Un mariage pour tous, une Eglise pour tous

Summary: L'opposition manifestée par les instances des Eglises au projet de loi sur le droit au mariage pour tous laisse croire que les chrétiens y sont unanimement opposés.
Pourtant, en juillet 2012, 45 % de catholiques pratiquants se disaient favorables au mariage pour tous. Qui les représente, que sont-ils devenus ?

 [Le 8 janvier 2013] - Comment se retrouveraient-ils dans ces sommations de grossir le rang de cortèges où les Eglises apparaissent des forteresses assiégées au lieu defavoriser un débat de société légitime, selon les recommandations du Conseil famille et société de la Conférence des évêques de France, lequel reconnaît à l'homosexualité une "potentialité de fécondité sociale".

LES POSITIONS OFFICIELLES DES EGLISES

C'est désormais la seule voix du refus du projet qui s'exprime dans les positions officielles des Eglises. Cette stratégie est adoptée, alors même que la très grande majorité des communautés chrétiennes n'ont pas commencé par le commencement, comme y invite Jésus dans les Evangiles devant toute personne rencontrée.

D'abord, entendre les personnes homosexuelles et leur entourage témoigner de leurs aspirations, de leurs conditions de vie, des discriminations dont elles souffrent au sein de la société et au sein des Eglises, ne tolérer qu'aucune personne ne soit écartée de la communauté du fait de son orientation sexuelle.

Chacun sait que dans ce domaine beaucoup, presque tout, reste à accomplir.

Enfin, réfléchir, à la lumière des Evangiles, des paroles des baptisés et des enseignements des Eglises, à ce que révèle l'amour unissant deux personnes de même sexe.

Peut-on continuer par exemple, comme le fait le magistère catholique, à prôner leur accueil respectueux et bannir toute relation sexuelle ?

MAINTIEN D'UNE LÉGISLATION D'UN MARIAGE IMMUABLE

Peut-on reconnaître la vérité de la relation qui unit deux personnes homosexuelles et contester une dimension essentielle de leur amour ?

Le simple énoncé de ces constats et questions démontre le caractère inutilement vindicatif et sentencieux des appels de la hiérarchie catholique à manifester pour le maintien d'une législation d'un mariage immuable qui n'a pourtant cessé d'évoluer pour faire place, lors de combats opiniâtres, au respect des droits des femmes et de l'enfant.

Au lieu de propager des discours apocalyptiques sur le droit à s'unir de dizaines de milliers de personnes de même sexe censés saper les fondements de la société, les Eglises devraient s'attacher à prononcer une parole audible devant les évolutions des formes de la vie humaine.

Les opposants irréductibles au projet de loi prétendent ainsi que l'homoparentalité mettrait l'enfant en danger.

Il y a de 30 000 à 40 000 enfants élevés dans des familles homoparentales. Ces enfants sont-ils malheureux, maltraités ou dépravés ? Non. Dont acte.

Les Eglises affirment que le mariage serait la condition de la procréation. En France, 52 % des enfants naissent hors mariage. Le droit de l'enfant n'est donc pas lié au seul statut matrimonial des parents.

Les opposants au projet de loi dénoncent le droit des couples à l'enfant qui nierait le droit des enfants. Le droit de l'enfance constitue le meilleur système juridique de toute notre histoire.

La loi ne distingue pas entre l'origine des enfants depuis 2006 et leur attribue des droits rigoureusement identiques, quels que soient le statut juridique des parents et les circonstances de leur naissance.

Des changements considérables et positifs sont ainsi survenus dans le droit des enfants, protégés des travaux épuisants, de la non-éducation, des violences sexuelles et pédophiles, et de l'abandon.

DES SOCIÉTÉS LAÏQUES ET DE DROIT

Il serait intellectuellement faux de prétendre le contraire et suspect de voir dans l'ouverture du mariage à tous une menace pour l'enfance, alors que tout notre droit la protège comme jamais.

Nous sommes dorénavant dans des sociétés laïques et de droit. Elles se révèlent infiniment plus soucieuses des fragiles que dans le passé.

Etait-ce vraiment mieux quand, dans une société pourtant d'affirmation chrétienne,Vincent de Paularmé de sa seule sainteté militante, se trouvait isolé à sauver les enfants abandonnés sur le parvis froid des églises ?

Le mariage, pour celles et ceux qui le choisissent, est aussi - et peut-être dorénavant devenu - une histoire d'amour qui ne peut être enfermée dans le but unique de procréer.

C'est à la fois une rencontre de volontés et une institution par laquelle la société reconnaît comme bénéfique une union durable entre deux êtres à la fois égaux et différents.

L'ADOPTION EST UNE FORME UNIQUE D'AMOUR

Il n'y a aucun obstacle à l'offrir à tous, chacun restant libre de lui donner le niveau de solennité, y compris sacramentelle, qu'il souhaite.

L'adoption est une forme unique d'amour qui peut tout aussi bien être le fait de couples hétérosexuels ou homoparentaux.

Elever, éduquer, nourrir, protéger, disposer de l'autorité sur un enfant, dans le respect des lois, est un acte altruiste supérieur pouvant être ouvert à des parents mariés quelle que soit leur orientation sexuelle. Il l'est déjà aux célibataires.

La question de l'assistance à la procréation est un autre débat. Les problèmes qu'elle aborde concernent tout autant les parents hétérosexuels ou homosexuels : la réalisation d'un désir d'enfant et de création d'une famille doit être avant tout conforme au droit de l'enfant auquel elle est subordonnée.

Quelle que soit la solution choisie, on ne peut transiger sur le droit de tout enfant de connaître ses origines, et aucune solution reposant sur le commerce du corps humain n'est admissible.

Pour le reste, le christianisme, comme le dit Michel Serres, est "une religion de l'adoption" qui n'a jamais enfermé l'amour du prochain dans les frontières de la famille biologique ou de la tribu.

Il est pour le moins curieux d'observer que la volonté de voir reconnaître un lien durable entre deux êtres de même sexe et leur aspiration à fonder une famille suscite d'abord la suspicion au sein des hiérarchies ecclésiales, au moment où le lien social et la parentalité ont besoin d'être affermis afin de prévenir une société émiettée, précarisée et minée par les solitudes.

Nous appelons nos Eglises à ne pas reproduire avec le droit au mariage pour tous le contresens historique commis pour la régulation des naissances et lacontraception par l'encyclique Humane vitae malgré l'exhortation alors du cardinal Suenens, archevêque de Bruxelles-Malines, de ne pas rouvrir "un nouveauprocès de Galilée".

Combien de femmes et d'hommes ont alors quitté l'Eglise, silencieux et meurtris devant le refus de celle-ci d'approuver l'usage de la pilule contraceptive ? Au prix de combien de chaises vides ? Nous en sommes là.

Témoignage chrétien assumera cette discussion partout où cela sera possible, lancera des invitations à tous pour que soit entendue, dans la communauté chrétienne et au-delà, la parole de ceux qui, simples demandeurs d'une loi de reconnaissance et d'une parole en retour, se sont heurtés au portail fermé de nos églises. Chrétiens, nous croyons que le destin de tous sans exception est d'être libre et heureux dans des institutions justes.

Owner: Jean-Pierre Mignard et Bernard Stephan, codirecteurs de "Témoignage chrétien"pdf: http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/01/08/un-mariage-pour-tous-une-...

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