ZIMBABWE: Les enfants, victimes eux aussi des violences post-Ă©lectorales

[HARARE, 1 mai 2008] - Les enfants ne sont pas épargnés par les violences post-électorales au Zimbabwe, ils en subissent eux aussi les conséquences : de nombreuses organisations qui leur venaient en aide ont dû interrompre leurs activités, selon UNICEF au Zimbabwe.

Selon diverses informations en provenance de l’ensemble du pays, ces violences sont perpĂ©trĂ©es par des soldats, des vĂ©tĂ©rans de la guerre et des milices fidĂšles au gouvernement, dirigĂ© par la ZANU-PF.

D’aprĂšs le Mouvement pour le changement dĂ©mocratique (MDC), parti d’opposition, l’échec essuyĂ© par la ZANU-PF, qui a perdu sa majoritĂ© au Parlement Ă  la suite des Ă©lections du 29 mars, a donnĂ© lieu Ă  la fois Ă  des reprĂ©sailles contre les partisans de l’opposition et Ă  une campagne d’intimidation, Ă  l’approche du deuxiĂšme tour prĂ©vu du scrutin prĂ©sidentiel.

A en croire le MDC, son leader a remportĂ© les Ă©lections prĂ©sidentielles Ă  la majoritĂ© absolue, et il n’est donc pas nĂ©cessaire d’organiser un second tour. Quant Ă  la ZANU-PF, elle soutient pour sa part qu’aucun candidat n’a atteint le nombre de voix requis.

Quoi qu’il en soit, plus d’un mois aprĂšs le scrutin, les rĂ©sultats des Ă©lections prĂ©sidentielles n’ont pas encore Ă©tĂ© publiĂ©s.

« Toute violence contre les enfants, leurs familles et leurs communautĂ©s est une menace grave au bien-ĂȘtre et au dĂ©veloppement des enfants Ă  long terme », a rappelĂ© Ă  IRIN James Elder, directeur de communication au bureau de l’UNICEF au Zimbabwe.

Selon M. Elder, les « programmes habituels [de l’UNICEF] subissent actuellement les rĂ©percussions nĂ©fastes de l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays », et son organisation a rĂ©cemment contactĂ© 27 organisations non-gouvernementales (ONG) qui mĂšnent toutes des programmes d’aide Ă  l’enfance et « dĂ©couvert que prĂšs de la moitiĂ© avaient presque suspendu leurs activitĂ©s de soutien aux enfants, en raison de leurs prĂ©occupations face aux incertitudes actuelles ».

Aujourd’hui, a indiquĂ© M. Elder, les chargĂ©s de programme de l’UNICEF se rendent plus souvent sur le terrain pour superviser les projets. L’organisation collabore Ă©galement avec ses partenaires « pour crĂ©er un environnement sans risque et propice Ă  la reprise, par les ONG, de tous les programmes d’aide Ă  l’enfance ».

Ceux-ci devaient d’ailleurs permettre, en mai, de porter assistance Ă  plus de 150 000 orphelins ; ils prĂ©voyaient la distribution de colis destinĂ©s Ă  assurer aux bĂ©nĂ©ficiaires une alimentation adĂ©quate, la prestation de soins de santĂ© et de formations Ă©ducatives, ainsi que l’approvisionnement en substances chimiques de traitement des eaux, dans les rĂ©gions touchĂ©es par de graves pĂ©nuries d’eau.

Ban Ki-moon, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des Nations Unies, a dĂ©clarĂ© mardi, au cours d’un forum, pendant la rĂ©union du Conseil de sĂ©curitĂ©, que la situation humanitaire au Zimbabwe, causĂ©e par le dĂ©lai observĂ© dans l’annonce des rĂ©sultats du scrutin prĂ©sidentiel, et les flambĂ©es de violence qui ont Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©es Ă©taient « inquiĂ©tantes ».

...Ces jeunes hommes m’ont dit que j’avais commis le pĂ©chĂ© d’avoir un fils qui travaillait Ă  Harare, qualifiant tous les habitants des zones urbaines de vendus parce que la majoritĂ© du soutien dont bĂ©nĂ©ficie le MDC lui vient des villes et des bourgades. J’avais peur qu’ils m’agressent ou qu’ils me tuent, et je n’ai eu d’autre choix que de rejoindre mon fils ici [Ă  Harare]...
« À cause de ces violences de plus en plus sanglantes et du nombre de personnes dĂ©placĂ©es qui fuient pour se rĂ©fugier dans d’autres rĂ©gions, il y a une crise humanitaire grave », a dĂ©clarĂ© Ban Ki-moon. Plus de 200 partisans du MDC ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s au siĂšge du parti, Ă  Harare, la capitale, oĂč ils s’étaient rĂ©fugiĂ©s aprĂšs que leurs domiciles eurent Ă©tĂ© rasĂ©s, disent-ils, par les partisans de la ZANU-PF.

Wayne Bvudzijena, porte-parole de la police, a dĂ©clarĂ© dans les pages du Herald, le quotidien officiel, que des enfants se trouvaient parmi les individus arrĂȘtĂ©s, mais que 29 personnes avaient Ă©tĂ© relaxĂ©es le jour mĂȘme des arrestations massives, « pour la plupart des femmes, des bĂ©bĂ©s et des personnes ĂągĂ©es ».

Nelson Chamisa, porte-parole du MDC, a qualifiĂ© cette descente dans les bureaux du MDC de « dĂ©monstration ignoble de brutalitĂ© Ă©tatique », et a demandĂ© « quelle sorte de gouvernement piĂ©tine pĂȘle-mĂȘle les droits des enfants ? ».

Chassés des régions rurales

Ndatadzei Karonga, 65 ans, habitait le district de Chihota, dans la province du Mashonaland Est, Ă  quelque 130 kilomĂštres au nord d’Harare ; elle a fui pour se rĂ©fugier dans la capitale avec ses trois petits-enfants (ses filles, atteintes du VIH/SIDA, Ă©tant mortes toutes deux de maladies opportunistes) aprĂšs que des miliciens l’eurent accusĂ©e d’avoir un fils qui travaillait Ă  Harare.

« Ces jeunes hommes m’ont dit que j’avais commis le pĂ©chĂ© d’avoir un fils qui travaillait Ă  Harare, qualifiant tous les habitants des zones urbaines de vendus parce que la majoritĂ© du soutien dont bĂ©nĂ©ficie le MDC lui vient des villes et des bourgades. J’avais peur qu’ils m’agressent ou qu’ils me tuent, et je n’ai eu d’autre choix que de rejoindre mon fils ici [Ă  Harare], parce qu’au moins, c’est plus sĂ»r », a racontĂ© Ndatadzei Karonga Ă  IRIN.

Son fils cĂ©libataire vit dans une petite chambre et travaille comme barman dans la ville-dortoir de Chitungwiza, situĂ©e Ă  une trentaine de kilomĂštres d’Harare ; son salaire mensuel s’élĂšve Ă  deux milliards de dollars zimbabwĂ©ens, assez pour s’acheter neuf miches de pain.

« Les trois enfants Ă©taient censĂ©s retourner Ă  l’école lorsque les Ă©coles ont rouvert pour le second semestre, mais, en raison des derniĂšres Ă©volutions, nous n’avons plus qu’à faire une croix sur leur Ă©ducation. Mon fils est peu rĂ©munĂ©rĂ© et les enfants n’ont pas de quoi manger. Ce n’est pas comme lorsque nous Ă©tions Ă  Chihota, oĂč j’avais mes propres rĂ©serves de nourriture, qui Ă©taient complĂ©tĂ©es par des proches », a-t-elle expliquĂ©.

Tendai (un nom d’emprunt), une mĂšre cĂ©libataire de 32 ans, elle aussi victime des violences politiques, a quittĂ© Murewa (Ă  quelque 90 kilomĂštres au nord-est d’Harare) en stop, sa fillette de trois ans sur le dos, dans l’espoir d’obtenir des mĂ©dicaments antirĂ©troviraux (ARV) auprĂšs du MDC.

« Etant sĂ©ropositive, j’allais chercher mes ARV dans un centre de santĂ© de Murewa, mais j’ai perdu mes mĂ©dicaments lorsque des vĂ©tĂ©rans de la guerre et des miliciens ont incendiĂ© la maison de feu ma mĂšre. Mon fils est aussi malade, et si on ne m’aide pas immĂ©diatement, je risque de le perdre », a dĂ©clarĂ© Ă  IRIN Tendai, responsable politique de circonscription pour le MDC.

Elle a dĂ» fuir si soudainement qu’elle n’a pas pu dire Ă  son fils de sept ans, qui passait ses vacances Ă  Gweru, dans la province des Midlands, de ne pas retourner chez eux, dans leur petit village.

« Je pense qu’il sera traumatisĂ© de trouver un tas de cendres Ă  la place de sa maison. Qui veillera Ă  le nourrir, le laver, l’envoyer Ă  l’école, et comment rĂ©agira-t-il en apprenant que sa mĂšre a disparu aprĂšs avoir failli se faire tuer ? ».

 

 

pdf: http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=78015

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