TCHAD: Les enfants recrutés par l’armée et les groupes armées

Summary: Les enfants au Tchad sont toujours recrutés par l'armée tchadienne et soudanaise, et des groupes armés tchadiens. Certains enfants ont été recrutés de force. D'autres sont poussés par leurs communautés pour venger les meurtres et de pillage par des groupes armés.

(10 fevier 2011) Dans l’est du Tchad, les forces armées et les groupes d’opposition armés utilisent toujours des enfants. Face à la menace d’un conflit armé et au climat de violence généralisée dans la région, les enfants, surtout les garçons, continuent d’être incités à rejoindre ces forces et ces groupes. Le manque de programmes de démobilisation pour les nombreux enfants associés aux forces et groupes armés, ou leur inefficacité, expose ces enfants à un nouvel enrôlement, même après leur retour chez eux. Dans leurs villages, les écoles et les perspectives d’emploi sont trop peu nombreuses pour leur offrir d’autres possibilités. Les jeunes qui sont déplacés à l’intérieur du Tchad ou les réfugiés qui ont fui la région voisine du Darfour sont particulièrement vulnérables. De part et d’autre de la frontière avec le Soudan, les droits des enfants sont bafoués en toute impunité.

Toutes les parties impliquées dans le conflit dans l'est du Tchad enrôlent et utilisent des enfants : l'armée nationale tchadienne (ANT) et les groupes d'opposition armés tchadiens et soudanais. Des chefs locaux appartenant à divers groupes ethniques emploient des enfants pour participer aux violents conflits et aux troubles intercommunautaires. Le gouvernement tchadien a dit qu'il n'avait pas pour politique d'enrôler des enfants, mais a reconnu que l'armée comptait des enfants dans ses rangs . Jusqu'aux démarches visant à la normalisation des relations début 2010, les gouvernements tchadien et soudanais soutenaient tous deux activement des groupes armés s'opposant les uns aux autres, en dépit des preuves indiquant que ces groupes, en particulier le Mouvement pour la justice et l'égalité (MJE), groupe armé soudanais, recrutaient activement des enfants . Souvent, dans les camps de réfugiés et de personnes déplacées situés dans l'est du Tchad, des enfants disparaissent et sont retrouvés par la suite dans les rangs de groupes armés. En 2010, le MJE a continué de mener des campagnes de recrutement de combattants dans ces camps.

Des milliers d'enfants auraient été intégrés dans les forces combattantes. Selon les chiffres présentés par l'Organisation des Nations unies (ONU) en 2007, entre 7 000 et 10 000 enfants pourraient avoir été utilisés en tant que combattants ou associés à des groupes d'opposition armés tchadiens ou soudanais ou à l'armée tchadienne . Certains ont été enlevés et recrutés de force, d'autres se sont enrôlés pour venger la mort de membres de leur famille ou le pillage du bétail, ou plus simplement pour échapper à la pauvreté et à l'absence de perspectives en matière d'éducation ou d'emploi . En décembre 2010, seules quelque 850 anciennes recrues avaient reçu une aide à la réadaptation de la part du Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) . Plusieurs milliers d'enfants pris dans les rets du conflit, notamment ceux qui se trouvent dans des camps de réfugiés ou de personnes déplacées à l'intérieur du pays, restent des proies faciles pour les recruteurs à la recherche de combattants, entre autres.

« [L]e terme enfant soldat désigne toute personne âgée de moins de 18 ans enrôlée dans une force armée ou un groupe armé régulier ou irrégulier, quelle que soit la fonction qu'elle exerce, notamment mais pas exclusivement celle de cuisinier, porteur, messager, et toute personne accompagnant de tels groupes qui n'est pas un membre de leur famille. Cette définition englobe les filles recrutées à des fins sexuelles et pour des mariages forcés. Elle ne concerne donc pas uniquement les enfants qui sont armés ou qui ont porté des armes . »

Malgré des préoccupations grandissantes aux niveaux national, régional et international, les mesures prises par les pouvoirs publics tchadiens n'ont eu qu'une efficacité minime. Le Conseil de sécurité de l'ONU a souvent appelé les gouvernements à respecter les droits des enfants, et condamné l'enrôlement et l'utilisation d'enfants par les parties à un conflit . En 2009, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU s'est dit « profondément préoccupé de voir que les viols et sévices à enfant [étaient] toujours très fréquents et que toutes les parties au conflit continu[aient] de recruter et d'utiliser des enfants, en particulier le groupe rebelle soudanais Mouvement pour la justice et l'égalité (MJE), ainsi que certains commandants locaux des forces armées tchadiennes ». En avril 2010, le secrétaire général de l'ONU a indiqué que le Tchad s'était montré déterminé à combattre l'enrôlement de mineurs et qu'il avait organisé des contrôles dans des camps militaires afin de vérifier si des enfants étaient présents, et ordonné aux commandants de faciliter l'accès de l'ONU et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) aux camps militaires . En juin 2010, lors d'une conférence organisée par l'État tchadien et l'UNICEF, les gouvernements du Cameroun, du Niger, du Nigeria, de la République centrafricaine, du Soudan et du Tchad se sont engagés, dans la Déclaration de N'Djamena, à mettre fin au recrutement de mineurs dans l'armée et les groupes armés et à offrir aux anciens enfants soldats de meilleures perspectives en termes d'éducation et d'emploi .

Ces avancées ont cependant été entravées par le manque d'engagement politique de la part du gouvernement tchadien et de l'armée, par l'insuffisance des moyens et par la persistance des troubles dans la région, notamment des combats entre l'armée et des groupes d'opposition armés tchadiens. Les projets du Tchad en faveur du désarmement, de la démobilisation et de la réinsertion (DDR) des enfants associés aux forces et groupes armés ont eu des effets limités. Les organismes internationaux n'ont souvent pas été en mesure de réinsérer dans leurs communautés les enfants démobilisés, en raison de l'insécurité persistante. Des enfants dont la démobilisation avait été menée à bien ont par la suite rejoint des groupes armés, faute d'autres perspectives. À la fin de l'année 2010, on ignorait dans quelle mesure le MJE avait commencé à mettre en œuvre le protocole d'accord qu'il a signé avec l'ONU en juillet 2010 en vue de mettre fin au recrutement d'enfants, en particulier dans les camps de réfugiés, et de cesser d'utiliser les camps de l'est du Tchad comme bases de recrutement .

Amnesty International appelle les gouvernements du Tchad et du Soudan, les groupes armés opérant dans ces deux pays et la communauté internationale, en particulier l'ONU, à prendre des mesures efficaces pour protéger les droits des enfants dans l'est du Tchad. Toutes les parties au conflit doivent respecter leurs obligations aux termes du droit international humanitaire et relatif aux droits humains. Tous les mineurs associés à l'armée et aux groupes armés doivent être relâchés et se voir offrir des perspectives en termes d'éducation, de formation professionnelle et d'emploi afin de faciliter leur réinsertion parmi les leurs. La communauté internationale – notamment les États donateurs et les organes de l'ONU – doit accorder un degré de priorité élevé aux programmes de démobilisation et de réinsertion des enfants dans l'est du Tchad.

Il est important de renforcer ou de mettre en place des mécanismes de surveillance efficaces de l'enrôlement et de l'utilisation d'enfants après le retrait de la Mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad (MINURCAT) fin 2010 . Il est également indispensable d'assigner des ressources financières, logistiques et humaines suffisantes à la mise en œuvre de la Déclaration de N'Djamena visant à mettre fin au recrutement et à l'utilisation d'enfants par les forces et groupes armés.


Plus d'informations:

pdf: http://www.crin.org/docs/Child_soldiers_TCHAD.pdf

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