SIERRA LEONE: Tabou aux Ă©lections

[10 août 07] - PrÚs de 90 pour cent des jeunes filles et des femmes de Sierra Leone ont subi des mutilations génitales, selon Amnesty International. Celles-ci peuvent entraßner de graves complications gynécologiques ou urinaires, mais le sujet est resté tabou pendant la campagne électorale pour la présidentielle et les législatives.

La question des mutilations gĂ©nitales fĂ©minines (MGF), comme l’excision ou l’infibulation, a trĂšs peu Ă©tĂ© abordĂ©e par les candidats ou les candidates aux Ă©lections prĂ©sidentielles et lĂ©gislatives qui doivent se tenir ce samedi dans ce petit pays d’Afrique de l’ouest.

TrĂšs peu de femmes briguant un siĂšge au parlement, et qui ont peut-ĂȘtre Ă©tĂ© excisĂ©es, ont osĂ© aborder le sujet. Trop risquĂ© et dĂ©finitivement tabou.

En Sierra Leone, les MGF bĂ©nĂ©ficient d’un large soutien au sein des communautĂ©s, notamment auprĂšs des sociĂ©tĂ©s trĂšs fermĂ©es "Bondo", des cercles composĂ©s exclusivement de femmes chargĂ©es d’initier les jeunes filles.

"Je ne peux rien dire maintenant (contre les MGF) parce que j’ai besoin de leur soutien", a dĂ©clarĂ© Ă  IPS, Tinah Greene, candidate du ’Convention People’s Party’.

"Aucun candidat ne clamera haut et fort qu’il est contre les mutilations gĂ©nitales fĂ©minines, ce serait un suicide politique", explique Rodney Lowe, membre d’Amnesty International en Sierra Leone.

Durant la campagne pour la prĂ©sidentielle, seul un des sept partis en lice, le ’National Democratic Alliance’ (NDA) a osĂ© s’opposer Ă  cette pratique. Le groupe politique est d’ailleurs le seul Ă  prĂ©senter une femme comme candidate Ă  la vice-prĂ©sidence du pays.

L’excision (qui consiste en l’ablation du clitoris) ou l’infibulation (qui est une excision complĂ©tĂ©e par une ablation des grandes lĂšvres) sont pratiquĂ©es dans de nombreux pays d’Afrique. Elles sont considĂ©rĂ©es comme un rite d’initiation, comme une pratique requise par l’islam pour certaines communautĂ©s musulmanes, ou sont parfois pratiquĂ©es pour des motifs d’hygiĂšne.

'Fanatique'

"Dans certaines rĂ©gions, c’est presque devenu fanatique", estime cependant Rodney Lowe. "Avant, les filles Ă©taient en gĂ©nĂ©ral excisĂ©es vers l’ñge de 15 ans, mais nous savons qu’elle est pratiquĂ©e sur des fillettes de six ans".

La Sierra Leone a ratifiĂ© la Convention des Nations Unies contre l’élimination de toutes les formes de discrimination Ă  l’égard des femmes (CEDAW), ainsi que le Protocole de Maputo relatif Ă  la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, portant sur les droits des femmes en Afrique, qui appellent tous deux Ă  l’interdiction des mutilations gĂ©nitales fĂ©minines, mais aucune loi nationale n’interdit l’excision dans le pays.

En juin dernier, un texte relatif Ă  la protection des droits de l’enfant, prĂ©sentĂ© au parlement, incluait un chapitre qui aurait pu s’en prendre aux mutilations gĂ©nitales, mais le paragraphe a Ă©tĂ© enlevĂ© de la version dĂ©finitive adoptĂ©e par les dĂ©putĂ©s, car son interprĂ©tation portait Ă  confusion.

A Gorama Mende, dans la chefferie de Kenema, dans le sud-est du pays, une loi interdit cependant l’excision des jeunes filles avant l’ñge de 18 ans, mais son ambition initiale visait davantage Ă  rĂ©duire le nombre de grossesses prĂ©coces parmi les adolescentes qu’à interdire la pratique.

Parmi les 566 candidats aux lĂ©gislatives de samedi, 64 femmes figurent sur les listes. Seules quelques-unes ont osĂ© dĂ©fier la tradition en s’opposant aux mutilations gĂ©nitales fĂ©minines.

"Nous devons Ă©duquer la population, impliquer les citoyens et leur faire comprendre les dangers des Bondo", estime Zainab Karama, candidate pour le SLPP (Sierra Leone People’s Party), au pouvoir. "Pour mettre fin aux mutilations, il faut sensibiliser la population".

'Il faut predre le temps'

"Je suis totalement opposĂ©e Ă  l’excision, (mais) dans la sociĂ©tĂ© actuelle, les femmes croient en cette pratique, nous devons donc prendre notre temps", affirme, pour sa part, Luciana James, qui se prĂ©sente sur la liste du ’People’s Movement for Democratic Change’. Si elle est Ă©lue au parlement, dit-elle, cette politicienne s’engage Ă  sensibiliser les femmes aux complications que peut entraĂźner l’excision.

Pour les observateurs, les Ă©lections gĂ©nĂ©rales de samedi sont cruciales pour l’avenir de la Sierra Leone, car elles permettraient de tourner le dos Ă  dix annĂ©es d’une atroce guerre civile qui, de 1991 et 2001, a ravagĂ© le pays pour le contrĂŽle de ses ressources en diamants.

Further information

pdf: http://www.humanrights-geneva.info/article.php3?id_article=2062

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