ZIMBABWE: Des élèves quittent les cours et le pays comme la crise s’accentue

[BULAWAYO, 14 octobre] - La scolarisation devient de plus en plus un privilège des riches au Zimbabwe, déplorent les parents et les syndicats des enseignants de ce pays d’Afrique australe.

Le ministère de l'Education du pays, à court d’argent, facture une contribution de 20 dollars US par matière 'en terminale', pour couvrir les frais - mais une majorité des élèves n'ont pas pu s'inscrire du tout puisqu’ils ne peuvent pas supporter ce coût.

Les élèves du secondaire espérant des études supérieures, pour s’assurer un apprentissage ou une place dans une université professionnelle, doivent s'inscrire soit pour cinq matières en classe de troisième à 10 dollars US l’une, ou pour trois matières en classe terminale à 20 dollars chacune.

Mais bon nombre de familles sont incapables de réunir les 50 ou 60 dollars US nécessaires pour s’inscrire.

"Où sommes-nous censés trouver cet argent?", se plaint Zanele Dube, elle-même une enseignante qui affirme qu'elle n'a pas pu réunir les frais d'examen pour ses deux enfants.

"C'est la raison pour laquelle nous exigeons toujours des augmentations salariales. Imaginez une enseignante incapable d'envoyer ses propres enfants à l'école", a indiqué Dube. Les enseignants du Zimbabwe gagnent environ 170 dollars US par mois, mais les syndicats ont fixé le salaire minimum à 430 dollars.

Le Syndicat des enseignants progressistes du Zimbabwe (PTUZ) affirme que 75 pour cent des 300.000 élèves qui avaient été prévus pour passer leurs examens du "BEPC" et du "Baccalauréat" en novembre n'ont pas pu s'inscrire avant le délai de septembre.

Le mois dernier, un futur candidat aux examens publics a convoqué le ministre de l'Education au tribunal dans une tentative de l'obliger à prolonger le délai de paiement des frais d'examen; un nouveau signe du désespoir de beaucoup d’élèves dont les revenus mensuels des parents sont souvent aussi petits que 20 dollars, pour réunir l'argent nécessaire en vue de passer leurs examens de fin d’année.

Il y a environ deux semaines, un responsable du gouvernement du Matabeleland a annoncé qu'une école rurale dans le district n’a pas pu inscrire même pas un seul élève pour les examens publics après que les parents ont été incapables de réunir les frais d'examen.

Même si le ministère a prolongé le délai à décembre avant que le tribunal n’ait statué sur le dossier présenté par le futur candidat aux examens, comme faisant partie des efforts visant à permettre aux parents de réunir l'argent, cela n’aidera pas, déclare le PTUZ.

Le ministre David Coltart affirme que son ministère n'a pas l'argent pour réparer des années de dommages. Alors que le ministère a demandé l'aide de l'Union européenne et de divers organismes, rien n'en est encore sorti.

Cela signifie qu'il n'y a pas d'argent pour subventionner les coûts de l’organisation des examens. Coltart dit que son ministère a besoin d'une injection immédiate d'au moins 100 millions de dollars US pour la tenue des examens et leur correction subséquente.

Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a déploré le déclin du secteur de l'éducation du pays, dans un pays où les enseignants signalent que jusqu'à dix élèves se partagent un seul manuel.

"Le secteur de l'éducation du Zimbabwe, autrefois un modèle en Afrique, continue d'être criblé de défis. Le financement de l’Etat au secteur a considérablement diminué au cours de la dernière décennie, laissant la plupart des écoles sans aucun fonds pour acheter même les matériels pédagogiques les plus fondamentaux, comme les livres et les articles de bureau", indique une récente déclaration de l'UNICEF.

En septembre, l'UNICEF, œuvrant avec la communauté internationale des donateurs, a dévoilé un Fonds pour la transition de l’éducation de 70 millions de dollars US en vue d’aider les enfants défavorisés. Mais avec le manque d'intérêt pour l'éducation chez beaucoup d’élèves ici, ce plan de sauvetage pourrait s'avérer un peu trop tard.

Toutefois, pour des élèves comme Munyaradzi Muzanhenhamo, la poursuite de l'impasse salariale entre le gouvernement et les syndicats des enseignants pourrait signifier une autre année d'inactivité en vue, puisqu’il y a eu à peine de cours cette année à cause des grèves des enseignants.

Les syndicats des enseignants ont déjà menacé qu’ils pourraient ne pas retourner au travail l'année prochaine si le gouvernement refuse de s'engager à satisfaire leurs revendications salariales.

"Il est possible que nous ne retournions pas aux cours l'année prochaine, même si nous avons raté les examens de cette année", a affirmé Muzanhenhamo. "Et cela pourrait être dû au fait qu'il n'y a pas du tout d'enseignants, ou que nous n’avons pas pu une fois encore réunir à la fois les frais de scolarité et d'examen".

L'année dernière, au plus fort de l'exode des enseignants, les parents qui travaillent en Afrique du Sud auraient retiré leurs enfants des écoles zimbabwéennes et les auraient inscrits dans ce pays voisin où l'éducation dans certaines écoles est gratuite.

Toutefois, actuellement, les enfants sont en train d’abandonner complètement l'école - parfois sans informer leurs parents – pour se diriger vars "la place de l'or" - comme on appelle Johannesburg ici.

pdf: http://ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=5529

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