ZIMBABWE: La religion et la pauvreté forcent les filles dans des mariages précoces

Alors que ces camarades s’apprĂȘtent pour aller Ă  l’école chaque matin, Matipedza (pas son vrai nom), 14 ans, du district de Marange Ă  Manicaland, est obligĂ©e tarder afin de prĂ©parer le petit dĂ©jeuner pour son mari de 67 ans.

Bien que son mariage ne soit pas légalement enregistré, il est reconnu par la coutume, et cette adolescente devrait vivre comme une épouse et devrait bientÎt mettre au monde des enfants.

"Je ne peux pas aller Ă  l’encontre de [la volontĂ© de] mes aĂźnĂ©s et quitter mon mari afin d’aller Ă  l’école. En outre, oĂč vais-je partir si je quitte? Mes parents ne m’accueilliront pas", a dĂ©clarĂ© Matipedza.

Son cas n’est pas unique. En effet, la majoritĂ© des filles allant Ă  l’école Ă  Marange, certaines dĂšs l’ñge de dix ans, ont Ă©tĂ© mises en mariage Ă  des hommes plus ĂągĂ©s de leur Ă©glise, le Secte apostolique de Johanne Ă  Marange, qui est cĂ©lĂšbre pour sa croyance en polygamie. La plupart des mariages sont arrangĂ©s entre des hommes adultes et des filles mineures.

Bien que ce soit un crime, conformĂ©ment Ă  la Loi sur la violence conjugale, rĂ©cemment promulguĂ©e, de marier une fille mineure – l’ñge pour un consentement sexuel au Zimbabwe est de 16 ans – il est difficile de mettre fin Ă  ces mariages, puisque des membres de ce secte sont complices et discrets.

Une recherche rĂ©cemment publiĂ©e par l’organisation non gouvernementale basĂ©e Ă  Harare, la Femme et la loi -Afrique australe (WLSA), a montrĂ© que des jeunes filles dans des mariages prĂ©coces risquent de souffrir des complications Ă  l’accouchement, certaines d’entre elles occasionnant la mort.

Cette Ă©tude de la WLSA a aussi rĂ©vĂ©lĂ© que ces filles sont enclines au cancer du col de l’utĂ©rus, Ă  souffrir des traumatismes psychologiques et Ă  rencontrer un tas de problĂšmes, tels que l’incapacitĂ© Ă  faire face aux pressions sociales que connaĂźt une femme dans une union polygame.

Ces rĂ©sultats ont forcĂ© des autoritĂ©s zimbabwĂ©ennes Ă  multiplier des efforts pour arrĂȘter cette pratique qui a contraint des milliers de filles dans les districts de Marange, d’Odzi et de Buhera, Ă  Manicaland, Ă  abandonner l’école.

Bien que des donnĂ©es actuelles ne soient pas disponibles, des statistiques du bureau rĂ©gional du ministĂšre de l’Education, du Sport et de la Culture rĂ©vĂšlent que sur les 10.000 filles qui se sont inscrites en premiĂšre annĂ©e du cours primaire dans le district de Marange en 2000, seul environ un tiers a fini la quatriĂšme annĂ©e en 2003.

"Celles qui ont abandonnĂ© sont devenues des Ă©pouses, avec un petit nombre abandonnant parce qu’elles ne pourraient pas payer les contributions", a indiquĂ© un haut responsable de l’éducation rĂ©gionale qui a requis l’anonymat.

Des abandons scolaires

La plupart des filles cessent d’aller Ă  l’école en juillet lorsque le secte fĂȘte la PĂąque juive, une festivitĂ© religieuse au cours de laquelle des cĂ©rĂ©monies de mariages sont organisĂ©es.

Gideon Mombeshora, un membre du secte, a dĂ©clarĂ© Ă  IPS que la plupart des hommes dans l’église prĂ©fĂšrent se marier avec des filles mineures parce qu’il est plus facile de les dominer. "La plupart des hommes veulent se marier Ă  des femmes dociles. Plus la mariĂ©e est jeune, plus il y a des chances que l’homme la domine", a-t-il affirmĂ©.

Il a par ailleurs expliqué que ce secte croit fortement en la pratique des mariées mineures: "Bien que les statuts de notre église ne disent pas que les hommes ùgés devraient épouser des filles mineures, cette pratique est profondément enracinée dans notre systÚme de croyance".

L’ancienne sĂ©natrice, Sheila Mahere, a dĂ©clarĂ© que les mariages prĂ©coces constituent un mal sociale qui menace de dĂ©railler la tentative du gouvernement Ă  rĂ©aliser son Objectif du millĂ©naire pour le dĂ©veloppement (OMD) sur l’augmentation de l’accĂšs Ă  l’éducation primaire, puisque les filles continuent d’abandonner le systĂšme Ă©ducatif dĂ©jĂ  perturbĂ©.

"Les mariages prĂ©coces menacent le dĂ©veloppement Ă©conomique national, puisque des filles Ă©veillĂ©es et intelligentes sont forcĂ©es en dehors de l’école Ă  devenir une main-d’Ɠuvre bon marchĂ© et des porteuses d’enfants dans leurs foyers. La plupart des filles deviennent des ouvriĂšres agricoles dans les champs de leurs maris", a-t-elle soulignĂ©.

L’Union pour le dĂ©veloppement des Ă©glises apostoliques au Zimbabwe –Afrique (UDA-CZIA), une coalition de 160 sectes apostoliques au Zimbabwe, a dit qu’elle essaie de sensibiliser les leaders des sectes apostoliques sur les dangers des mariages prĂ©coces. Mais dans la plupart des cas, elle est confrontĂ©e Ă  de graves rĂ©sistances.

"La police a Ă©tĂ© la plus dĂ©cevante dans les mariages forcĂ©s prĂ©coces des enfants puisqu’elle continue de fermer les yeux sur ces crimes", explique le directeur de programme de l’UDA-CIZA, Edson Tsvakai. "Parfois nous dĂ©nonçons certains de nos membres Ă  la police pour ces crimes mais il y a eu trĂšs peu de poursuites judiciaires rĂ©ussies, largement parce que la police considĂšre que ces cas ne sont pas graves et parce que certains des leaders des sectes sont hautement en rĂ©seau avec les autoritĂ©s".

De graves resistances

En 2007, le RĂ©seau des enfants filles, base Ă  Harare, a sauvĂ© une fille ĂągĂ©e de 11 ans qui a Ă©tĂ© mise en mariage avec un homme ĂągĂ© de 44 ans Ă  Buhera. L’homme a Ă©tĂ© poursuivi avec succĂšs et condamnĂ© Ă  six mois d’emprisonnement. Cependant, peu aprĂšs, cette peine a Ă©tĂ© suspendue et la fille Ă©tait obligĂ©e de vivre dans une maison sĂ»re parce que cet homme impĂ©nitent continuait par dĂ©clarer qu’elle Ă©tait sa femme.

Caroline Nyamayemombe, une responsable de genre au bureau national du Fonds des Nations Unies pour la population et le dĂ©veloppement (FNUAP) Ă  Harare, affirme que des Ă©tudes ont confirmĂ© que la grossesse chez les adolescentes est Ă  la hausse au Zimbabwe et constitue l’une des principales causes de la mortalitĂ© maternelle.

"Des jeunes filles sont mises en mariage à des hommes souvent plus vieux que leurs propres pÚres. Ce scénario a considérablement contribué aux complications liées à la grossesse chez les mÚres adolescentes. Ces pratiques culturelles nuisibles sévissent dans certains districts du pays", a-t-elle expliqué.

Nyamayemombe a indiquĂ© qu’en dehors des croyances religieuses, la pauvretĂ© constitue l’une des raisons principales pour les mariages prĂ©coces, puisque les donnĂ©es du FNUAP ont montrĂ© que 80 pour cent des adolescentes enceintes viennent des familles pauvres.

"Les filles adolescentes qui tombent enceintes risquent plus d’abandonner l’école, compromettant ainsi leur revenu potentiel futur et risquant plus de tomber dans la pauvretĂ©. La mortalitĂ© maternelle et la mortalitĂ© due Ă  des causes liĂ©es au VIH/SIDA sont devenues une rĂ©alitĂ© pour ces filles et conduisent Ă  ou exacerbent souvent la pauvretĂ©", a-t-elle ajoutĂ©.

Une adolescente enceinte est confrontĂ©e au risque de muscles utĂ©rins et des muqueuses immatures qui constituent un grave danger et un risque Ă©levĂ© de rupture de l’utĂ©rus en cas de travail prolongĂ©.

pdf: http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=5307

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