SOMALIE : Le viol - le cÎté caché de la crise de la famine

Summary: Lorsque Aisha Diis* et ses cinq enfants ont fui leur maison dans la rĂ©gion ravagĂ©e par la famine en Somalie, en quĂȘte d’une aide, elle ne pouvait pas savoir les dangers de ce voyage, ou mĂȘme imaginer qu'elle serait violĂ©e en chemin.

*Un nom d’emprunt.

[8 October 2011] - Diis a quitté son village, Kismayo, au sud-ouest de la capitale somalienne, Mogadiscio, pour le camp de réfugiés de Dadaab, dans la province du Nord-Est au Kenya, en avril.

"J'Ă©tais dans un groupe de plusieurs femmes et d'enfants, mais quatre d'entre nous venaient du mĂȘme village, alors, nous nous sommes rattachĂ©es (les unes aux autres) comme une seule famille. Sur le chemin, nous nous sommes arrĂȘtĂ©es pour faire du thĂ© fort, puisque les enfants se sentaient trĂšs fatiguĂ©s et affamĂ©s. Une femme est restĂ©e derriĂšre avec les enfants et nous les trois sommes allĂ©es chercher du bois de chauffage", a expliquĂ© Diis Ă  IPS par le biais d’un interprĂšte.

"Nous avons été prises en embuscade par un groupe de cinq hommes qui nous ont déshabillées et nous ont violées à plusieurs reprises", a-t-elle indiqué pendant que des larmes coulaient sur ses joues. "C'est quelque chose que je n'ai pas pu oublier. Mais je ne voudrais pas que mes enfants le sachent".

Mais le traumatisme que Diis et les deux autres femmes ont dû subir n'est pas un incident isolé.

Pendant que des centaines de femmes et d’enfants fatiguĂ©s, faibles et mal nourris affluent tous les jours vers Dadaab depuis la Somalie touchĂ©e par la famine, le voyage, pour beaucoup de femmes, aurait Ă©tĂ© traumatisant.

FatiguĂ©es et couvertes de poussiĂšre, la plupart des femmes portent leurs bĂ©bĂ©s attachĂ©s au dos. Pour bon nombre, ce chargement prĂ©cieux est le seul bien qu’elles ont rĂ©ussi Ă  sauver de leurs maisons en Somalie. Cependant, certaines sont un peu plus chanceuses et arrivent avec leurs enfants et les quelques effets personnels qu'elles ont chargĂ©s sur des charrettes tirĂ©es par des Ăąnes.

Elles parlent rarement de ce qui leur est arrivé en chemin ici, quand elles arrivent.

Par contre, la plupart s’inscrivent en tant que rĂ©fugiĂ©es et subissent un examen mĂ©dical avec leurs enfants. Puis elles reçoivent une tente et l'Ă©quipement mĂ©nager de base.

Les tentes n'ont pas de portes qu’on peut verrouiller, ni de fenĂȘtres, ni de mobilier, pas mĂȘme un lit. Mais c’est tout de mĂȘme un endroit que les rĂ©fugiĂ©s peuvent appeler maison - pour l'instant, et peut-ĂȘtre pendant plusieurs annĂ©es Ă  venir. (Certains de ces rĂ©fugiĂ©s sont nĂ©s ici en 1991, lorsque le camp Ă©tait crĂ©Ă© pour la premiĂšre fois, et n'ont pas connu d'autres maisons).

Mais mĂȘme aprĂšs que les femmes se sont installĂ©es lĂ , beaucoup ne se prĂ©sentent pas pour parler des violences qu’elles ont subies sur leur chemin vers le camp.

"Les violences basées sur le genre constituent un cÎté caché de la crise de la famine", a déclaré Sinead Murray, chargée du programme sur les violences basées sur le genre (VBG) pour 'International Rescue Committee' (Comité international de secours - IRC) à Dadaab.

"Selon l'Ă©valuation rapide effectuĂ©e sur les VBG Ă  Dadaab, publiĂ©e par l'IRC en juillet, le viol et les violences sexuelles ont Ă©tĂ© mentionnĂ©s comme les inquiĂ©tudes les plus pressantes pour les femmes et les filles pendant qu'elles fuient la Somalie et comme courantes, quoiqu’une moindre prĂ©occupation, dans les camps", a soulignĂ© Murray Ă  IPS.

"Certaines femmes interrogĂ©es au cours de l’enquĂȘte (de l'IRC) ont dĂ©clarĂ© avoir vu des femmes et des jeunes filles en train d’ĂȘtre violĂ©es devant leurs maris et parents, sur insistance des agresseurs dĂ©crits comme 'des hommes armĂ©s'. D'autres ont Ă©tĂ© contraintes de se dĂ©shabiller, et dans ce cas, elles ont Ă©tĂ© victimes de viols collectifs", a indiquĂ© Murray.

Mais Diis et les deux femmes qui ont Ă©tĂ© violĂ©es avec elle sont quelques-unes des femmes somaliennes qui ont signalĂ© les violences auxquelles elles ont Ă©tĂ© soumises au cours de leur voyage vers Dadaab. Dans le cas de Diis, elle a Ă©tĂ© assez courageuse pour l’avoir fait parce qu'elle est veuve, et ne craint pas la rĂ©crimination de sa famille comme c’est le cas d’autres femmes.

"Je n'ai pas eu peur de divulguer mon cas au médecin parce que je n'avais pas de mari", a déclaré cette veuve dont le mari a été abattu en Somalie par des assaillants inconnus il y a sept mois.

"Beaucoup de femmes sont agressĂ©es sur leur chemin vers le camp des rĂ©fugiĂ©s par des hommes armĂ©s inconnus, notamment lorsqu’elles voyagent dans un groupe oĂč il n’y a pas d’hommes", a expliquĂ© Ann Burton, une chargĂ©e principale de la santĂ© publique au Haut commissariat des Nations Unies pour les rĂ©fugiĂ©s (HCR) Ă  Dadaab.

"Cependant, la plupart d'entre elles hĂ©sitent Ă  signaler ces cas puisqu’elles craignent que leurs familles les accuseront, les communautĂ©s les rejetteront ou simplement parce qu'elles ont honte d'en parler".

Diis a bénéficié de la prophylaxie post-exposition, un traitement anti-rétroviral à court terme utilisé pour réduire la probabilité d'infection par le VIH, aprÚs avoir signalé son viol.

"AprĂšs avoir signalĂ© mon cas, j'ai reçu quelques mĂ©dicaments, et j'ai Ă©tĂ© suivie pendant trois mois aprĂšs lesquels j'ai Ă©tĂ© informĂ©e que je n'avais pas contractĂ© le VIH. C’était l’une de mes plus grandes inquiĂ©tudes", a confiĂ© Diis. Elle a reçu aussi des conseils.

Les deux autres femmes, qui ont été violées avec Diis, ont reçu également des conseils et bénéficié de la prophylaxie post-exposition.

pdf: http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=6722

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