SOMALIE: Se battre pour éduquer les enfants

MOGADISCIO, 2 juil (IPS) - "J'aime étudier, même si on se bat partout à Mogadiscio", déclare Bashir Gedi, un adolescent âgé de 15 ans, qui vit dans la capitale somalienne. "L'éducation est le plus important pour moi, parce que si je reçois une éducation, je pourrai aider à reconstruire mon pays".

La Somalie n'a plus de gouvernement central depuis bientôt deux décennies. La plupart des institutions étatiques font défaut dans ce pays de la Corne de l'Afrique, et le système scolaire n'a pas été épargné par l'effondrement de l'Etat. Dans le nord-est et le nord-ouest du pays, une zone qui connaît une relative stabilité, les établissements scolaires fonctionnent encore normalement, mais dans les régions centrales et dans le sud, le système éducatif a périclité.

Selon l'ONU, deux millions d'habitants ont fui Mogadiscio depuis février 2007, lorsque les forces gouvernementales somaliennes, soutenues par l'armée éthiopienne, ont mis en déroute les troupes des Tribunaux islamistes qui contrôlaient jusqu'alors la majeure partie du centre et du sud de la Somalie, dont la capitale, mettant ainsi fin à un conflit qui a fait près de 12.500 victimes, principalement des civils, et 25.000 blessés.

Dans le sud du pays, la plupart des écoles avaient été désertées ou transformées en bases militaires utilisées par les troupes gouvernementales ou éthiopiennes. Celles-ci ont également, à plusieurs reprises, rasé des établissements scolaires situés dans la capitale, car elles les accusaient d'être des madrasas (des écoles coraniques) qui formaient et encourageaient de futurs insurgés islamistes.

Dans le district Wardigley, situé dans la capitale, l'école primaire Al-Khaliil a fréquemment été la cible d'interventions, de harcèlement ou d'arrestations de professeurs depuis un an et demi, explique son directeur Abdurrahman Hussein. "Dans certains quartiers, les écoles sont soupçonnées de former des terroristes, ce qui est loin de la vérité", dit-il. "Nous partageons les mêmes difficultés. Nous vivons et nous travaillons dans une zone de combats, mais en plus, nous sommes considérés comme une cible facile lorsque quelque chose arrive".

Mohamed Gashan, qui enseigne à des élèves du supérieur, a passé une semaine en détention après avoir été arrêté par les forces de sécurité somaliennes, qui le soupçonnaient de lien avec les insurgés islamistes, mais il a été relâché faute de preuve. "Ils m'ont maltraité, m'ont forcé à me coucher sur le sol et m'ont bandé les yeux pour m'emmener dans un camion", raconte-t-il.

Les écoles sont souvent des cibles

"Un jour, les forces somaliennes sont entrées dans l'école alors que nous étions en train de faire passer les examens de fin d'année", indique Abdinasir Abdullahi, qui enseigne à l'école Iqra Annamudajiah à Mogadiscio. "Les soldats ont fouillé les enfants, les professeurs et tout l'établissement à la recherche d'armes. L'expérience nous a terrorisés". Le fait qu'aucun lien n'ait pu être établi entre l'école et des groupes d'insurgés n'a cependant pas épargné l'établissement d'autres interventions de ce genre.

En juin dernier, une bombe a été lancée le long d'une route à proximité d'une école de Mogadiscio, tuant un policier et cinq autres personnes, dont deux enfants qui fréquentaient l'établissement. Peu après l'explosion, les forces du gouvernement somalien de transition sont entrées dans les classes. Les soldats ont forcé les élèves et les enseignants à quitter l'établissement et ont mis le feu à une partie du bâtiment.

"Nous continuons à donner des cours même au milieu des coups de feu autour de l'école, parce que nous ne voulons pas nous laisser effrayer par l'ignorance et l'obscurantisme et nous écarter de la connaissance et de la lumière", souligne Abdullahi. Cette détermination des professeurs guide également les parents et les enfants qui poursuivent leur désir d'éducation, même dans les pires conditions. Malgré les difficultés, les communautés locales participent aux efforts de reconstruction des écoles, afin de pouvoir y envoyer leurs enfants.

Dans la ville d'El Bur (centre du pays), par exemple, les chefs des communautés récoltent de l'argent pour les rénovations et font également appel à la diaspora somalienne pour les aider à remettre les écoles en état. Les adultes les plus éduqués se sont portés volontaires pour enseigner leurs savoirs aux enfants.

Plusieurs projets, à petite échelle, se sont également mis en place dans la capitale, y compris dans les camps de déplacés autour de la ville. De nombreux enseignants sont des volontaires qui exercent un autre métier à côté de leur tâche d'éducateur. "Nous pensons que c'est indispensable pour nos enfants qu'ils aient une éducation, quel que soit le risque", explique Farah Nur, qui est père d'un garçon de sept ans. (FIN/2008)

 

Owner: Abdurrahman Warsameh pdf: http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=4132

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