SOUDAN: La question de la citoyenneté demeure non résolue

Summary: Les services essentiels restent extrĂȘmement limitĂ©s dans le Sud, c’est pourquoi de nombreux rapatriĂ©s souhaiteraient que leurs enfants continuent d’aller Ă  l’école dans le Nord et aimeraient continuer de se faire soigner dans le Nord.

(KHARTOUM, 16 mars 2011) - A moins de quatre mois de la division prĂ©vue du Soudan en deux Etats souverains, aucune dĂ©cision n’a encore Ă©tĂ© prise concernant le futur statut de plus d’un million de personnes d’origine sud-soudanaise rĂ©sidant dans le Nord et d’un plus petit nombre de nordistes vivant dans le Sud.

Le 13 mars, le parti au pouvoir au Sud-Soudan a suspendu les nĂ©gociations avec le Nord sur tout un Ă©ventail de dispositions post-sĂ©cession, notamment le droit de citoyennetĂ©. Le Mouvement populaire de libĂ©ration du Soudan (SPLM) accuse le gouvernement du Nord de former et d’armer des milices en vue de dĂ©stabiliser le Sud et mĂȘme de renverser le gouvernement SPLM Ă  Juba.

« Il n’y a pas encore d’accord finalisĂ© entre les deux gouvernements, bien que les deux parties aient fait des dĂ©clarations assurant qu’elles chercheraient toutes deux Ă  Ă©viter l’apatridie », a indiquĂ© Bilqees Esmail, responsable de la protection chargĂ© de la citoyennetĂ© au Haut Commissariat des Nations Unies pour les rĂ©fugiĂ©s (HCR).

« Sur ce point, les communications officielles Ă  l’attention des communautĂ©s locales sont limitĂ©es, si bien que les gens continuent de prendre la dĂ©cision soit de rester dans le Nord, soit de partir, sans connaĂźtre tous les faits ».

Au cours du rĂ©fĂ©rendum du 9 janvier, les Sud-Soudanais ont votĂ© presque Ă  l’unanimitĂ© en faveur de la sĂ©cession, exerçant un droit inscrit dans le traitĂ© de paix de 2005, qui avait mis fin Ă  plusieurs dĂ©cennies de guerre civile. Ce conflit avait provoquĂ© le dĂ©placement de vastes populations originaires du Sud.

« Un certain nombre de facteurs incitent de nombreux habitants Ă  retourner dans le Sud, notamment l’incertitude quant Ă  la citoyennetĂ©, le droit du travail, les droits de propriĂ©tĂ© et la crainte qu’ils ne risquent de rater la distribution des terres en cours dans le Sud », a ajoutĂ© Mme. Esmail.

Pendant la période référendaire, cette incertitude a été alimentée par certains hauts fonctionnaires qui déclaraient que, dans le cas de sécession, les sudistes au nord ne bénéficieront de presque aucun droit.

Environ 250 000 sudistes ont quittĂ© le Nord ces derniers mois, mais bon nombre devraient rester sur place aprĂšs la crĂ©ation de la RĂ©publique du Sud Soudan, le 9 juillet (Ă  l’heure actuelle, le territoire autonome est officiellement dĂ©signĂ© sous le nom de Sud-Soudan).

Liens familiaux

James, 23 ans, cireur de chaussures Ă  Khartoum, s’inquiĂšte pour son avenir ; la plupart de ses amis et voisins sont dĂ©jĂ  partis. Lui ne parvient pas Ă  se dĂ©cider Ă  quitter la ville oĂč il se sent chez lui depuis prĂšs de 20 ans pour retourner dans sa ville natale, Ă  laquelle il n’est guĂšre attachĂ©, dans l’Etat d’Equatoria-Central, dans le sud.

« Ma vie est ici, c’est ici que je me sens chez moi ; j’ai entendu dire que les gens originaires du Sud pourraient ĂȘtre expulsĂ©s aprĂšs la sĂ©cession », a-t-il dit Ă  IRIN. « Je m’inquiĂšte : je ne connais personne lĂ -bas et j’ai entendu dire que la vie Ă©tait difficile dans le Sud ».

Selon les associations de dĂ©fense des droits humains, Khartoum devrait accorder la citoyennetĂ© en fonction des attaches des habitants dans le Nord (par exemple, s’ils sont nĂ©s dans le Nord, en fonction du temps qu’ils y ont vĂ©cu et de leurs liens familiaux), plutĂŽt que de leur appartenance ethnique.

« Le HCR veut avant tout s’assurer que personne ne soit apatride ; les deux pays doivent dĂ©cider comment ils vont collaborer sur la question de la citoyennetĂ© afin que tout le monde au Soudan ait une nationalitĂ© aprĂšs le 9 juillet », a dit Mme. Esmail.

Une fois qu’une dĂ©cision aura Ă©tĂ© prise sur la question de la citoyennetĂ©, le Nord et le Sud devront tous deux rĂ©gler la question des piĂšces d’identitĂ©. Au Soudan, en effet, selon une enquĂȘte rĂ©alisĂ©e auprĂšs des mĂ©nages en 2006, Ă  peine 33 pour cent des naissances sont dĂ©clarĂ©es, ce qui risque de s’avĂ©rer problĂ©matique, les actes de naissance pouvant ĂȘtre essentiels pour obtenir la nationalitĂ©.

« Il sera important de mettre en place des procĂ©dures permettant aux individus de confirmer leur nationalitĂ© si leur statut est incertain - c’est le cas, par exemple, des nombreuses personnes d’ascendance mixte Nord-Sud, des personnes qui vivent dans les rĂ©gions frontaliĂšres, des orphelins, etc. », a indiquĂ© Mme. Esmail.

Quant Ă  la double nationalitĂ©, si aucune dĂ©cision n’a Ă©tĂ© prise Ă  ce sujet, le prĂ©sident Omar el-Bashir, dont les propos ont Ă©tĂ© rapportĂ©s dans les mĂ©dias en janvier, aurait dĂ©clarĂ© qu’elle Ă©tait exclue.

Liberté de circulation

Les Sudistes s’inquiĂštent de savoir s’ils pourront continuer Ă  travailler dans le Nord, un point fondamental ; nombre d’entre eux ont en effet Ă©migrĂ© pour des raisons Ă©conomiques et craignent que l’économie du Sud n’ait pas la capacitĂ© d’absorber l’ensemble des rapatriĂ©s. Des milliers de sudistes travaillent dans la fonction publique ou dans l’armĂ©e au Soudan, et l’on ignore encore quelle sera leur situation aprĂšs la sĂ©cession.

En outre, les services essentiels restent extrĂȘmement limitĂ©s dans le Sud, c’est pourquoi de nombreux rapatriĂ©s souhaiteraient que leurs enfants continuent d’aller Ă  l’école dans le Nord et aimeraient continuer de se faire soigner dans le Nord. Selon les travailleurs humanitaires, un certain nombre de sudistes ont dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  retourner dans le Nord, faute de travail et de services essentiels dans le Sud.

« Il sera important que les sudistes puissent continuer de travailler dans le Nord ; la vie risque d’ĂȘtre difficile dans le Sud », a indiquĂ© Mark Cutts, du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires. « Outre la question de la citoyennetĂ©, la question de la libertĂ© de circulation sera importante une fois que le Sud sera indĂ©pendant ».

A cet Ă©gard, certaines populations posent des problĂšmes particuliers, notamment les populations des zones frontaliĂšres et les Ă©leveurs nomades qui migrent entre le Nord et le Sud en quĂȘte d’eau et de pĂąturages. Les nomades et les Ă©leveurs reprĂ©sentent environ 11 pour cent de la population soudanaise, selon le HCR ; d’aprĂšs l’organisme, la principale difficultĂ© consistera Ă  « protĂ©ger les droits individuels, les itinĂ©raires de migration traditionnels et les moyens de subsistance ».

pdf: http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportID=92206

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