Traite des enfants au Tchad


 

12 avril 07 - La justice tchadienne poursuit actuellement neuf personnes auteurs et complices prĂ©sumĂ©s d’un trafic d’enfants dont Ă©tĂ© victimes quatre filles mineures, ĂągĂ©es de neuf Ă  14 ans, retrouvĂ©es Ă  N’Djamena, la capitale, et rĂ©duites en esclaves par leurs employeurs.

Michael Didama - La plus jeune, Maimouna Issaya, neuf ans, Ă©tait Ă©lĂšve au cours Ă©lĂ©mentaire (1Ăšre annĂ©e) de l’école primaire quand son grand frĂšre, DieudonnĂ© Issaya, Ă  l’insu de son pĂšre, l’a confiĂ©e, contre de l’argent, Ă  une famille de militaires originaires du nord du pays. Selon les termes d’un contrat verbal, son frĂšre devrait percevoir environ 10 dollars par mois. MaĂŻmouna est rĂ©duite, Ă  son Ăąge, Ă  s’occuper des enfants de cette famille et ne va plus Ă  l’école.

La plus ĂągĂ©e, Atouda Agaou, 14 ans environ, Ă©tait mĂ©connaissable tant son corps Ă©tait tumĂ©fiĂ© et lacĂ©rĂ©, ses yeux rougis et larmoyants. Elle affirme avoir Ă©tĂ© violĂ©e et torturĂ©e par ses employeurs. Toutes les quatre filles, originaires de KĂ©lo, dans le sud du Tchad, ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es dans la capitale par la police, Ă  la fin-fĂ©vrier, sur indication de la plus ĂągĂ©e qui a rĂ©ussi Ă  s’échapper.

Abderamane Djasnabaille, qui Ă©tait ministre de la Justice Ă  l’époque, avait aussitĂŽt dĂ©clenchĂ© des poursuites contre les auteurs et complices de ces actes dĂ©gradants Ă  l’encontre des enfants.

MoĂŻse Noudjingar, le substitut du procureur de la RĂ©publique, en charge du dossier, a fait enfermer aussitĂŽt Ă  la prison de N’Djamena les neuf auteurs et complices prĂ©sumĂ©s de ce trafic. Leur emprisonnement est un fait rarissime, selon des analystes, puisque les femmes qui emploient ces enfants sont des Ă©pouses ou sƓurs d’officiers supĂ©rieurs — considĂ©rĂ©s gĂ©nĂ©ralement comme des intouchables dans ce pays d’Afrique centrale.

"Selon les dispositions de l’article 152 du Code pĂ©nal, les auteurs de tels actes sont passibles d’une peine de prison ferme de deux Ă  cinq ans. On peut les condamner mĂȘme pour des travaux forcĂ©s Ă  perpĂ©tuitĂ©", a dĂ©clarĂ© Ă  IPS, Noudjingar, furieux.

InformĂ©e de la dĂ©couverte des filles, IrĂšne Ortom, directrice de la protection de l’enfance au ministĂšre des Affaires sociales, a veillĂ© personnellement Ă  l’interpellation des auteurs des maltraitances. Au commissariat de police du sixiĂšme arrondissement de N’Djamena oĂč elle s’était rendue, Ortom a mĂȘme failli en venir aux mains avec un colonel, frĂšre de l’une des dames arrĂȘtĂ©es.

Djasnabaille, qui vient d’ĂȘtre remplacĂ© au dernier remaniement de son poste de ministre de la Justice, a dĂ©noncĂ© les actes odieux des auteurs prĂ©sumĂ©s : "La justice doit ĂȘtre impitoyable contre ceux qui enlĂšvent, achĂštent ou vendent les enfants. Il ne doit pas avoir d’intouchables".

Toutefois, prĂ©sentĂ©es au juge d’instruction du tribunal de premiĂšre instance de N’Djamena, les neuf personnes dĂ©fĂ©rĂ©es Ă  la prison par le procureur ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©es. Elles doivent comparaĂźtre libres, selon la dĂ©cision du juge.

Mais, cette libĂ©ration n’est pas du goĂ»t des associations de dĂ©fense de droits de l’Homme qui souhaitent que la justice donne un signal fort, par ce procĂšs, Ă  tous les trafiquants et esclavagistes des temps modernes.

Selon Ortom, "Les auteurs de ces actes ignobles" connaissent mal le Code pĂ©nal tchadien et "croient qu’il y a un vide juridique. Or, le Tchad est partie Ă  toutes conventions protĂ©geant la femme et l’enfant".

"Au mois de juillet dernier (2006) par exemple, nous avons signĂ© l’Accord de coopĂ©ration Ă  Abuja ainsi que le Plan d’action de lutte contre la traite des personnes. Nous avons aussi signĂ© la Convention des Nations Unies contre la criminalitĂ© transnationale dont le protocole additionnel vise Ă  punir le trafic des femmes et des enfants", a expliquĂ© Ortom Ă  IPS.

"AprĂšs la rencontre d’Abuja, nous avons organisĂ© des sĂ©minaires Ă  N’Djamena. Nous continuerons notre sensibilisation Ă  l’intĂ©rieur du pays au cours de ce mois d’avril. Nous faisons la protection juridique et judiciaire de l’enfant".

Pour Ortom, ces campagnes de sensibilisation ont Ă©tĂ© positives puisque les gens sont maintenant promptes Ă  dĂ©noncer le trafic et autres violences faites aux enfants et aux femmes. C’est le cas, par exemple, de ces filles de KĂ©lo, qui a Ă©tĂ© rapidement portĂ© Ă  l’attention des autoritĂ©s.

La plupart des associations de dĂ©fenses des droits humains se sont portĂ©es partie civile Ă  ce procĂšs que le procureur Noudjingar souhaite exemplaire contre les trafiquants et autres exploitants d’enfants.

Yasmine Mahamat Nour, vice-prĂ©sidente de Droits de l’Homme sans frontiĂšres, une des associations partie civile au procĂšs, basĂ©e Ă  N’Djamena, a laissĂ© Ă©clater sa colĂšre : "Quand j’ai vu cette fillette de neuf ans et cette fille de 14 ans aussi en mauvais Ă©tat, j’ai Ă©tĂ© bouleversĂ©e, choquĂ©e. Il faut que cela cesse".

"Il y a deux ans, nous avons mené une campagne intensive de dénonciation de ces pratiques, hélas ! Cela continue. Et nous ne devons pas baisser les bras", a-t-elle dit à IPS.

Pour Rosine Djibergui Baiwong, vice-prĂ©sidente de la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH), basĂ©e Ă  N’Djamena, "Le trafic et autres enlĂšvements d’enfants doivent interpeller la conscience des Tchadiens. Souvent, les femmes abandonnĂ©es ou veuves ont des difficultĂ©s Ă  prendre en charge leurs enfants. Ces enfants deviennent des proies faciles pour ces trafiquants qui les rĂ©duisent simplement en esclaves".

La LTDH a dĂ©jĂ  frappĂ© un grand coup l’an dernier dans cette lutte. Odette Odjim, une fillette de huit ans a aujourd’hui perdu l’usage de ses mains suite Ă  la torture que sa tante Martine Aslaou lui avait infligĂ©e. Pour avoir brisĂ© une tasse en faĂŻence, la petite Odette a Ă©tĂ© ligotĂ©e avec des fils tĂ©lĂ©phoniques pendant trois jours, privĂ©e de nourriture. InformĂ©e grĂące aux voisins de la tante, la LTDH avait dĂ©clenchĂ© une action en justice contre Aslaou qui a Ă©tĂ© condamnĂ©e Ă  une peine de trois ans de prison ferme Ă  N’Djamena.

Le trafic et les enlĂšvements d’enfants en vue de leur asservissement sont devenus un flĂ©au au Tchad depuis une vingtaine d’annĂ©es. Dans le sud du pays, notamment dans la zone de Koumra, les enfants bouviers, des gamins autochtones confiĂ©s pour des miettes, ou mĂȘme enlevĂ©s quelquefois, sont devenus de vĂ©ritables esclaves, selon des associations de dĂ©fense des droits humains.

Dans beaucoup de maisons Ă  N’Djamena, des milliers de ces enfants "achetĂ©s" ou enlevĂ©s vivent chez leurs "maĂźtres", souvent des intouchables, indiquent ces associations.

Informations supplémentaires

pdf: http://www.humanrights-geneva.info/article.php3?id_article=1499&var_rech...

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