Soudan/Tchad: protection des civils contre les attaques transfrontaliĂšres

Summary: DĂ©claration conjointe d’Amnesty International, de Human Rights Watch, de la Commission internationale de juristes et de l’Association pour la prĂ©vention de la torture.

[BRUXELLES, 29 juin 2006] - Alors que les chefs d’État de l’Union africaine sont rĂ©unis Ă  Banjul (Gambie) et que le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies envisage le dĂ©ploiement d’une force de maintien de la paix au Darfour, Amnesty International a appelĂ© aujourd’hui la communautĂ© internationale Ă  lancer une action urgente destinĂ©e Ă  protĂ©ger les populations civiles de l’est du Tchad contre les attaques transfrontaliĂšres menĂ©es depuis le Soudan.

« L’Union africaine et les Nations unies ont ici une occasion unique d’apporter une rĂ©ponse coordonnĂ©e et efficace Ă  la crise des droits humains qui sĂ©vit depuis si longtemps au Darfour. Cette crise s’étend dĂ©sormais au Tchad et pourrait dĂ©stabiliser l’ensemble de la rĂ©gion. », a dĂ©clarĂ© Irene Khan, secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale d’Amnesty International.

« Le gouvernement tchadien doit remplir son devoir de protection vis-Ă -vis de la population civile, et solliciter l’assistance d’une force internationale si nĂ©cessaire. »

Amnesty International a Ă©mis cet appel parallĂšlement au lancement d’un reportage vidĂ©o rĂ©vĂ©lant les destructions et les meurtres commis le long de la frontiĂšre du Tchad avec le Soudan, et d’un rapport analysant diffĂ©rentes atteintes aux droits humains dans la rĂ©gion. Ce rapport souligne Ă©galement que les autoritĂ©s tchadiennes et soudanaises n’assument pas leurs responsabilitĂ©s face Ă  la crise.

« De fait, le gouvernement tchadien a renoncĂ© Ă  son devoir de protection envers les personnes vivant prĂšs de la frontiĂšre avec le Soudan. Il a abandonnĂ© ces populations aux attaques des Janjawids et Ă  l’exploitation des groupes armĂ©s soudanais opĂ©rant dans l’est du Tchad. »

« Le gouvernement soudanais laisse les milices janjawids attaquer les civils tchadiens, de l’autre cĂŽtĂ© de la frontiĂšre, en toute impunitĂ©. Les milices tuent, pillent et dĂ©peuplent les terres situĂ©es le long de cette frontiĂšre. » « Les Janjawids ciblent des populations pratiquement sans dĂ©fense, et les gouvernements du Soudan ou du Tchad ne s’interposent pas. La communautĂ© internationale doit agir immĂ©diatement et efficacement, avant que la situation ne se dĂ©grade davantage. »

« Le sommet de l’Union africaine, qui se tient cette semaine, doit envoyer un signal clair au Soudan : ce pays ne continuera pas Ă  bloquer le dĂ©ploiement d’une opĂ©ration de maintien de la paix des Nations unies sans en subir les consĂ©quences. L’Union africaine doit Ă©laborer un programme d’action clair visant Ă  faire pression sur le gouvernement soudanais. Un tel programme pourrait prĂ©voir des sanctions, et Ă©galement suspendre la dĂ©cision autorisant le Soudan Ă  prĂ©sider l’Union africaine en 2007. »

Le Conseil de sĂ©curitĂ© Ă©tudiera cette semaine les conclusions d’une mission d’évaluation des Nations unies concernant une opĂ©ration de maintien de la paix au Darfour.

« La crise qui se dĂ©veloppe au Tchad indique que le temps presse. Les membres du Conseil doivent afficher une plus grande fermetĂ© envers le gouvernement soudanais, afin que celui-ci accepte l’intervention d’une mission de maintien de la paix au Darfour. Le mandat de cette mission comprendra la protection des populations et la capacitĂ© d’empĂȘcher les incursions transfrontaliĂšres. »

« La tragĂ©die qui frappe l’est du Tchad est une consĂ©quence directe du conflit du Darfour. De ce fait, la communautĂ© internationale se doit d’apporter une rĂ©ponse Ă  la crise humanitaire et Ă  la crise des droits humains affectant les deux cĂŽtĂ©s de la frontiĂšre.» « Le Conseil de sĂ©curitĂ© ne doit pas seulement se montrer dĂ©terminĂ© Ă  pallier l’absence de protection des populations dans l’est du Tchad. Il doit s’y employer sans dĂ©lai et ne pas attendre une rĂ©action du gouvernement soudanais concernant le Darfour. Les civils vivant dans l’est du Tchad ont dĂ©sespĂ©rĂ©ment besoin de protection. Ils ne doivent pas ĂȘtre assujettis au rythme des nĂ©gociations avec Khartoum.»« Si le vide politique et l’absence de protection persistent dans l’est du Tchad, une dĂ©gradation gĂ©nĂ©rale de la situation est Ă  craindre », a ajoutĂ© Irene Khan.

Depuis septembre 2005, les attaques menĂ©es par les Janjawids dans cette partie du Tchad ont provoquĂ© le dĂ©placement de 50 000 Ă  75 000 personnes, qui se sont rĂ©fugiĂ©es Ă  l’intĂ©rieur des terres. Environ 15 000 d’entre elles, sans autre voie pour fuir, se sont retrouvĂ©es au Darfour. N’ayant que peu ou pas d’accĂšs Ă  l’aide humanitaire, et recherchant dĂ©sespĂ©rĂ©ment une protection, les personnes dĂ©placĂ©es peuvent alors ĂȘtre enrĂŽlĂ©es par les groupes armĂ©s du Darfour basĂ©s dans l’est du Tchad.

Le rapport indique Ă©galement qu’une coordination semble s’amorcer entre les Janjawids et les groupes armĂ©s tchadiens opĂ©rant au Darfour. Tandis que ces derniers lancent des attaques contre l’armĂ©e tchadienne d’un cĂŽtĂ© de la frontiĂšre, les Janjawids s’en prennent aux populations civiles de l’autre cĂŽtĂ©. Ils ciblent spĂ©cifiquement les tribus qui ne se sont pas alliĂ©es aux rebelles tchadiens.

Les attaques des Janjawids ont dĂ©libĂ©rĂ©ment cherchĂ© Ă  diviser les populations. Elles ont Ă©tĂ© dirigĂ©es contre les groupes les plus importants et les plus riches. Dans le mĂȘme temps, des tribus de moindre importance ont fait alliance avec ces milices. En juin 2006, des chefs locaux de l’est du Tchad ont dĂ©clarĂ© aux chercheurs d’Amnesty International qu’ils tentaient dĂ©sespĂ©rĂ©ment d’acquĂ©rir des armes pour se dĂ©fendre contre les attaques. S’ils en obtiennent, les violences risquent de s’aggraver avec l’intensification des affrontements intercommunautaires.

Amnesty International a émis un certain nombre de recommandations, parmi lesquelles :

- le gouvernement tchadien doit protĂ©ger les populations civiles des zones affectĂ©es et solliciter au besoin l’assistance d’une force internationale afin de renforcer la sĂ©curitĂ© dans les endroits oĂč les rĂ©fugiĂ©s, les personnes dĂ©placĂ©es et d’autres civils risquent de subir des attaques ;
- les Nations unies et l’Union africaine doivent exercer des pressions sur le gouvernement soudanais, afin que ce dernier accepte le dĂ©ploiement d’une opĂ©ration de maintien de la paix, et prenne des mesures pour empĂȘcher les attaques transfrontaliĂšres des Janjawids ;
- les Nations unies doivent dĂ©ployer une opĂ©ration de maintien de la paix au Darfour. Cette mission doit ĂȘtre dotĂ©e d’un mandat lui permettant de protĂ©ger efficacement les populations. Par ailleurs, les Nations unies doivent Ă©tudier les moyens permettant d’assurer la sĂ©curitĂ© des civils du cĂŽtĂ© tchadien de la frontiĂšre, en collaboration avec les autoritĂ©s tchadiennes ;
- la communautĂ© internationale doit fournir le soutien politique, financier et logistique nĂ©cessaire Ă  la mission de l’Union africaine au Darfour, afin de renforcer sa capacitĂ© de protection des civils ;
- les Nations unies doivent mettre en place une commission d’enquĂȘte sur les attaques menĂ©es contre les civils dans l’est du Tchad, et en rendre publiques les conclusions et les recommandations ;
- les gouvernements du Soudan et du Tchad doivent coopĂ©rer pleinement avec la Cour pĂ©nale internationale, afin que les responsables des crimes de guerre et des crimes contre l’humanitĂ© commis au Darfour et au Tchad soient traduits en justice, et que les victimes obtiennent rĂ©paration.

« Ce qui se passe au Tchad rappelle les premiers temps du conflit du Darfour. Nous constatons des atteintes aux droits humains identiques, commises par les mĂȘmes auteurs », a dĂ©clarĂ© Irene Khan.

« Les graines des violences du Darfour ont Ă©tĂ© semĂ©es dans l’est du Tchad. Faute d’action urgente et cohĂ©rente aux deux cĂŽtĂ©s de la frontiĂšre, la communautĂ© internationale s’expose Ă  une sanglante rĂ©colte. »


Informations supplémentaires

pdf: http://www.amnestyinternational.be/doc/article.php3?id_article=8333

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