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Summary: Dans des villages à travers le Soudan du Sud, des enfants sont enlevés dans leurs maisons au milieu de la nuit, et ne reverront plus jamais leurs familles.
[Le 24 septembre 2011] - Certains sont utilisĂ©s comme soldats par leurs ravisseurs dans des guerres du bĂ©tail avec des communautĂ©s rivales, tandis que d'autres sont vendus Ă des familles sans enfants. Et il y a peu de choses que ce pays nouvellement indĂ©pendant a pu faire pour protĂ©ger ces enfants. "Je prĂ©parais le dĂźner pour ma famille. J'Ă©tais seule avec mes enfants, qui ont tous moins de 12 ans. Leur pĂšre vit en ville (Juba) comme le font bon nombre dâhommes sud-soudanais qui ont abandonnĂ© le village pour la vie citadine. Jâai fait assoir mon enfant de deux ans sur le sol de notre maison, mais dĂšs que j'ai tournĂ© le dos, un homme lâa attrapĂ© et a tentĂ© de s'enfuir avec lui", dĂ©clare Maria Lokolong, originaire de Torit, dans lâEtat d'Equatoria oriental. Instinctivement, Lokolong sâest accrochĂ©e Ă son petit garçon pendant que l'homme la poignardait Ă plusieurs reprises. Mais elle nâa pas lĂąchĂ©. Ses voisins ont rĂ©pondu Ă son cri sollicitant de l'aide et l'intrus sâest enfui. "Cela est particuliĂšrement frĂ©quent dans l'Etat d'Equatoria oriental. Dans la soirĂ©e, lorsque les femmes prĂ©parent le dĂźner et que leur attention est divisĂ©e, il est trĂšs probable quâun intrus attaque pendant ce temps. Souvent, ils prĂ©fĂšrent les bĂ©bĂ©s", indique Naomi Bona, un membre de la 'Sudanese Women Union' (Union des femmes soudanaises) dans l'Etat d'Equatoria oriental, une organisation de dĂ©fense des droits des femmes. Si Lokolong n'avait pas Ă©tĂ© si brave, elle aurait pu perdre son bĂ©bĂ© Ă jamais. "Parmi les tribus qui ont des rituels tels que des cicatrices au visage, une fois quâun enfant enlevĂ© subit ce rituel, il ne peut jamais ĂȘtre retrouvĂ© et lui non plus ne saura jamais d'oĂč il est venu", explique Richard Lugor, un membre du parti au pouvoir, le Mouvement de libĂ©ration du peuple du Soudan. Les enfants sont Ă©galement souvent enlevĂ©s lors des vols de bĂ©tail. Des affrontements interethniques pour le bĂ©tail ont longtemps prĂ©valu au Soudan du Sud parce que ĂȘtre propriĂ©taire de plusieurs bovins est un signe de richesse. Mais durant ces vols, les femmes et les enfants sont souvent les victimes. Des femmes sont violĂ©es et des enfants sont enlevĂ©s. "Bien que la communautĂ© des Murle (le plus grand groupe ethnique dans le pays) ait longtemps Ă©tĂ© tristement cĂ©lĂšbre dans lâenlĂšvement d'enfants au cours des vols de bovins, les communautĂ©s des Nuer et des Dinka utilisent Ă©galement l'enlĂšvement d'enfants dans le cadre de leur assaut lors des vols de bĂ©tail contre les Murle", affirme Lugor. Lugor indique que les enfants enlevĂ©s sont utilisĂ©s comme soldats dans des situations de conflit. "Les enfants sont Ă©galement placĂ©s en premiĂšre ligne des conflits; ils sont rarement au second rang face Ă une attaque; ils n'ont pas dâĂ©pouses et dâenfants Ă la maison Ă qui penser, contrairement aux soldats adultes", explique Lugor. Il ajoute que la communautĂ© des Murle est Ă©galement connue pour la vente d'enfants enlevĂ©s aux familles sans enfants. Mais il semble que le gouvernement ne soit pas capable de faire beaucoup pour protĂ©ger ces enfants. "L'enlĂšvement d'enfants est mal signalĂ© au Soudan du Sud, dâoĂč l'absence d'une rĂ©ponse concrĂšte du gouvernement. Toutefois, il nây a pas de solutions faciles tant que les tribus, en particulier celles dans l'Etat de Jonglei, nâapprennent pas Ă coexister. Jusque-lĂ , davantage d'enfants risquent dâĂȘtre sĂ©parĂ©s de leurs familles pour toujours", souligne John Lochio, une experte de la paix et des conflits au Soudan du Sud. Etudiant en relations internationales, Lochio a Ă©tĂ© impliquĂ© dans la restauration de la paix au niveau communautaire. Cependant, le gouvernement nie cette situation. Adeng Leek, une dĂ©putĂ©e de l'Etat de Jonglei, oĂč des vols de bĂ©tail sont frĂ©quents, affirme que le gouvernement est en train de rĂ©duire le nombre de conflits. "Le gouvernement est efficace dans l'envoi des forces de sĂ©curitĂ© pour calmer les tribus belligĂ©rantes. Cela a empĂȘchĂ© les violences de dĂ©gĂ©nĂ©rer encore plus. Nous sensibilisons Ă©galement la communautĂ© Ă changer sa perception selon laquelle avoir beaucoup de troupeaux de bovins est un signe de richesse. Cela permettra de rĂ©duire les incidences de vol de bĂ©tail et de rĂ©duire les conflits entre les tribus Ă Jonglei", dit-elle. Toutefois, au cours des affrontements pour le bĂ©tail dans l'Etat de Jonglei, en aoĂ»t, l'armĂ©e du pays, lâArmĂ©e de libĂ©ration du peuple du Soudan, nâest pas intervenue, Ă©voquant un manque de capacitĂ©. Dans cet incident, 640 personnes ont Ă©tĂ© tuĂ©es, 761 blessĂ©es, 38.000 bovins ont Ă©tĂ© volĂ©s et 8.924 maisons ont Ă©tĂ© brĂ»lĂ©es. Et, la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud estime que 258 enfants ont Ă©tĂ© enlevĂ©s. Le Soudan du Sud a menĂ© une guerre civile de 21 ans avec le Soudan pour l'indĂ©pendance. Mais ce carnage est loin d'ĂȘtre terminĂ© au Soudan du Sud. La rĂ©gularitĂ© avec laquelle des conflits Ă©clatent dans plusieurs parties de cette nouvelle RĂ©publique est accablante. Selon l'ONU, depuis janvier, il y a eu plus de 330 incidents violents Ă travers le Soudan du Sud, entraĂźnant la mort d'au moins 3.000 personnes. Ce conflit est largement attribuĂ© au vol de bĂ©tail et aux interruptions dans lâexercice de dĂ©sarmement.
pdf: http://www.crin.org/docs/nal.org/fr/_note.asp?idnews=6705