ZAMBIE: Les ONG craignent qu’une nouvelle loi n’entrave leurs activitĂ©s

[LUSAKA, 27 aoĂ»t 2009] - En Zambie, la sociĂ©tĂ© civile craint qu’une loi visant Ă  rĂ©glementer les ONG (organisations non gouvernementales), qui est en cours d’examen, ne compromette leur indĂ©pendance et ne menace leurs activitĂ©s.

Le projet de loi ONG 2009, qui a Ă©tĂ© votĂ© par le Parlement la semaine derniĂšre et doit encore ĂȘtre signĂ© par le prĂ©sident Rupiah Banda, impose aux ONG d’ĂȘtre « dĂ©clarĂ©es et coordonnĂ©es, afin de rĂ©glementer le travail et les domaines d’intervention des ONG en Zambie ».

Si ce projet de loi passe, le ministĂšre du DĂ©veloppement communautaire mettra en place un comitĂ© oĂč siĂšgeront 16 membres, dont au moins huit reprĂ©sentants du gouvernement et au minimum deux reprĂ©sentants de la sociĂ©tĂ© civile. Ce comitĂ© sera chargĂ© de « recevoir, discuter et approuver le code de conduite [des ONG], et
 de donner aux ONG des lignes directrices afin de faire concorder leurs activitĂ©s avec le programme national de dĂ©veloppement de la Zambie ».

Les ONG devront refaire une dĂ©claration tous les cinq ans et soumettre des informations annuelles sur leurs activitĂ©s, leurs sources de financement, leur comptabilitĂ©, et l’état des finances personnelles de leurs responsables ; si elles ne respectent pas ces contraintes, elles pourront ĂȘtre suspendues voire radiĂ©es des registres.

Cependant, les leaders de la sociĂ©tĂ© civile et les activistes des droits de l’homme craignent que le gouvernement n’utilise cette nouvelle loi pour Ă©touffer les critiques et affaiblir le pouvoir de la sociĂ©tĂ© civile.

Finn Petersen, directeur pays de MS-Zambia, l’Association danoise pour la coopĂ©ration internationale en Zambie, qui dĂ©fend la dĂ©mocratie et les droits fonciers dans le pays, et finance plus de 20 ONG de dĂ©fense des droits et organisations communautaires locales, a dit Ă  IRIN que cette loi, si elle Ă©tait votĂ©e, entraverait les actions des ONG.

« Ce projet de loi crée des contraintes plutÎt que des simplifications favorisant les actions de développement. Il restreint considérablement les possibilités de travail et de fonctionnement des ONG, ce qui, à long terme, nuira à la société civile toute entiÚre et aux activités de développement en particulier, car nous nous appuyons sur des partenariats avec les organisations locales pour mener à bien nos programmes », a expliqué M. Petersen.

« Nous craignons qu’au final, cette loi n’empĂȘche le fonctionnement normal des ONG, qui garantissent l’existence d’une rĂ©flexion critique et d’un mĂ©canisme d’équilibre contrebalançant le pouvoir du gouvernement en place », a-t-il commentĂ©.

« Cela pourrait Ă©galement faire disparaĂźtre un certain nombre d’organisations de la sociĂ©tĂ© civile, en particulier les petites structures qui agissent Ă  l’échelle locale, car il sera difficile pour elles de se conformer aux critĂšres imposĂ©s. Au bout du compte, les populations rurales ou isolĂ©es risquent d’avoir plus de mal Ă  s’exprimer librement et Ă  faire entendre leur voix. »

Affaiblir le pouvoir de la société civile

A l’heure actuelle, les ONG sont dĂ©clarĂ©es auprĂšs du Registre des sociĂ©tĂ©s, un organisme quasi-gouvernemental, mais le gouvernement n’est pas vraiment en mesure d’empĂȘcher les ONG d’exprimer des vues politiques dissidentes. En outre, Ă  chaque fois qu’il a tentĂ© de radier une organisation du registre, cela a donnĂ© lieu Ă  de longues procĂ©dures judiciaires. Le Centre d'Afrique australe pour la rĂ©solution constructive des diffĂ©rends (SACCORD), organisme indĂ©pendant veillant au respect des droits de l’homme et des bonnes pratiques de gouvernance, a Ă©tĂ© radiĂ© en 2006, mais les tribunaux ont dĂ©cidĂ© de restaurer son statut d’ONG.

« Ce que nous aurions aimĂ©, c’est qu’une loi permette aux ONG s’autorĂ©glementer. Nous sommes trĂšs inquiets et appelons le prĂ©sident Ă  ne pas signer ce projet de loi, car s’il le faisait, il lĂšguerait un hĂ©ritage funeste Ă  la Zambie », a dit Ă  IRIN Lee Habasonda, directeur gĂ©nĂ©ral du SACCORD.

« La façon dont cette loi a Ă©tĂ© formulĂ©e dissuadera les personnes qualifiĂ©es de travailler dans le secteur des ONG. Quand ces gens apprendront que les responsables des ONG sont obligĂ©es de dĂ©clarer l’état de leurs finances personnelles auprĂšs d’un comitĂ© dont les membres ne semblent pas avoir les compĂ©tences suffisantes pour les superviser, il y a de fortes chances pour qu’ils passent leur chemin », a dĂ©clarĂ© M. Habasonda.

« La limite de cinq ans crĂ©era un climat de forte insĂ©curitĂ© chez les ONG impliquĂ©es dans notre processus de dĂ©veloppement », a dit Ă  IRIN Engwase Mwale, directrice gĂ©nĂ©rale du ComitĂ© de coordination des organisations non gouvernementales, un organisme encadrant des organisations civiques de promotion de l’égalitĂ© des genres.

« Si nos partenaires externes et nos bailleurs apprennent que les engagements ne peuvent pas dĂ©passer cinq ans
 les contrats et les projets de dĂ©veloppement susceptibles de s’étaler sur plus de cinq ans risquent d’en ĂȘtre affectĂ©s », a-t-elle expliquĂ©.

« Certaines dispositions de la loi dĂ©savantageront les organisations les plus populaires, en particulier les associations de femmes agissant au niveau local. Quant aux ONG de dĂ©fense des droits, particuliĂšrement celles qui travaillent sur les questions d’équitĂ© et d’égalitĂ© des genres, elles constituent une alternative aux institutions publiques et garantissent l’équilibre des pouvoirs. La nouvelle loi
 rĂ©duira leur marge de manƓuvre,
 les empĂȘchant de mener leurs actions efficacement », a dĂ©clarĂ© Mme Mwale.

La contribution de la société civile à la démocratie

C’est la deuxiĂšme fois en quelques annĂ©es que le gouvernement tente d’imposer une rĂ©glementation Ă  la sociĂ©tĂ© civile ; en 2007, le projet de loi ONG avait Ă©tĂ© suspendu suite Ă  la protestation gĂ©nĂ©ralisĂ©e des organisations et des partis d’opposition.

La dĂ©mocratie multipartite a Ă©tĂ© restaurĂ©e il y a 18 ans, suite Ă  la prise du pouvoir, en 1991, par Frederick Chiluba, ancien syndicaliste succĂ©dant Ă  Kenneth Kaunda, qui Ă©tait prĂ©sident de la Zambie depuis l’indĂ©pendance de l’ancienne colonie britannique, en 1964.

La sociĂ©tĂ© civile zambienne a jouĂ© un rĂŽle considĂ©rĂ© comme dĂ©terminant, forçant le prĂ©sident Kaunda Ă  abandonner la rĂšgle du parti unique pour mettre en place une dĂ©mocratie multipartite, et contribuant Ă  empĂȘcher que M. Chiluba ne brigue un troisiĂšme mandat en 2001. Sous la prĂ©sidence du prĂ©dĂ©cesseur de M. Banda, Levy Mwanawasa, qui est mort en 2008 avant la fin de son mandat, la sociĂ©tĂ© civile a maintenu la pression pour qu’une nouvelle constitution soit adoptĂ©e.

Depuis l’élection du prĂ©sident Banda en octobre 2008, la sociĂ©tĂ© civile s’est en outre opposĂ©e aux gĂ©nĂ©reuses indemnitĂ©s s’élevant Ă  environ 60 000 dollars, que le Parlement proposait d’accorder Ă  tous les ministres et parlementaires.

Les ONG ne sont plus Ă  la mode

Ronnie Shikapwasha, ministre de l’Information et principal porte-parole du gouvernement, a Ă©cartĂ© les critiques. « Une fois que ce projet de loi sera votĂ©, il renforcera la croissance
 et la qualitĂ© des ONG dans le pays
 Pourquoi les ONG de Zambie refusent-elles d’ĂȘtre rĂ©glementĂ©es, d’ĂȘtre transparentes ? Est-ce qu’elles ont quelque chose Ă  cacher ? Les Zambiens ont le droit de savoir comment ces organisations fonctionnent », a-t-il dĂ©clarĂ©.

« Pourquoi [les ONG] exigeraient-elles la transparence du gouvernement si elles-mĂȘmes ne sont pas transparentes ? Pourquoi devraient-elles dĂ©cider elles-mĂȘmes de leur rĂ©glementation alors que le pays oĂč elles interviennent dispose de lois, qui servent prĂ©cisĂ©ment Ă  Ă©tablir une rĂ©glementation ? », a argumentĂ© M. Shikapwasha.

« Monter une ONG pour exprimer son dĂ©saccord avec le gouvernement, avec ceux qui ont Ă©tĂ© Ă©lus, c’est dĂ©passé  A partir du moment oĂč une organisation revendique son opposition au gouvernement, elle devient un parti politique », a-t-il soutenu.

La plupart des ONG zambiennes sont financĂ©es par des bailleurs occidentaux, que le gouvernement accuse souvent de dĂ©cider de l’agenda de la sociĂ©tĂ© civile. « Les ONG ne doivent pas se confondre avec l’opposition », a dĂ©clarĂ© M. Shikapwasha. « Elles ne doivent pas ĂȘtre utilisĂ©es comme un instrument d’opposition, mĂȘme par les Etats Ă©trangers. »

pdf: http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=85888

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