Tests ADN : " La France risque de tirer l'Europe vers le bas "

Summary: Interview avec Thomas Hammarberg, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe sur la question des tests d'ADN en France.

Tests ADN : " La France risque de tirer l'Europe vers le bas "

Thomas Hammarberg, vous êtes commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe. Si la France légalisait le recours aux tests ADN pour le regroupement familial, cela aurait-il un impact en Europe ?

Les risques sont lourds. La démarche française risque de tirer l'Europe vers le bas, en conduisant d'autres pays à adopter une mesure identique.

 

Mais onze pays d'Europe ont déjà recours aux tests ADN...

Il est faux de dire que la France ne fait que suivre d'autres pays. Avec une telle disposition, elle créerait un précédent. Dans les pays utilisant déjà les tests ADN, la pratique repose sur le volontariat et n'est utilisée que de manière exceptionnelle, pour quelques pays " sensibles ". En Italie, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, elle est également gratuite pour les familles demandant un regroupement familial.

La France, elle, envisage de ne rembourser que celles pour lesquelles le lien de filiation sera bien établi par le test. Surtout, le pays ferait de cette pratique une règle générale, pouvant s'appliquer à toutes les familles candidates au regroupement familial. Si le recours aux tests génétiques était ainsi légalisé par la France, le risque est grand de voir cette pratique se généraliser en Europe. Le principe de volontariat finirait alors par disparaître.

 

Sur le fond, que pensez-vous de l'usage des tests génétiques ?

Une telle disposition est profondément discriminatoire. A l'égard des pauvres qui, même en cas de parenté indiscutable, n'auront pas les moyens de demander une vérification par ADN de leurs liens de filiation. A l'égard également des enfants qui ne sont pas issus du sang de leurs parents, des enfants adoptés comme des orphelins.

Cette disposition viole la Convention internationale des droits de l'enfant, que la France a ratifiée en 1990. Son article 10 précise que dans l'intérêt supérieur de l'enfant, la réunification familiale doit être considérée dans un état d'esprit positif, avec humanité et diligence. Ce n'est plus le cas avec cette disposition.

Le projet ignore complètement la nature des liens familiaux qui prévaut dans un certain nombre de pays source d'immigration, où lorsque les parents décèdent, notamment, l'enfant est confié à une autre famille et pleinement intégré à celle-ci. Reflet d'un nombrilisme européen, cette mesure est en outre radicalement contraire à la conception française de la famille, laquelle ne se limite pas aux seuls liens du sang.

Propos recueillis par Laetitia Van Eeckhout

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