©ger les droits de l’enfant en conformitĂ© totale avec le contenu de la CDE et autres
normes internationales de protection des droits de l’homme. Cette stratĂ©gie devra ĂȘtre
dotĂ©e de ressources adĂ©quates, ĂȘtre gĂ©rĂ©e de façon efficace et contrĂŽlĂ©e par un
organisme indĂ©pendant, dĂ»ment mandatĂ© et muni de ressources adaptĂ©es telles qu’un
Bureau du Commissaire pour les enfants. Une partie importante d’une telle politique
nationale doit comprendre la formation systématique et permanente de tous les
professionnels qui travaillent avec ou pour les enfants Ă  savoir : travailleurs sociaux,
psychologues, avocats, officiers de police, avocats généraux et juges.

(2) L’Article 12 : Le droit d’ĂȘtre entendu

En consultation avec les enfants et les adolescents, l’Article 12 de la CDE devrait ĂȘtre
incorporé au droit national de tous les Etats membres, en particulier en ce qui
concerne les décisions juridiques, administratives et politiques affectant les enfants.
Tous les dĂ©cideurs devront bĂ©nĂ©ficier de ressources adĂ©quates et d’une formation
adaptĂ©e afin de pouvoir pleinement appliquer l’Article 12 relatif au droit de l’enfant
d’ĂȘtre entendu.

(3) La non-discrimination

Le droit Ă  la non-discrimination (Art 2 de la CDE) devrait ĂȘtre pleinement appliquĂ© et,
ce faisant, une attention particuliĂšre devra ĂȘtre accordĂ©e aux groupes d’enfants
vulnérables et à la question de la discrimination envers les filles par la mise en oeuvre,
par exemple, de mesures spĂ©cifiques visant Ă  empĂȘcher le mariage des enfants et les
mariages forcés.

(4) Soins alternatifs / planification de la permanence

a. L’enfant placĂ© en soins alternatifs devra, dans la mesure du possible, retourner
dans sa famille d’origine. Ainsi, nous souhaitons insister sur la nĂ©cessitĂ© d’apporter un
soutien, un accompagnement psychologique et autres formes d’assistance à la famille
d’origine afin de faciliter le retour de l’enfant.

b. Lorqu’il n’est pas possible de rendre l’enfant à sa famille, nous soulignons
l’importance de procĂ©der Ă  l’évaluation prompte et individuelle des besoins et de la
situation de l’enfant ou des enfants concernĂ©s, en particulier la possibilitĂ© de garder
contact avec la famille d’origine, afin de choisir, parmi les diverses options, celle qui
assurera l’engagement, la stabilitĂ© et la permanence des soins Ă  l’enfant.

c. Tout au long de ce processus, les droits de l’enfant et l’intĂ©rĂȘt suprĂȘme de l’enfant,
mais aussi l’opinion de l’enfant et de ceux qui bĂ©nĂ©ficient de ces services devraient
ĂȘtre pris en compte.

(5) Violence envers les enfants

a. Les enfants ont le droit d’ĂȘtre protĂ©gĂ©s contre toute forme de violence, au mĂȘme
titre que les adultes. En raison de leur vulnĂ©rabilitĂ©, les enfants doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©s
contre toute forme de violence dans tous les contextes stipulĂ©s par l’Etude du
SecrĂ©taire GĂ©nĂ©ral de l’ONU sur la Violence contre les Enfants en milieu familial,
scolaire, institutionnel, au sein de la collectivité ainsi que sur leur lieu de travail.
b. Il convient de soutenir pleinement les rĂ©sultats de l’Etude du SecrĂ©taire GĂ©nĂ©ral de
l’ONU et de prendre toutes les mesures nĂ©cessaires Ă  l’application de ses
recommandations.

(6) Violence domestique

Il convient de prendre des mesures de lutte et de prévention contre la violence
domestique. Reconnaissant les normes régionales et internationales en matiÚre de
droits de l’homme, les enfants ainsi que les parents et les personnes non abusives qui
ont la garde de ces enfants doivent ĂȘtre assistĂ©s dans le respect de leur culture.

(7) Les enfants sans soins parentaux

Les enfants sans soins parentaux (ESSP) ont des droits et ont le droit de bénéficier,
sans discrimination aucune, de tous les droits inscrits dans la Convention des droits de
l’enfant. Toutes les mesures nĂ©cessaires Ă  la mise en oeuvre de ces droits doivent ĂȘtre
prises. A ce titre, les Etats doivent apporter leur soutien à l’adoption de normes
minimales ainsi qu’aux recommandations de l’ONU pour la protection des droits des
ESSP selon les recommandations du ComitĂ© des droits de l’enfant. Les Etats sont
invités à examiner, en partenariat avec la société civile, les systÚmes de soins
alternatifs existants y compris les systùmes coutumiers afin de s’assurer qu’ils soient
en conformité avec la Convention et ainsi progresser sur la base de ses aspects positifs
afin de procurer à l’enfant un environnement familial et faire en sorte que le
placement en institution soit une mesure de dernier ressort et ne s’impose que sur une
courte durée.

(8) Enlùvement d’enfant/ Adoption internationale

Afin renforcer la protection internationale des droits de l’enfant, tous les Etats
devraient ratifier la Convention de La Haye sur l’enlùvement d’enfant (1980),
l’adoption internationale (1993) et la protection internationale de l’enfant (1996).

(9) Les enfants dont les parents sont en prison

Si, suite à une décision de justice, un parent est envoyé en prison, un programme
d’assistance soigneusement Ă©laborĂ© doit ĂȘtre mis en place avant l’incarcĂ©ration, avec
la participation du parent condamné, son (ses) enfant(s) et toute autre personne
nĂ©cessaire. Ce programme d’assistance devra assurer la protection de l’ (des) enfant(s)
et maintenir le contact entre l’ (les) enfant(s) et le parent. Compte tenu de l’intĂ©rĂȘt
suprĂȘme de l’enfant, les Etats devraient envisager la mise en oeuvre de la rĂšgle selon
laquelle les femmes enceintes et les mĂšres d’enfants ĂągĂ©s de moins d’un an ne
devraient pas ĂȘtre incarcĂ©rĂ©es.

A ce titre, il est conseillé de prendre des mesures visant à mettre en oeuvre des
protocoles à l’usage de la police et autres intervenants dans le domaine de la justice
pénale sur la façon dont les parents, en particulier les mÚres ayant des enfants à charge
ou de jeunes enfants, doivent ĂȘtre traitĂ©es dans le cadre du systĂšme de justice pĂ©nale
afin de faire respecter les droits et les besoins de l’ (des) enfant(s) de ces parents.

(10) Soins de santé

Tous les enfants et les adolescents ont le droit de bĂ©nĂ©ficier d’un service
d’identification et d’évaluation de l’ensemble de leurs besoins de santĂ© (santĂ©
mentale, physique et dĂ©veloppementale) sur la base d’une dĂ©marche opportune,
holistique, intĂ©grĂ©e et pluridisciplinaire, adaptĂ©e aux besoins et Ă  l’intĂ©rĂȘt suprĂȘme de
chaque enfant et tenant compte de sa situation particuliĂšre.

Un enfant affecté ou infecté par le VIH/sida doit pouvoir bénéficier de tous les droits
inscrits dans la CDE, en particulier en ce qui concerne son éducation, sa santé et les
services de l’assistance sociale.

Les organisations et les individus travaillant au service des enfants affectés ou infectés
par le VIH/sida devraient respecter les recommandations du Comité des droits des
enfants tels que définis par son observation générale no 4 (2003) sur le VIH/sida et les
droits de l’enfant.

PROTECTION SPECIALE

(11) Les enfants enrÎlés dans le conflit armé

Les enfants doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©s contre les effets prĂ©judiciables des conflits armĂ©s.
L’utilisation ou le ciblage des enfants dans les conflits armĂ©s doit ĂȘtre criminalisĂ©
selon le droit international humanitaire, la Convention des droits de l’enfant et ses
protocoles facultatifs. Les auteurs de ces délits utilisant les enfants comme soldats,
comme bouclier humain ou comme la cible d’opĂ©rations militaires doivent ĂȘtre jugĂ©s
au mĂȘme titre que les criminels de guerre (pour crime contre l’humanitĂ©) et traduits en
justice. En outre, il convient d’accorder une attention particuliùre aux enfants qui
naissent de mineures victimes d’actes de violence lors des conflits armĂ©s.

(12) Les enfants rĂ©fugiĂ©s et demandeurs d’asile

Les Etats doivent, de toute urgence, (tout en prenant en compte l’observation gĂ©nĂ©rale
no 6 du ComitĂ© des droits de l’enfant sur le traitement des enfants non accompagnĂ©s
et sĂ©parĂ©s en dehors de leur pays d’origine) :

a. définir une politique commune afin de remédier aux problÚmes auxquels les
mineurs non accompagnés doivent faire face, y compris les raisons qui les ont poussés
à quitter leur pays d’origine.
b. enquĂȘter sur la situation personnelle et familiale de l’enfant afin de renvoyer
l’enfant dans son pays ou de le prendre en charge dans son pays d’arrivĂ©e.
c. crĂ©er un statut lĂ©gal le protĂ©geant pendant la durĂ©e de l’enquĂȘte et garantir son
maintien si le retour de l’enfant est impossible.

(13) Trafic d’enfants

En ce qui concerne le trafic d’enfants Ă  des fins Ă©conomiques ou sexuelles :

a. Une harmonisation de la législation est nécessaire pour combattre toute forme de
trafic.
b. Le trafic d’enfant devrait en tout temps faire l’objet de poursuites pour « crime
contre l’humanitĂ© ».
c. Les politiques nationales et internationales doivent condamner toute forme de
trafic.
d. La délivrance de permis de résidence doit favoriser les victimes de trafic.
e. La crĂ©ation de rĂ©seaux d’enquĂȘte et de coordination spĂ©cialisĂ©s dans les problĂšmes
de trafic et d’exploitation sexuelle des enfants est nĂ©cessaire et doit s’accompagner de
la nomination d’officiers de liaison spĂ©cialisĂ©s afin de promouvoir la coordination
effective des réseaux.
f. Il faut appliquer le principe de l’extraterritorialitĂ©, sans exiger la double criminalitĂ©,
afin de garantir des poursuites efficaces.
g. Des campagnes d’information prĂ©ventives sur les droits de l’enfant et les dangers
que reprĂ©sente le trafic d’enfant doivent ĂȘtre organisĂ©es dans les pays d’origine des
victimes.
h. Une attention particuliĂšre doit ĂȘtre accordĂ©e aux groupes d’enfants vulnĂ©rables
notamment les enfants de la rue et les enfants non accompagnĂ©s demandeurs d’asile.

(14) Les enfants tĂ©moins et victimes d’actes criminels

En accord avec les recommandations de l’ONU sur les affaires judiciaires concernant
les enfants tĂ©moins et victimes d’actes criminels, les enfants tĂ©moins doivent ĂȘtre
assistĂ©s tout au long du processus judiciaire afin qu’ils se sentent en sĂ©curitĂ©, qu’ils
soient entendus par le tribunal et qu’ils puissent tĂ©moigner efficacement. Cette
assistance doit ĂȘtre assurĂ©e par une agence indĂ©pendante qui devra :

a. Informer correctement les enfants tout au long du processus.
b. Prendre en charge les enfants dans une atmosphĂšre non abusive.
c. Lors de l’audition contradictoire, les enfants devront ĂȘtre interrogĂ©s par des
intervenants qualifiĂ©s bĂ©nĂ©ficiant d’une expertise spĂ©cifique dans le domaine de
l’enfance.
d. Le procÚs devra avoir lieu sans délai.

(15) Les enfants de la rue

Il faut accorder une priorité toute particuliÚre à la situation des enfants de la rue,
marginalisĂ©s et invisibles, en effectuant une campagne d’information publique
adaptée et en affectant des ressources humaines et économiques suffisantes. A ce titre,
une attention toute particuliĂšre devra ĂȘtre accordĂ©e Ă  la mise en oeuvre du droit de
chaque enfant de la rue à une éducation, à des soins de santé adéquats, à un logis ou
un abri, Ă  une protection ainsi qu’à bĂ©nĂ©ficier de tous les efforts possibles pour leur
permettre de rĂ©intĂ©grer leur famille d’origine Ă  moins que cela ne soit pas dans leur
intĂ©rĂȘt suprĂȘme.

(16) Mesures de diversion et justice restorative

Reconnaissant la nature largement transitoire de la délinquance juvénile et la
vulnérabilité particuliÚre des enfants qui entrent en contact avec le systÚme de justice
pénale, les Etats devraient adopter, aprÚs avoir consulté les enfants et les adolescents,
en accord avec le contenu de la CDE et autres normes internationales reconnues
notamment les RĂšgles de Beijing, les RĂšgles de La Havane, les Principes directeurs de
Riyadh et les lignes directrices de l’ONU sur les enfants victimes et tĂ©moins d’actes
criminels, un systÚme judiciaire pour mineurs à caractÚre holistique qui donne priorité
et accorde des ressources adaptées :

a. aux mesures alternatives de diversion envers les enfants qui entrent en contact avec
le systÚme de justice pénale,
b. à une démarche pluridisciplinaire qui permet la participation entiÚre et totale des
enfants, de leur famille et de la collectivité,
c. Ă  un systĂšme de justice restorative qui doit inclure le transfert partial et significatif
du pouvoir vers la collectivité, les victimes, les délinquants et leurs familles afin
d’apporter une rĂ©ponse restorative Ă  leur dĂ©linquance.

(17) DĂ©tention

a. On ne devrait avoir recours à la détention (y compris la détention préventive en
attente de procĂšs) qu’en cas exceptionnel et de tels cas exceptionnels devraient ĂȘtre
surveillĂ©s. Des mesures alternatives devraient ĂȘtre mises en place et appliquĂ©es,
notamment des mesures permettant au mineur de demeurer au sein de sa famille ou, le
cas Ă©chĂ©ant, en famille d’accueil.
Certaines conditions pourront ĂȘtre imposĂ©es aux responsables de la prise en charge de
ces mineurs afin que leur sĂ©jour fasse l’objet des contrĂŽles appropriĂ©s.
b. Les retards de procĂ©dure devraient ĂȘtre les plus courts possible.
Une attention particuliĂšre devra ĂȘtre accordĂ©e afin de rĂ©duire au minimum les retards
de procédure dans les affaires impliquant des mineurs placés en détention préventive,
dans l’attente de leur procùs.
c. Les mineurs devront ĂȘtre dĂ©tenus dans des centres spĂ©cialisĂ©s sĂ©parĂ©s des prisons
pour adultes. Ces centres devront faire bénéficier les jeunes détenus de programmes
d’éducation au cours de leur pĂ©riode de dĂ©tention. Les mineures placĂ©es en dĂ©tention
devront ĂȘtre surveillĂ©es par un personnel fĂ©minin.
d. Un contrĂŽle externe devra ĂȘtre assurĂ© sous une forme ou sous une autre concernant
le recours à la détention préventive et son application.

(18) Abus de drogue

Le CongrÚs mondial international considÚre que les difficultés et les problÚmes liés
à l’abus de drogue et de substances psychoactives par les parents ainsi qu’à leur
alcoolodĂ©pendance constituent un problĂšme fondamental, d’une importance
croissante. A ce titre, le Congrùs souhaiterait voir la mise en oeuvre d’un processus
plus complet et globalisant visant à assurer la collaboration de l’ensemble des
institutions et des services concernĂ©s. Ce processus devra ĂȘtre axĂ© sur la protection de
l’enfant et sur la crĂ©ation de services de traitement et de rĂ©adaptation afin de permettre
aux parents et aux enfants de continuer Ă  vivre ensemble ou bien de permettre Ă  ces
enfants d’ĂȘtre rendus Ă  leurs parents en toute sĂ©curitĂ©. Les Tribunaux de justice
familiale spécialisés dans le traitement de la toxicomanie constituent un exemple de
bonnes pratiques dans ce domaine.

pdf: http://www.ohchr.org/english/bodies/crc/docs/DĂ©clarationBelfast%20_Fr.pdf

Web: 
http://XVII World Congress of the International Association of Youth and Family Judges and Magistrates

Pays

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