RWANDA: Laisser son bébé pour conserver son emploi

Pour limiter la discrimination à l'encontre des femmes dans le monde du travail, les Rwandaises n'ont plus droit qu'à six semaines, au lieu de douze, de congés payés de maternité. Mais la santé des nourrissons, laissés aux domestiques et privés de l'allaitement maternel préconisé durant six mois, prend un coup.

"Deux semaines aprĂšs ma reprise de service, mon bĂ©bĂ© a eu la diarrhĂ©e. Le mĂ©decin m’a dit que la mauvaise prĂ©paration du lait de vache qu’il prend en mon absence est la cause de sa maladie", confie Honorine, mĂšre d’une fillette de deux mois. Elle et d’autres fonctionnaires s’inquiĂštent de la santĂ© de leurs bĂ©bĂ©s quand leur congĂ© payĂ© de maternitĂ© se termine.

Depuis la rĂ©forme du Code du travail en mai 2009, ce congĂ© a en effet Ă©tĂ© rĂ©duit de 12 Ă  six semaines. La femme qui choisit de ne pas retourner travailler aprĂšs cette pĂ©riode d’un mois et demi rĂ©glementaire, ne touche que 20 pour cent de son salaire les six semaines suivantes.

D’aprĂšs les parlementaires, majoritairement des femmes, cette rĂ©forme vise Ă  protĂ©ger les mĂšres. "Les employeurs affirment qu’ils prĂ©fĂšrent embaucher des hommes. Avec cette rĂ©forme, nous voulons Ă©viter que la femme soit vulnĂ©rable sur le marchĂ© du travail", explique la dĂ©putĂ©e SpĂ©ciose Mukandutiye, membre de la Commission des affaires sociales au parlement.

Elle ajoute que la maman doit reprendre le service rapidement pour ne pas perdre son emploi : "Nous avons fait attention à ce qu'elle ait le minimum de repos tout en restant en bonne santé, elle et son bébé".

'Les femmes n’ont pas le choix'

Bon nombre de parents ne sont pas du mĂȘme avis. Françoise, qui allaite son bĂ©bĂ©, affirme que les femmes qui reprennent le travail le font Ă  contrecƓur pour toucher la totalitĂ© de leur salaire, malgrĂ© la crainte que la santĂ© de leur enfant ne soit pas bien assurĂ©e.

Abdulkarim, pĂšre de trois enfants dont un bĂ©bĂ© de trois mois, explique : "Le chĂŽmage augmente de jour au jour. Les femmes n’ont pas le choix, elles sacrifient leurs enfants pour leur travail. Seules celles qui en ont les moyens peuvent prolonger leur congĂ©".

Les femmes pensent par ailleurs qu'elles ne sont pas suffisamment fortes pour reprendre le service aprĂšs un mois et demi de repos. Ce qui est contredit par Dr Liliane Rumaya, gynĂ©cologue Ă  l’hĂŽpital de Muhima Ă  Kigali, la capitale rwandaise : "Normalement, celle qui a accouchĂ© sans complications rĂ©cupĂšre ses forces entre 45 et 60 jours".

Pour Rumaya, ce congĂ© est donc globalement suffisant. Elle prĂ©cise cependant que les femmes qui accouchent par cĂ©sarienne ou qui souffrent de maladies telles que l’hypertension devraient pouvoir prolonger leur congĂ© jusqu’à quatre mois. Quant aux femmes qui exercent des emplois physiques, elles devraient aussi avoir droit Ă  des prolongations, car leur travail nĂ©cessite beaucoup de force.

La santé des bébés en danger

De leur cĂŽtĂ©, pĂ©diatres et nutritionnistes conseillent d’allaiter rĂ©guliĂšrement les enfants au moins pendant six mois. Mais beaucoup de celles qui reprennent le travail aprĂšs six semaines, laissent leurs enfants entre les mains de leurs domestiques avec le biberon ou le lait maternel tirĂ© et conservĂ©.

"Ces enfants ne tarderont pas Ă  souffrir de maladies diarrhĂ©iques et respiratoires dues au biberon mal prĂ©parĂ©", s'inquiĂšte Dr Barbara Mukamabano, pĂ©diatre Ă  la Polyclinique la mĂ©dicale de Kigali. "D’autres auront un retard de croissance et des maladies comme le kwashiorkor (malnutrition au moment de l'arrĂȘt de l’allaitement), car quelquefois, les domestiques prĂ©parent mal le lait maternel ou boivent elles-mĂȘmes le biberon, et l’enfant souffre de faim", ajoute Dr Mukamabano.

Par ailleurs, beaucoup de mamans donnent Ă  leurs enfants le lait de vache moins cher que le lait pour bĂ©bĂ©. Dr Rumaya estime que ce lait nĂ©cessite une hygiĂšne rigoureuse dans sa prĂ©paration (utilisation d'une eau saine, nettoyage soigneux des biberons) que les domestiques n'assurent pas toujours. Elle ajoute : "Le dosage du lait de vache est trĂšs difficile. Soit il est surdosĂ©, soit il est sous dosĂ©, ce qui donne la diarrhĂ©e, l’une des causes de mortalitĂ© chez l’enfant".

Pour permettre Ă  la maman de rester en congĂ© le plus longtemps possible, le Code du travail prĂ©voit qu’une assurance maternitĂ© soit mise en place. Les femmes pourront y souscrire et en bĂ©nĂ©ficier les six derniĂšres semaines de leur congĂ©, une disposition que certains qualifient d’inĂ©galitaire.

"Elles auront à souscrire alors que les hommes ont leur salaire entier", observe un juriste de Kigali. Mais, selon la députée Mukandutiye, la loi établissant cette assurance maternité sera bientÎt mise en place.

Owner: Solange Ayanone et Jean F. Dukulizimanapdf: http://ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=5687

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