ZIMBABWE : Former des enseignants pour s’occuper des élèves séropositifs

HARARE, 20 jan (IPS) - La grand-mère de Memory, 11 ans, voulait qu'elle abandonne l'école parce qu'elle ne va pas vivre assez longtemps pour terminer ses études.

Et le ridicule et le stigmate que Memory supporte à l'école, à cause de son statut sérologique, ne laissent pas son éducation paraître intéressante. D'autant plus que ce ridicule vient de son maître.

Dans un pays où les agences humanitaires estiment que 120.000 enfants sont séropositifs, les enseignants se trouvent de plus en plus en première ligne de l'épidémie.

Le Conseil national de lutte contre le SIDA a effectué récemment une étude qui a constaté que les "enseignants n'avaient pas reçu suffisamment d’éducation sur le VIH/ART pour jouer leur rôle d’appui dans les soins pédiatriques et de soutien aux adolescents".

Et à partir de la situation de Memory, il est clair que les enseignants sont mal équipés pour faire face au nombre d'enfants séropositifs dans les écoles.

Mbuya Tapera, la grand-mère de Memory, écoute quotidiennement sa petite-fille raconter comment elle a été maltraitée par son maître.

"Son maître croit qu’elle est en train de perdre du temps en venant à l'école alors qu’il est évident qu'elle moura avant qu'elle ne termine ses études", dit-elle. "Je pense qu'elle est mieux à la maison qu'à l'école", déclare Tapera.

Mais la situation dans les écoles du pays n'est pas passée inaperçue.

Le bureau sous-régional de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), à Harare, s’est associé au ministère de l'Enseignement supérieur pour élaborer un manuel sur le VIH/SIDA pour les enseignants.

Le manuel a été intégré dans le programme des écoles normales le 11 janvier, le début de la nouvelle année académique.

Le manuel sera également distribué aux enseignants qui exercent déjà. Des cours spéciaux et des ateliers seront également organisés pour ces enseignants qui travaillent déjà.

"Le rôle de l'enseignant dans la lutte contre le VIH/SIDA, entre autres questions de développement social, ne peut être trop mis en exergue", indique Dr Washington Mbizvo, secrétaire permanent de l'enseignement supérieur.

Il dit que le ministère estime que les enseignants ont l’aptitude de développer la capacité intellectuelle et spirituelle de l'enfant. "Il est important de renforcer l’éducation des enseignants comme un moyen de parvenir à une société sans le VIH/SIDA. Nous devons nous assurer que tous les enseignants sont fondés sur leurs connaissances du VIH/SIDA", explique Mbizvo.

Le directeur et représentant résident de l'UNESCO, Soo Hyang Choi, affirme que l'élaboration du manuel a été influencée par une prise de conscience que l’implication des enseignants renforcerait la lutte contre le VIH.

"L'éducation ne peut plus continuer comme d'habitude; les enseignants doivent acquérir des compétences appropriées pour être en mesure de faire face à ces enfants de manière sensible et consciente", a déclaré Choi.

Tapera est d'accord. "Ces enseignants n’ont aucune compréhension quelconque du VIH. Pour eux, quiconque a le virus est condamné à mort. Il semble qu'ils ne croient pas que l'on peut vivre une vie normale avec le virus. Et il paraît qu'ils ne se soucient simplement pas d'écouter certains d'entre nous", a ajouté Tapera.

Memory a été dépistée séropositive en 2005, l’année où elle a commencé le cours primaire. Tapera et d'autres parents ont bénéficié de l’assistance des groupes de soutien communautaires qui ont aidé Memory à accepter son statut et croire qu'elle peut toujours avoir une bonne qualité de vie.

"Quand elle allait à l'école, nous croyions tous que l'école était le meilleur endroit pour elle", confie Tapera. Mais les choses ont changé. Maintenant, tout le monde à l'école sait que Memory est séropositive, et que sa mère est morte d'une maladie liée au SIDA. "Tout cela est dû à son maître qui fait comme si Memory a commis un crime grave", affirme Tapera.

D’autres élèves, à travers le pays, ont été victimes de ce stigmate de la part de leurs enseignants.

En raison du manque de soutien dans leur école, un groupe de jeunes séropositifs à Gwanda, la capitale provinciale du Matabeleland Sud, se sont réunis et ont formé leur propre groupe de soutien. En dépit de leurs connaissances sur le virus, ils ne sont pas autorisés à parler publiquement des questions entourant le VIH à d'autres élèves à l'école.

"Si on (nous) voit ou entend en train de parler du VIH/SIDA ou des préservatifs, (nous) aurons des problèmes avec nos maîtres", a déclaré Musa Dube*, un membre du groupe.

Mais avec l'introduction du manuel, Musa et d’autres membres du groupe espèrent que leurs maîtres les soutiendront désormais dans leur effort de vivre positivement.

Mais Portia Munyoro, une enseignante stagiaire à l'Ecole normale de Morgan à Harare, estime que les enseignants "ne sont pas si inhumains pour maltraiter ces enfants (séropositifs)".

"En tant qu'enseignants, nous savons que notre tâche est d'aider ces enfants à avoir un avenir plus radieux, qu'ils soient (séropositifs) ou non", confie Munyoro.

Elle dit que bien qu'elle ait participé à plusieurs ateliers de conseils dans les écoles et au niveau des quartiers, elle pense toujours que c’est difficile quand il s'agit de conseiller les enfants.

"Conseiller les enfants, c’est beaucoup plus difficile que conseiller les adultes parce que l'on doit tout simplifier, et j'espère que ce manuel nous dotera des moyens pour affronter ce défi", déclare Munyoro.

"Parfois, on essaie d'utiliser la force pour que les enfants s'ouvrent, et c'est probablement de là que vient cette discussion sur le harcèlement".

Le manuel a été élaboré pour faire face à cela, entre autres questions.

Le manuel contient des cours sur la culture d’une dynamique de groupe positive, des informations fondamentales et techniques sur le VIH/SIDA, le genre et la sexualité.

Rita Mbatha, la fondatrice et directrice exécutive de 'Women's Comfort Corner', une organisation non gouvernementale qui travaille avec les femmes à la base dans les communautés, indique que le manuel ira loin en aidant non seulement les enseignants et les élèves, mais aussi les femmes qui font la plus grande partie du travail en tant qu’aides à domicile.

"Les éducateurs jouent un rôle important dans la lutte contre le VIH/SIDA, particulièrement en termes de garantie de soins appropriés chez les enfants infectés et affectés. Les enseignants sont mieux placés pour gérer les questions de refus et de stigmate parmi et contre les élèves", explique Mbatha.

Elle affirme que l’impact que les enseignants peuvent avoir sur leurs élèves tomberait en cascade sur le reste de la communauté.

"L'école offre une bonne base pour modeler la façon dont les gens se comportent dans la société, et tout cela s'articule autour de l’enseignant. Je n'ai aucun doute que ce manuel fournira le lien qui a toujours fait défaut entre les parents ou tuteurs et les enseignants des enfants vivant avec le VIH", ajoute Mbatha.

*Ces noms ont été modifiés (FIN/2010)

Plus d'informations: SANTE-ZIMBABWE: Beaucoup de médicaments, pas de preneurs

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