SENEGAL La polĂ©mique continue sur l’interdiction de la mendicitĂ©

Summary:
DAKAR, 26 sep (IPS) - Dakar, la capitale sĂ©nĂ©galaise, a changĂ© de visage. Elle s’est vidĂ©e des mendiants qui occupaient toutes les grandes artĂšres, surtout le centre ville, les grands marchĂ©s et la place de l'IndĂ©pendance. Ce qui rend la circulation plus fluide.

«Actuellement, on passe moins de temps dans la circulation en centre ville contrairement aux pĂ©riodes prĂ©cĂ©dentes oĂč il nous arrivait d’avoir beaucoup de difficultĂ©s Ă  trouver un chemin Ă  cause des mendiants qui occupaient toutes les grandes chaussĂ©es de la ville», se rĂ©jouit Babacar Diagne, un chauffeur de taxi.

A l’origine de ce changement, l’entrĂ©e en vigueur le 26 aoĂ»t dernier de l’interdiction de la mendicitĂ© sur la voie publique au SĂ©nĂ©gal.

«Le SĂ©nĂ©gal est sous la menace de ses partenaires qui estiment qu’il ne lutte pas de façon efficace contre la traite des personnes alors que le SĂ©nĂ©gal a ratifiĂ© la Convention internationale contre la traite des personnes», a soutenu le Premier ministre sĂ©nĂ©galais, Souleymane NdĂ©nĂ© Ndiaye.

«La mendicitĂ© est organisĂ©e par des rĂ©seaux qui font mendier des jeunes et qui leur retournent l’argent qu’ils utilisent Ă  d’autres fins», a-t-il expliquĂ©.

«Cette mesure ne vise pas Ă  interdire la mendicitĂ© mais elle doit permettre aux talibĂ©s et mendiants de se regrouper dans les mosquĂ©es et Ă©glises oĂč ils pourront recevoir les dons et offrandes des gĂ©nĂ©reux bienfaiteurs», a rassurĂ© Ndiaye.

Pourtant, les hostilitĂ©s face Ă  cette loi ne se sont pas fait attendre. DĂšs le lendemain de la dĂ©cision, une trentaine de mendiants dont la plupart sont des nĂ©cessiteux ou des personnes vivant avec un handicap, ont pris d’assaut le centre ville de la capitale pour manifester leur colĂšre.

Selon Mor Thiobane, handicapĂ© visuel et porte-parole des manifestants «c’est une mesure ingrate et arbitraire qui les prive de leur seule source de revenus qu’est la mendicité».

Les maĂźtres d’écoles coraniques et certains chefs religieux, aussi bien Ă  Dakar que dans les rĂ©gions, se plaignent de n’avoir pas Ă©tĂ© associĂ©s Ă  la prise de dĂ©cision. «Il fallait prĂ©voir des mesures d’accompagnement notamment la construction de cantines dans les Ă©coles coraniques», reprochent-ils.

Certains plus radicaux comptent amener l’Etat Ă  abroger cette loi qu’ils qualifient de maçonnique. Des manifestations et des protestations se multiplient Ă  travers le pays. Une centaine de mendiants ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s par la police et sept maĂźtres coraniques ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă  six mois avec sursis, le 8 septembre.

Le résultat a été percutant. Depuis ce jour, les mendiants ont commencé à déserter les grandes artÚres de la capitale. La mendicité touche environ 7.600 enfants à Dakar dont prÚs de la moitié provient surtout des pays limitrophes du Sénégal, révÚle un rapport du bureau de l'UNICEF à Dakar publié en mai 2010.

Contrairement aux maĂźtres coraniques et chefs religieux, des dĂ©fenseurs des droits de l’Homme saluent la mesure d'interdiction de la mendicitĂ©. «C’est une question de salubritĂ© nationale et de conscience citoyenne», soutient Denise d’Erneville, prĂ©sidente de l'association pour la dĂ©fense des symboles du patrimoine commun, la protection des valeurs Ă©thiques et la conscience citoyenne dĂ©nommĂ©e "Convergences".

Elle rappelle que la mendicitĂ© est un dĂ©lit comme l'association de malfaiteurs et le vagabondage, et qu’elle est interdite et punie par le code pĂ©nal.

Le prĂ©sident de la Rencontre africaine de dĂ©fense des droits de l’Homme (RADDHO), Alioune Tine, approuve Ă©galement la dĂ©cision. «Cela fait plus de vingt ans que les organisations de la sociĂ©tĂ© civile sĂ©nĂ©galaise luttent pour l’éradication de la traite des enfants et des pires formes d’exploitation du travail des enfants sans succĂšs rĂ©el», explique-t-il.

Il invite toutefois le gouvernement Ă  «agir avec tact et discernement tout en mettant l’accent sur la communication sociale et la concertation avec tous les acteurs impliquĂ©s».

De mĂȘme, la responsable au Groupe de recherche sur les femmes et les lois au SĂ©nĂ©gal (GREFELS), Aissatou Diagne, a saluĂ© la dĂ©cision mais elle demande des mesures d'accompagnement incitatives pour que les gens arrĂȘtent de mendier.

L’ancien Premier ministre, Idrissa Seck, invite aussi les SĂ©nĂ©galais Ă  la concertation et demande d’éviter «l’amalgame, voulant condamner l’enseignement coranique qui n’aurait comme corollaire que l’exploitation, la maltraitance et la mendicité». (FIN/2010)

pdf: http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=6125

Pays: 

Please note that these reports are hosted by CRIN as a resource for Child Rights campaigners, researchers and other interested parties. Unless otherwise stated, they are not the work of CRIN and their inclusion in our database does not necessarily signify endorsement or agreement with their content by CRIN.