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Summary: Si les dirigeants des rebelles du M23 sont autorisés à réintégrer l'armée congolaise, le message sera clair : le viol, le pillage et le meurtre resteront impunis.
 [Le 2 janvier 2013] - Le 19 novembre, des hommes armĂ©s d'un groupe rebelle appelĂ© le M23 Ă©taient Ă la recherche d'un leader Ă©minent de la sociĂ©tĂ© civile dans un village prĂšs de Goma, une capitale provinciale dans l'est de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo. Cela faisait plusieurs semaines quâil Ă©tait entrĂ© dans la clandestinitĂ© aprĂšs avoir reçu des SMS le menaçant pour ses dĂ©nonciations publiques des exactions du M23. Lorsque les rebelles ne l'ont pas trouvĂ©, ils ont tuĂ© son collĂšgue par balle. Le lendemain, le M23 â un groupe de combattants qui avaient intĂ©grĂ© l'armĂ©e congolaise en 2009, mais se sont mutinĂ©s plus tĂŽt cette annĂ©e â sâest emparĂ© de Goma. Dix jours plus tard, la plupart des combattants du M23 ont commencĂ© Ă se retirer, et les rĂ©sidents locaux ont entrepris de relater Ă Human Rights Watch les exactions que ces rebelles avaient commises dans de nombreuses parties de la ville et des villages voisins : meurtres, viols, pillage et autres actes de violence. Les rebelles ont pris pour cible des opposants prĂ©sumĂ©s, notamment des militants, des autoritĂ©s gouvernementales et des membres de leurs familles. Beaucoup de ces personnes sont entrĂ©es dans la clandestinitĂ© aprĂšs avoir reçu des menaces personnelles. Des combattants du M23 ont tirĂ© sur une fillette de 4 ans, en visant sa tĂȘte, aprĂšs quâelle ait demandĂ© pourquoi ils emmenaient son pĂšre. Une jeune femme de 18 ans a dĂ©clarĂ© que des combattants du M23 ont fait irruption dans sa maison et rĂ©clamĂ© de l'argent et des tĂ©lĂ©phones cellulaires. Ils l'ont battue et elle leur a donnĂ© ce qu'elle avait, mais ce n'Ă©tait pas suffisant. L'un des combattants a chargĂ© son arme et lui a dit : « Si tu n'as pas de relations sexuelles avec moi, je vais te tuer. » Il lâa alors violĂ©e tandis que sa fille ĂągĂ©e dâun an Ă©tait couchĂ©e Ă cĂŽtĂ© dâelle. J'ai entendu d'innombrables histoires comme celles-ci lors de mes recherches sur les crimes du M23, rĂ©vĂ©lant une rĂ©alitĂ© qui contraste fortement avec l'image que les dirigeants du M23 cherchent Ă promouvoir, par des dĂ©clarations proclamant leur mouvement comme Ă©tant ordonnĂ©, disciplinĂ© et respectueux des droits humains et ayant de grandes idĂ©es pour une RD Congo « rĂ©formĂ©e ». Certains commentateurs Ă©trangers semblent avoir Ă©tĂ© conquis par les dĂ©clarations du M23, arguant que le M23 est une force apte Ă fournir le cadre politique pour un nouvel Ătat indĂ©pendant. Ou bien ils imputent tous les torts au gouvernement congolais, qui lui aussi a commis de nombreuses exactions et qui constitue certainement une grande partie du problĂšme, mais ce facteur ne peut justifier les atrocitĂ©s commises par les rebelles contre la population de l'est de la RD Congo. Ces atrocitĂ©s ne sont pas un phĂ©nomĂšne rĂ©cent. Depuis que la rĂ©bellion du M23 a commencĂ© il y a huit mois, Human Rights Watch a recueilli des informations sur des crimes de guerre gĂ©nĂ©ralisĂ©s commis par les combattants du M23, notamment des exĂ©cutions sommaires, des viols et le recrutement d'enfants. Les exactions du M23 ne devraient surprendre personne, Ă©tant donnĂ© que les dirigeants du groupe sont responsables de certains des pires crimes perpĂ©trĂ©s en RD Congo au cours des 16 derniĂšres annĂ©es. Un de ses dirigeants, Bosco Ntaganda, est sous le coup de mandats d'arrĂȘt de la Cour pĂ©nale internationale pour crimes de guerre et crimes contre l'humanitĂ© en 2002 et 2003. Il figure ainsi que quatre autres hauts dirigeants du M23 sur une liste de sanctions des Nations Unies. Depuis sa crĂ©ation, le M23 a reçu un soutien important de la part dâun pays voisin, le Rwanda. Des responsables militaires rwandais ont planifiĂ© et commandĂ© des opĂ©rations militaires du M23. Ils ont Ă©galement fourni des armes, des munitions, des uniformes et autres Ă©quipements, et ont recrutĂ© au moins 600 jeunes hommes et garçons au Rwanda pour quâils rejoignent la rĂ©bellion. Plusieurs centaines de militaires de l'armĂ©e rwandaise ont Ă©tĂ© envoyĂ©s en RD Congo pour appuyer le M23 dans ses offensives militaires, selon les recherches effectuĂ©es par Human Rights Watch et le Groupe d'experts de lâONU sur la RD Congo. Depuis 16 ans, le Rwanda sous le gouvernement actuel a soutenu en toute impunitĂ© une sĂ©rie de forces par procuration responsables dâexactions dans l'est de la RD Congo. Bien qu'il continue de nier son appui au M23, le Rwanda a justifiĂ© dans le passĂ© des interfĂ©rences similaires en affirmant que les groupes armĂ©s composĂ©s de personnes ayant pris part au gĂ©nocide de 1994 au Rwanda et qui se sont enfuis en RD Congo restaient une menace pour la sĂ©curitĂ© au Rwanda. Les gouvernements occidentaux ont souvent fermĂ© les yeux, en excusant l'ingĂ©rence du Rwanda tout en vantant le dĂ©veloppement Ă©conomique du pays et en invoquant l'hĂ©ritage du gĂ©nocide. Les combattants dâune prĂ©cĂ©dente rĂ©bellion soutenue par le Rwanda ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s dans l'armĂ©e congolaise il y a prĂšs de quatre ans, suivant un modĂšle familier de rĂ©intĂ©gration des rebelles dans lâarmĂ©e, aggravant ainsi le bilan dĂ©jĂ dĂ©sastreux de l'armĂ©e en matiĂšre de droits humains. Le gouvernement congolais sâest avĂ©rĂ© incapable ou peu dĂ©sireux d'exclure les pires agresseurs. Un grand nombre des ex-rebelles, dirigĂ©s par Ntaganda, ont Ă©tabli une chaĂźne de commandement parallĂšle dans l'armĂ©e et se sont rendu responsables de meurtres ciblĂ©s, de viols de masse, dâenlĂšvements et de pillage des ressources, tout en maintenant des liens Ă©troits avec leurs soutiens rwandais, selon les informations documentĂ©es par Human Rights Watch et l'ONU. Une situation similaire pourrait se prĂ©senter Ă nouveau. Une fois que les rebelles du M23 se sont emparĂ©s de Goma en novembre, le gouvernement congolais a acceptĂ© de nĂ©gocier. Les rebelles se sont officiellement retirĂ©s de Goma le 1erdĂ©cembre et une semaine plus tard les deux parties au conflit ont envoyĂ© des dĂ©lĂ©gations Ă Kampala, en Ouganda, pour entamer des pourparlers. Ces pourparlers n'ont pas pris un bon dĂ©part et ont Ă©tĂ© suspendus jusqu'Ă dĂ©but janvier. Pendant ce temps, la zone autour de Goma a vu une accumulation de forces militaires, ce qui suggĂšre que des affrontements pourraient bientĂŽt Ă©clater Ă nouveau. Selon l'Ă©volution des nĂ©gociations, il existe un risque que l'histoire se rĂ©pĂšte et que les commandants rebelles responsables des pires exactions puissent Ă nouveau ĂȘtre intĂ©grĂ©s dans l'armĂ©e. ArrĂȘter les pires agresseurs adresserait un message important Ă l'armĂ©e congolaise, qui a son propre bilan d'exactions graves, ainsi quâaux diffĂ©rents groupes rebelles en RD Congo, que le meurtre, le viol et le pillage seront punis. Au niveau international, un crĂ©neau se referme pour aider Ă mettre fin au cycle de la violence dans l'est de la RD Congo. Les principaux acteurs â notamment le Conseil de sĂ©curitĂ© des Nations unies, l'Union africaine, les Ătats-Unis et la Grande-Bretagne â devraient faire pression publiquement sur le Rwanda pour quâil mette fin Ă son soutien au M23 et insister pour que les commandants du M23 impliquĂ©s dans des crimes de guerre soient arrĂȘtĂ©s et poursuivis, et ils devraient contribuer aux efforts allant dans cette direction. Ils devraient Ă©galement sanctionner les responsables militaires rwandais, qui ont Ă©tĂ© identifiĂ©s par les Nations Unies comme des soutiens du M23 et qui pourraient ĂȘtre complices de crimes de guerre. Enfin, ils devraient exhorter le prĂ©sident congolais Joseph Kabila Ă mettre en Ćuvre ses engagements en matiĂšre de justice et d'autres rĂ©formes plus que nĂ©cessaires, notamment une refonte des forces de sĂ©curitĂ© corrompues et violentes du pays. Avec une volontĂ© politique rĂ©elle, les erreurs du passĂ© peuvent ĂȘtre Ă©vitĂ©es et des progrĂšs rĂ©els peuvent ĂȘtre accomplis pour mettre fin Ă la culture de l'impunitĂ© qui alimente le cycle incessant d'atrocitĂ©s dans l'est de la RD Congo.