SYRIE : Dix dimensions de la crise Ă  suivre

Summary: Alors que le monde a les yeux rivĂ©s sur les combats secouant quotidiennement le pays, et sur les rĂ©fugiĂ©s fuyant vers les pays voisins, la situation humanitaire Ă  l’intĂ©rieur du pays passe largement inaperçue.

[Dubaï, le 13 septembre 2012] - IRIN présente dix points importants à suivre : 

Une menace plane sur l’annĂ©e scolaire

Environ un million de personnes dĂ©placĂ©es Ă  l’intĂ©rieur de leur propre pays (PDI) sont hĂ©bergĂ©es dans des bĂątiments publics, dont des Ă©coles. Des milliers d’enfants risquent donc de ne pas avoir accĂšs Ă  l’enseignement Ă  la rentrĂ©e. (Les cours devaient dĂ©buter la semaine prochaine, mais la rentrĂ©e devrait ĂȘtre reportĂ©e). Aucune alternative n’a Ă©tĂ© proposĂ©e aux PDI, mais d’autres solutions comprennent l’installation des dĂ©placĂ©s dans d’autres bĂątiments publics, comme des salles de sport ou des centres de vacances pour adolescents, ou encore la mise en place d’un systĂšme Ă  double vacation afin que certaines Ă©coles puissent continuer Ă  accueillir des dĂ©placĂ©s. Un comitĂ© ministĂ©riel a Ă©tĂ© rĂ©cemment crĂ©Ă© pour assurer le suivi des familles dĂ©placĂ©es et les reloger. Les travailleurs humanitaires soulignent que le relogement des dĂ©placĂ©s doit s’effectuer sur la base du volontariat. 

Une pénurie de médicaments 

La Syrie connaĂźt une grave pĂ©nurie de mĂ©dicaments et de produits pharmaceutiques. Autrefois, le pays Ă©tait quasiment autonome en matiĂšre de production de mĂ©dicaments, mais la destruction des usines pharmaceutiques et des installations de stockage, notamment Ă  Alep, a laissĂ© un vide. Les patients atteints d’hĂ©patite, de diabĂšte ou de cancer et suivant un traitement quotidien sont particuliĂšrement dans le besoin. Pendant ce temps, le nombre de personnes gravement blessĂ©es et nĂ©cessitant des soins mĂ©dicaux augmente, parallĂšlement au nombre de victimes. L’accĂšs aux centres de santĂ© est devenu difficile voire impossible dans certaines rĂ©gions en raison des violences, de la prĂ©sence de points de contrĂŽle, et de la pĂ©nurie de carburant. Les partisans de l’opposition font rarement confiance aux hĂŽpitaux publics, ayant peur d’ĂȘtre arrĂȘtĂ©s par la police ; de plus, de nombreux personnels de santĂ© ne se rendent plus Ă  leur travail. 

Des boulangeries prises pour cible

Alors que l’insĂ©curitĂ© alimentaire s’accroĂźt, les boulangeries sont visĂ©es, dĂ©clarent des groupes de dĂ©fense des droits de l’homme. Un bulletin du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) publiĂ© dĂ©but septembre, indique que des civils auraient Ă©tĂ© pris pour cible alors qu’ils achetaient de la nourriture et d’autres produits de nĂ©cessitĂ© ou qu’ils essayaient d’évacuer des blessĂ©s. Selon Human Rights Watch, les avions et l’artillerie syriens ont fait de nombreuses victimes lors de l’attaque aĂ©rienne d’une dizaine de boulangeries Ă  Alep au cours des derniĂšres semaines. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, l’insĂ©curitĂ© alimentaire en Syrie s’est aggravĂ©e au point que trois millions de personnes ont dĂ©sormais besoin d’aide alimentaire, selon les Nations Unies et le gouvernement syrien. 

L’hiver approche

La situation humanitaire risque de se dĂ©tĂ©riorer davantage Ă  l’approche de l’hiver. Les hivers syriens peuvent apporter des tempĂ©ratures prĂšs de zĂ©ro et des vents froids ; les travailleurs humanitaires craignent que les dĂ©placĂ©s connaissent des difficultĂ©s cet hiver s’ils ne reçoivent pas une prĂ©paration adĂ©quate. Cependant, en raison du manque de ressources et des nouvelles vagues de violence, bon nombre d’agences humanitaires n’ont pas les moyens de prĂ©parer l’arrivĂ©e du froid. « L’hiver pourrait ĂȘtre assez sĂ©vĂšre en Syrie », a dit Ă  IRIN Radhouane Nouicer, coordinateur rĂ©gional humanitaire des Nations Unies. « En raison de la crise du fioul, du manque d’hygiĂšne, d’eau et de systĂšmes de chauffage, l’hiver pourrait malheureusement tourner Ă  la tragĂ©die pour bon nombre de Syriens ». 

Un chÎmage en forte hausse 

Dans certaines rĂ©gions du pays, le taux de chĂŽmage a plus que quadruplĂ©, selon les statistiques fournies par le gouvernement en dĂ©cembre dernier. Il est passĂ© de 9 pour cent en 2010 Ă  15 pour cent en 2011. Le nord-est du pays a Ă©tĂ© particuliĂšrement touchĂ© : dans le gouvernorat d’Ar-Raqqah, le taux de chĂŽmage est passĂ© de 7 pour cent Ă  22 pour cent, soit une augmentation de 222 pour cent ; Ă  Hassakah, il est passĂ© de 15 pour cent Ă  39 pour cent ; Ă  Deir-ez-Zor, de 13 Ă  24 pour cent ; et Ă  Homs, de 7 Ă  17 pour cent. Les travailleurs humanitaires indiquent que les chiffres du chĂŽmage devraient augmenter en raison des sanctions Ă©conomiques et des violences qui secouent le pays quotidiennement. 

Un manque de financement dans les secteurs clés

Si le financement de la rĂ©ponse humanitaire est globalement faible, certains secteurs ont Ă©tĂ© quasiment oubliĂ©s. Ainsi, les coĂ»ts de coordination ont Ă©tĂ© financĂ©s Ă  plus de 100 pour cent, mais les coĂ»ts des produits alimentaires n’ont Ă©tĂ© financĂ©s qu’à 50 pour cent environ ; seuls 12 pour cent des fonds demandĂ©s pour les coĂ»ts liĂ©s Ă  l’eau et Ă  l’hygiĂšne ont Ă©tĂ© versĂ©s. « Il y a une grande inquiĂ©tude [au sein des Nations Unies] concernant les problĂšmes que le manque d’eau propre ou potable pourraient provoquer », a dit Ă  IRIN Paul Stromberg, reprĂ©sentant adjoint du Haut Commissariat des Nations Unies en Syrie, au mois de juillet. « [L’étĂ©], dans beaucoup de rĂ©gions, il fait entre 37 et 40 degrĂ©s. Si les gens ne peuvent pas se laver et qu’il n’y a pas d’installations sanitaires, de nombreux problĂšmes risquent d’apparaĂźtre dans ce climat ». Des cas de gale et de poux ont Ă©tĂ© signalĂ©s Ă  Alep, et des cas de diarrhĂ©es ont Ă©tĂ© signalĂ©s Ă  Homs et dans les faubourgs ruraux de Damas. 

Une augmentation de la criminalité

Alors que les violences et le chaos gagnent l’ensemble du pays, on note une augmentation des enlĂšvements Ă  des fins d’extorsion. Les enlĂšvements pour des motifs religieux et politiques ont Ă©tĂ© dĂ©jĂ  bien documentĂ©s, mais selon les habitants de plusieurs villes syriennes, les enlĂšvements sont de plus en plus souvent effectuĂ©s pour obtenir une rançon ou pour assouvir une vengeance personnelle ; les actes criminels commis pour obtenir de l’argent se multiplient dans les rĂ©gions oĂč l’ordre n’est pas respectĂ©. Souvent, les enlĂšvements sont motivĂ©s par des raisons financiĂšres, politiques ou privĂ©es. « En ce moment, personne n’est Ă  l’abri d’un enlĂšvement », a dit Ă  IRIN Rami, un habitant de Damas. 

Les réfugiés non-arabes 

Depuis plusieurs annĂ©es, la Syrie accueille plus d’un million de rĂ©fugiĂ©s irakiens et un demi-million de rĂ©fugiĂ©s palestiniens. Mais, fait moins connu, le pays accueille Ă©galement des milliers de rĂ©fugiĂ©s non-arabes. À Damas, des rĂ©fugiĂ©s originaires d’Afghanistan, du Soudan et de la Somalie hĂ©bergĂ©s dans des Ă©coles ont Ă©tĂ© priĂ©s de partir et de s’installer dans d’autres lieux d’ici Ă  la fin du mois d’aoĂ»t, selon le HCR. Ces rĂ©fugiĂ©s disposent de ressources limitĂ©es pour trouver un autre logement et sont particuliĂšrement vulnĂ©rables, bien que le HCR ait versĂ© des fonds pour louer des logements. 

Moins de lieux de refuge

La dĂ©tĂ©rioration des conditions de vie et la recrudescence de la violence en Syrie compliquent les recherches de logement descivils dĂ©placĂ©s. De plus en plus de villages sont dĂ©sertĂ©s ou dĂ©truits ; il y a de moins en moins de place dans les bĂątiments publics et les communautĂ©s hĂŽtes ont une capacitĂ© rĂ©duite pour accueillir les dĂ©placĂ©s. Les activistes syriens accusent Ă©galement le gouvernement d’effectuer des destructions punitives ou de brĂ»ler des logements. À mesure que les fronts se multiplient, les dĂ©placements deviennent plus chaotiques : les familles sont souvent obligĂ©es de fuir les violences pour la deuxiĂšme ou troisiĂšme fois, et sont en compĂ©tition les uns avec les autres pour trouver des abris.

Les enlÚvements de réfugiés irakiens 

L’instabilitĂ© qui rĂšgne en Syrie a permis aux Irakiens de rĂ©gler de vieux comptes avec d’autres citoyens irakiens installĂ©s en Syrie. Une sĂ©rie d’enlĂšvements a Ă©tĂ© signalĂ©e au cours de ces derniers mois, selon un responsable du HCR, particuliĂšrement dans le district rural de Sayeda Zeinab  prĂšs de Damas, une zone oĂč se concentrent les rĂ©fugiĂ©s irakiens. 

Sources :
Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies en Syrie
Organisation mondiale de la santé (OMS) 
Discours du Vice-Secrétaire général des Nations Unies Jan Eliasson devant le Conseil de sécurité le 30 août
Interview du Coordinateur régional humanitaire des Nations Unies en Syrie Radhouane Nouicer par IRIN
Human Rights Watch
Bureau central des statistiques
Service de suivi financier des Nations Unies
International Crisis Group

pdf: http://www.irinnews.org/fr/Report/96295/SYRIE-Dix-dimensions-de-la-crise...

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