VIETNAM: Multiplication des cas de mauvais traitements sur mineurs

[HANOÏ, 29 aoĂ»t 2008] - Quand Tran Van De frappe ses petits-enfants, il dit qu’il le fait par amour. « Je sais que ça fait mal ; ça me fait mal Ă  moi aussi », explique ce retraitĂ© de 68 ans, grand-pĂšre de quatre enfants. « Mais ça les aide Ă  devenir de bons citoyens. C’est comme ça que j’ai appris quand j’étais enfant. Ce ne sont pas des maltraitances. J’aime mes petits-enfants. Comment pourrais-je les maltraiter ? ».

Dans bon nombre de pays, un parent qui frapperait son enfant ou le laisserait seul Ă  la maison serait dĂ©noncĂ© aux autoritĂ©s. Un travailleur social serait envoyĂ© sur place pour enquĂȘter. La police pourrait ĂȘtre mobilisĂ©e et une plainte pour mauvais traitements sur mineur pourrait mĂȘme ĂȘtre dĂ©posĂ©e contre le parent.

Au Vietnam, un tel scĂ©nario ne pourrait pas se produire. Il n’existe pas dans ce pays de dĂ©finition communĂ©ment admise de la « maltraitance des enfants ». Il n’y a pas de travailleurs sociaux. Il n’y a pas de loi particuliĂšre contre les corrections physiques, selon Duong Tuyet Mien, professeur Ă  l’universitĂ© de droit d’Hanoi, ainsi que d’autres experts de ce domaine.

Au Vietnam, pour bien Ă©duquer les enfants, il est traditionnellement d’usage de les discipliner en les frappant ou en les humiliant. Un bon enseignement passe Ă©galement par cette pratique.

Il serait mĂȘme irresponsable de ne pas avoir recours aux corrections physiques si un enfant ne se comporte pas correctement, selon des parents interrogĂ©s par IRIN et des responsables du ministĂšre du Travail, des invalides et des affaires sociales (MTIA).

Rapport ministériel

La maltraitance des enfants n’en est pas moins un problĂšme de plus en plus grave au Vietnam. Les enquĂȘtes indiquent une multiplication du nombre de cas signalĂ©s.

Les statistiques communiquées par le MTIA le 22 août dans un rapport préliminaire publié uniquement en vietnamien montrent que la violence contre les enfants au sein des foyers a triplé entre 2005 et 2007. Les violences infligées aux enfants par les enseignants ont été multipliées par 13.

Selon une enquĂȘte menĂ©e dans cinq provinces par le ComitĂ© vietnamien pour la population, la famille et les enfants en 2006, 58,3 pour cent des enfants interrogĂ©s avaient dĂ©clarĂ© qu’on les rĂ©primandait par des jurons, des insultes ou des gifles.

Pour Pham Kieu Oanh, spĂ©cialiste de la protection de l’enfance au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) Ă  Hanoi, cette multiplication des cas de maltraitances est sans doute due en partie au fait qu’un plus grand nombre de cas sont dĂ©clarĂ©s aux autoritĂ©s.

« Mais ces statistiques ne reprĂ©sentent que la partie Ă©mergĂ©e de l’iceberg », a dit Mme Oanh. « Ça ne reflĂšte pas vraiment la rĂ©alitĂ©. Les statistiques seraient plus Ă©levĂ©es si tous les cas Ă©taient dĂ©clarĂ©s ».

« Si un adulte bat un enfant, personne ne le signale aux autoritĂ©s concernĂ©es », a-t-elle ajoutĂ©. « Cela n’arriverait que si l’enfant Ă©tait griĂšvement blessĂ©. LĂ , la police interviendrait. Mais elle rĂšglerait l’affaire en se contentant d’accuser le parent de trouble de l’ordre ou de tapage, plutĂŽt que de maltraitances sur mineur ».

« Nous n’appliquons pas correctement les lois »

Bien entendu, il existe au Vietnam des lois sur les enfants, a dit Duong Tuyet Mien de l’universitĂ© de droit d’Hanoi. Mais en ce qui concerne les enfants, « nous n’appliquons pas correctement les lois ».

« Gifler un enfant est contraire Ă  la loi, mais personne ne le signale », explique M. Mien, « ce sont des gestes qui sont considĂ©rĂ©s comme normaux. Selon la loi, il faut que 11 pour cent du corps d’un individu soit couvert de blessures pour que l’affaire relĂšve du pĂ©nal ».

Selon les experts, le problĂšme dĂ©coule en partie du fait que les Vietnamiens pensent gĂ©nĂ©ralement aux sĂ©vices sexuels lorsqu’on leur parle de maltraitances sur mineurs. Et ils pensent que seules les filles peuvent en ĂȘtre victimes.

« Un grand nombre de gens ne savent pas du tout que les garçons peuvent eux aussi ĂȘtre victimes de sĂ©vices sexuels », selon M. Mien. « Ils n’imaginent pas le type de sĂ©vices que cela peut reprĂ©senter. Alors, ils ne pensent jamais que les garçons aient eux aussi besoin d’ĂȘtre protĂ©gĂ©s ».

Maltraiter les enfants n’est pas bien, a concĂ©dĂ© Huynh Tien Thanh, homme d’affaires Ă  Hanoi et pĂšre d’un garçon de neuf ans.

« Je ne frappe mon fils que pour lui apprendre Ă  ĂȘtre un homme bien. Bien sĂ»r, il y a des limites. On ne peut pas battre un enfant trop fort », a-t-il tempĂ©rĂ©. « Il faut savoir oĂč taper ».

Ce sont ces attitudes qui doivent changer au Vietnam, selon Mme Oanh de l’UNICEF. « Il est vraiment difficile de sensibiliser les populations. C’est la tradition », a-t-elle expliquĂ©. Mais cette façon de penser doit Ă©voluer, selon elle.

 

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