(CRC/C/VAT/CO/2)
Le Comité des droits de l’enfant a rendu le 5 février 2014 ses Observations finales sur le rapport périodique du Saint-Siège sur la Convention relative aux droits de l’enfant. Vous pouvez lire un résumé des points principaux ci-dessous, ou télécharger les observations finales dans leur intégralité (en anglais uniquement pour l’instant). Merci de noter qu’il ne s’agit pas d’un résumé ni d’un traductions officiels de l’ONU.
D’autres documents liés à la 65è session du Comité (y compris les rapports alternatifs des ONG et les observations finales du Comité sur les rapports soumis par d’autres pays) sont consultables sur la page consacrée à la 65è session sur le site du Comité.
Compétence du Saint-Siège : Le Comité reconnaît la nature duelle de la ratification par le Saint-Siège de la Convention, en tant que gouvernement de l'Etat du Vatican, et en tant que sujet souverain de droit international ayant une personnalité juridique unique indépendante de toute autorité ou compétence territoriale. Bien que reconnaissant que les évêques que responsables d’instituts religieux n’agissent pas en tant que représentants ou délégués du Souverain Pontife, le Comité note que les subordonnés aux ordres religieux catholiques sont tenus d’obéir au Pape selon le droit canon.Â
Le Comité rappelle donc qu’en ratifiant la Convention, le Saint-Siège s’est engagé à l’implémenter non pas seulement sur le territoire de l’Etat du Vatican, mais également en tant que pouvoir suprême de l’Eglise Catholique à travers les individus et institutions placé sous cette autorité suprême.
Tout en appréciant la démarche du Saint-Siège pour garantir la conformité des lois de l'Etat du Vatican avec la Convention, le Comité regrette que la même démarche ne soit pas suivie dans les lois internes du Saint-Siège, y compris dans le droit canon. Le Comité est également inquiet du fait que certaines lois canoniques ne soient pas conformes à certaines dispositions de la Convention, en particulier les dispositions relatives au droit des enfants à être protégés contre la discrimination, la violence et toutes formes d'exploitation et d'abus sexuels.Â
Le Comité recommande que le Saint-Siège entreprenne une révision systématique de son cadre normatif, en particulier du droit canon, dans le but d’assurer sa conformité avec la Convention.
- Pour plus d’informations sur la compétence juridique du Saint-Siège, voir le commentaire (en anglais) de la chargée de recherche de CRIN.
Abus sexuels contre les enfants : Le Comité émet de vives inquiétudes quant aux abus sexuels commis par des membre de l’Eglise catholique sous l’autorité du Saint-Siège, avec des membres du clergé impliqués dans des dizaines de milliers de cas d’abus sexuels contre des enfants dans le monde entier.
Le Comité est sérieusement préoccupé par le fait que le Saint-Siège n’ait pas reconnu l’étendue des crimes commis, n’ait pas pris les mesures nécessaires pour répondre aux cas d’abus sexuels contre des enfants, pour protéger ces enfants, et a adopté des politiques et des pratiques qui ont mené à la persistance de ces abus et à l’impunité de leurs auteurs.Â
Le Comité est en particulier inquiet du fait qu’en ce qui concerne les allégations d’abus sexuels contre des enfants, l’Eglise a systématiquement placé la préservation de la réputation de l’Eglise catholique et la protection des auteurs d’abus au dessus de l’intérêt supérieur des enfants.
Le Comité appelle le Saint-Siège à :
•  ‪S’assurer que la commission créée en décembre 2013 enquêtera de manière indépendante sur tous les cas d’abus sexuels contre des enfants, ainsi que sur le comportement de la hiérarchie de l’Eglise catholique dans la gestion de ces affaires. Le Saint-Siège devrait songer à inviter des organisations de la société civile et des associations de victimes à rejoindre cette commission et inviter les mécanismes internationaux de droits de l’homme à soutenir son travail. Le résultat de cette enquête devrait être rendu public et servir à prévenir de futurs abus au sein de l’Eglise catholique. Â
•  ‪Immédiatement relever de leurs fonctions les auteurs d’abus sexuels supposés ou avérés, et référer le cas aux autorités compétentes afin que ceux-ci fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites judiciaires.
•  ‪Assurer la communication, en toute transparence, de toutes les archives pouvant être utilisées pour que les auteurs répondent de leurs actes, ainsi que tous ceux qui ont dissimulé leur crimes, et ont en connaissance de cause maintenu les agresseurs en contact avec des enfants.
•  Réviser le droit canon pour que les abus sexuels contre les enfants soient  considérés comme des crimes, et non comme des « délits contre la morale », et abroger toutes les dispositions qui imposent une obligation de silence aux victimes et aux témoins de ces crimes.
•  ‪Etablir des  règles claires, des mécanismes et des procédures pour la notification systématique aux forces de l’ordre de tous les cas d’abus sexuels et d’exploitation suspectés.
•  ‪S’assurer que tous les prêtres, personnel religieux et individus travaillant sous l’autorité du Saint-Siège soient sensibilisés à leur obligation de notification et du fait qu’en cas de conflit, cette obligation prévaut sur les dispositions du droit canon.
•  ‪Développer des programmes et politiques de prévention de ces crimes, et de réhabilitation et de réintégration des enfants victimes.
•  ‪Développer des programmes d’éducation préventive pour sensibiliser les enfants aux abus sexuels et leur enseigner les moyens de s’en protéger.
- Lire le rapport préliminaire de CRIN (en anglais) : « Le Saint-Siège et les abus sexuels contre les enfants : le besoin de justice, de responsabilité et de réforme ». Le rapport cartographie la violence sexuelle contre les enfants dans l’Eglise catholique à l’échelle mondiale.
Accès à la justice : Le Comité est particulièrement inquiet du fait que :
•  ‪Les enfants victimes ont souvent été accusés et discrédités par les autorités religieuses, et dissuadés d’engager des poursuites, voire humiliés, dans certains cas.
•  ‪Une clause de confidentialité a été imposée aux enfants et à leur famille comme condition à l’obtention d’une compensation financière.
•  ‪Bien qu’il ait étendu son propre délai de prescription, le Saint-Siège a dans certains cas fait obstacle aux efforts de certains pays pour étendre leur délai de prescription pour les abus sexuels contre les enfants.
Le Comité recommande que le Saint-Siège soit guidé par le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant et l’appelle à  :
•  ‪Développer une procédure pour l’identification systématique et précoces des enfants victimes d’abus sexuels ou d’autres formes d’abus.Â
•  ‪Garantir des voix de communication confidentielles, accessibles, efficaces et adaptées aux enfants pour les enfants victimes ou témoins d’abus sexuels et garantir que les enfants victimes soient protégés contre de futurs abus et contre de possibles représailles.
•  ‪Fournir une compensation aux victimes d’abus commis par des individus ou institutions sous l’autorité du Saint-Siège, sans imposer de clause de confidentialité aux victimes.
•  ‪Promouvoir la réforme des délais de prescription dans les pays où ceux-ci empêchent les victimes d’abus sexuels d’obtenir justice et réparation.Â
Torture et autres traitements cruels et dégradants : Le Comité est préoccupé par le fait que le Saint-Siège n’ait pas protégé ni garanti la justice pour les jeunes filles placées arbitrairement par leur famille, les institutions de l’Etats ou les églises dans les blanchisseries Madeleine en Irlande, dirigées par quatre congrégations de sœurs catholiques jusqu’en 1996. Le Comité recommande que le Saint-Siège garantisse qu’une compensation soit payée aux victimes et à leur famille, soit par l’intermédiaire des congrégations ou par le Saint-Siège en tant que pouvoir suprême de l’Eglise ayant une responsabilité juridique quant aux ordres religieux placés sous son autorité.
- Pour plus d’informations, consulter la page de CRIN sur la  violence.
Accès à l’information et aux services (santé sexuelle et reproductive): Le Comité exprime sa vive inquiétude quant aux conséquences négatives de la position du Saint-Siège qui refuse aux adolescents l’accès à la contraception, ainsi qu’à des informations sur la santé sexuelle et reproductive.
Le Comité recommande que l’ Saint-Siège s’assure que :
•  ‪Le droit des adolescents à avoir accès à une information adéquate essentielle à leur santé et à leur développement et pour leur capacité à participer de manière significative à la société.
•  ‪L’éducation à la santé sexuelle et reproductive et la prévention du HIV/SIDA fassent partie du curriculum des écoles catholiques. Â
•  ‪Les opinions des adolescentes enceintes soient toujours entendues et respectées dans le domaine de la santé reproductive.
Vente, trafic et enlèvement : Le Comité est vivement préoccupé par les cas de milliers de bébés retirés à leur mère par des membres de congrégations catholiques dans de nombreux pays. Ces enfants ont ensuite été placés dans des orphelinats ou donnés à des parents adoptifs à l’étranger. Le Comité s’inquiète du fait que bien que les congrégations responsables soient sous son autorité, le Saint-Siège n’ait pas conduit d’enquête interne et n’ait pas pris de mesures contre les responsables. Le Comité s’inquiète également du fait que le Saint-Siège n’ait pas fourni d’informations sur les mesures prises pour retrouver ces enfants et pour si possible les réunir avec leur mère biologiques.
Le Comité appelle le Saint-Siège à ouvrir une enquête interne sur tous les cas de retrait d’enfants à leur mère, et à coopérer pleinement avec les forces de l’ordre nationales afin que les responsables répondent de leurs actes. Le Comité appelle également le Saint-Siège à s’assurer que les congrégations religieuses fournissent toutes les informations dont elles disposent pouvant aider à réunir, là où cela est possible, les enfants et leur mère biologiques, et à prendre toutes les mesures nécessaires pour que de telles pratiques ne se reproduisent plus.
•  ‪Voir également les Observations finales du Comité sur le rapport initial du Comité sur le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (OPSC).
Châtiment corporel : Le Comité accueille favorablement les déclarations de la délégation Saint-Siège lors du dialogue interactif, selon lesquelles le Saint-Siège prendra en considération la proposition de bannir les châtiments corporels dans tous les contextes. Cependant, le Comité s’inquiète du fait que, bien que les châtiments corporels restent fréquents dans certaines institutions catholiques et atteignent des niveaux endémiques dans certains pays, le Saint-Siège en considère pas que les châtiments corporels soient interdits par la Convention et n’a pas adopté les directives et règles bannissant clairement les châtiments corporels contre les enfants.
Le Comité rappelle au Saint-Siège que toutes les formes de violence à l’encontre des enfants sont inacceptables et que la Convention de laisse pas de place à un quelconque degré de violence contre les enfants. Le Comité rappelle également au Saint-Siège son obligation, d’après l’article 19 de la Convention, à prendre toutes les mesures nécessaires à la protection des enfants contre toute forme de violence physique ou mentale.
Non-discrimination : Le Comité accueille favorablement les informations fournies selon lesquelles le Saint-Siège a entamé une révision de sa législation, dans le but d’en retirer l’expression discriminatoire « enfants illégitimes ».
Le Comité s’inquiète des déclarations passées sur l’homosexualité qui contribuent à la stigmatisation sociale et à la violence à l’encontre des adolescents gays, lesbiens et transgenres et des enfants élevés par des couples de même sexe.
Le Comité s’inquiète du fait que le Saint-Siège et les institutions dirigées par l’église ne reconnaissent pas l’existence de plusieurs formes de familles et discriminent souvent les enfants sur la base de leur situation familiale. Le Comité recommande au Saint-Siège de s’assurer que les dispositions du droit canon reconnaissent la diversité des familles et ne discriminent pas les enfants sur la base du type de famille dans laquelle ils vivent. .
Le Comité recommande au Saint-Siège de rendre toutes ses lois et réglementations, ainsi que ses politiques et pratiques, conformes à l’article 2 de la Convention et d’abolir sans délai la classification discriminatoires des enfants « nés hors-mariage » comme enfants illégitimes. Le Comité appelle également le Saint-Siège à utiliser pleinement son autorité morale pour condamner toutes les formes d’harcèlement, de discrimination et de violence à l’encontre des enfants sur la base de leur orientation sexuelle et de celle de leurs parents, et de soutenir les efforts internationaux pour décriminaliser l’homosexualité.
Droits civils et politiques : Le Comité s’inquiète de l’interprétation restrictive par le Saint-Siège du droit des enfants à exprimer leur opinion dans les affaires les concernant, ainsi que de leur droit à la liberté d’expression, d’association et de religion. Le Comité s’inquiète également du fait que le Saint-Siège continue de considérer que les droits compris dans l’article 12 de la Convention (droit à être entendu) sont une atteinte aux droits et devoirs des parents.
Le Comité rappelle au Saint-Siège que le droit des enfants à s’exprimer librement constitue une composante essentielle de la dignité des enfants et que garantir ce droit est une obligation légale, qui ne laisse pas de marge de discrétion aux Etats parties.Â
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