Soumis par crinadmin le
[KIGALI, 8 septembre] - Assumant de plus en plus difficilement le coût de l'éducation et de l'entretien de leurs nombreux enfants, les Rwandais commencent à comprendre l'intérêt du planning familial. Le gouvernement, qui veut imposer un maximum de trois enfants par femme, les y encourage. Dans le district de Nyaruguru, au sud du Rwanda, trois frères issus d’une famille de huit enfants, cuisinent eux-mêmes leur petit repas. Il s’agit de jumeaux d’environ 6 ans et de leur petit frère âgé de 2 ans. Ils fabriquent un four à base de mottes de terre, où ils cuisent un demi-kilo de pommes de terre qu'ils ont volé. À longueur de journée, ils chapardent de la nourriture, manioc et ignames, dans les champs des voisins, car ils ont faim. Leur père admet qu’il est difficile de satisfaire aux besoins d'un tel nombre d’enfants avec les deux hectares de champ qu’il possède."Je les ai mis au monde, mais Dieu va s’occuper du reste", dit-il. L'exiguïté des terres et la pression démographique ont poussé le gouvernement et le Parlement rwandais à mettre en place une politique de planning familial. Des animateurs santé se rendent dans les écoles secondaires et dans les lieux des travaux communautaires Umuganda afin d'expliquer aux femmes et aux hommes les différents moyens et précautions à prendre pour limiter les naissances. Pendant la semaine consacrée à la vie de l’enfant et de sa mère du 19 au 22 août, les autorités sanitaires ont également invité les habitants de Nyaruguru à acheter à bas prix des moyens de contraception - pilules, produit injectable, préservatifs masculins et féminins - dans les hôpitaux et les centres de santé aussi bien privés que publiques. On leur explique aussi les moyens de contraception traditionnels comme les perles noires et blanches qui permettent de suivre le cycle menstruel des femmes. 5,5 enfants par femme La proportion des utilisatrices de contraceptifs au Rwanda est passée de 10 % en 2005 à 27 % en 2007, selon la représentante de l’agence onusienne chargée de la population (FNUAP), Thérèse Zeba. La natalité décroît doucement, le nombre moyen d'enfants par femme est passé de 6,2 enfants en 1992 à 5,5, aujourd'hui, d'après la dernière enquête de l’Institut des statistiques du Rwanda (INSR). Mais selon la loi votée l'année dernière par les députés, les couples ne doivent plus avoir plus de trois enfants. Pour l'instant, les sanctions prévues ne sont pas appliquées. "Au départ, pro-natalistes, les parents commencent à se rendre compte qu’il est bon de ne pas mettre au monde plus de trois enfants, en raison des frais de scolarité et des frais de santé qui augmentent de jours en jours", explique le Docteur Jean Claude Sibomana du département de gynéco-obstétrique du Centre hospitalier universitaire de Butare. Certains parents prennent désormais les devants, en proposant eux-mêmes à leurs enfants en âge de procréer de prendre des mesures pour planifier les naissances. Le dialogue s'ouvre peu à peu. Pétronille Mukamutara a mis au monde dix enfants. Elle ne veut pas que sa fille, qui est enceinte pour la seconde fois, ait un troisième enfant. "Je n’aurais pas souhaité qu’elle ait une deuxième grossesse, mais je prie le bon Dieu pour qu’elle n'en ait pas une autre, dit cette mère âgée de 57 ans. L’éducation des enfants constitue un poids lourd à porter pour elle et son mari qui n’a pas d'emploi et pas assez de terre à cultiver". Éduquer coûte cher De nos jours, pour qu’un enfant puisse aller dans une école secondaire privée, les parents doivent payer environ 200.000 francs rwandais (environ 280 euros) par an, plus que le revenu annuel moyen des Rwandais. "Même si vous réussissiez à trouver cet argent, comment faire vivre les autres enfants qui sont à la maison ?", demande une mère de quatre enfants, vendeuse de friperies au marché de Butare, dans le sud. Certains parents paient par trimestre ce qu’ils ne peuvent même pas gagner en un an, et des familles s'endettent. Pourtant, ceux qui adhérent à la politique du planning familial rencontrent moins de difficultés. Un motard de Nyamagabe, dans le sud, père d'une famille de dix enfants ne veut pas que sa progéniture ait une vie semblable à la sienne : "Manger, se vêtir et surtout bénéficier des frais scolaires étaient un casse-tête dans ma famille", dit-il. Certaines personnes continuent de penser que Dieu aidera les familles nombreuses, mais le gouverneur de la province du Sud encourage quant à lui les familles à se mettre "en vacances de maternité". Selon le docteur Jean-Claude Sibomana, les parents doivent cesser de penser qu'avoir beaucoup d’enfants est une richesse, qu'une naissance est l'occasion d'un grand festin. "Les parents", renchérit-il, "devraient se soucier des besoins de leurs enfants tant alimentaires que sanitaires et surtout de l’accès à l’éducation".