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Summary: KHARTOUM, 14 dĂ©c (IPS) - Quatre mineurs figurent parmi les neuf personnes condamnĂ©es Ă mort pour vol Ă main armĂ©e de voiture Ă Khour Baskawit au Sud-Darfur. Le procĂšs a soulevĂ© de nouvelles inquiĂ©tudes sur la protection des droits des enfants au Soudan. A 17 ans, Ibrahim Shrief Yousef, est le plus ĂągĂ© des quatre enfants condamnĂ©s. Abdalla Abadalla Doud et Altyeb Mohamed Yagoup ont 16 ans et Abdarazig Daoud Abdelseed nâa que 15 ans. Les neuf ont Ă©tĂ© condamnĂ©s Ă mort le 21 octobre; ils ont Ă©tĂ© reconnus coupables de vol Ă main armĂ©e, dâinfractions contre lâEtat et de fomenter la guerre contre lâEtat, des infractions qui sont toutes graves en vertu du code pĂ©nal soudanais de 1991. Le parquet dĂ©clare quâils sont affiliĂ©s au Mouvement pour la justice et lâĂ©galitĂ© (JEM), le plus grand mouvement rebelle au Darfour. Le Soudan est signataire de la convention des Nations Unies sur les droits de lâenfant, qui interdit lâexĂ©cution des mineurs. ConformĂ©ment Ă cela, le Soudan a reformĂ© sa lĂ©gislation en janvier 2010, augmentant de 15 Ă 18 ans lâĂąge auquel un dĂ©linquant peut faire face Ă la peine capitale. Mais selon le 'Africa Center for Justice and Peace Studies' (ACJPS - Centre africain d'Ă©tudes pour la justice et la paix) basĂ© au Soudan, la loi sur les enfants reformĂ©e contient une ambiguĂŻtĂ©, en dĂ©finissant les enfants comme des personnes ayant moins de 18 ans, Ă moins quâils "aient atteint la maturitĂ© en vertu dâune autre loi applicable". Ceci a ouvert la voie permettant aux accusĂ©s dâĂȘtre jugĂ©s comme des adultes en vertu du code pĂ©nal, qui dĂ©finit une personne comme un adulte quand elle a atteint la pubertĂ©. En outre, les accusations auxquelles le groupe de Khour Baskawit est confrontĂ© sont considĂ©rĂ©es comme des Huddoud, des infractions au comportement islamique acceptable. Dâautres crimes contre les Huddoud comprennent la fornication, lâapostasie et la consommation de lâalcool. Hamed Emam, un expert au "National Centre for Legal Work" (Centre national pour le travail lĂ©gal) a dĂ©clarĂ© Ă IPS que bien que le vol Ă main armĂ©e soit dĂ©fini comme un Huddoud, le tribunal nâa pas pris en compte le fait quâun enfant de moins de 18 ans nâest pas responsable selon la loi pĂ©nale. "Le tribunal a fondĂ© la condamnation sur les apparences physiques des mineurs. Cependant, la dĂ©claration selon laquelle nous suivons la loi de la charia concernant de pareils crimes, câest-Ă -dire, le Huddoud, nâest pas exacte puisque les enseignements du prophĂšte soulignent quâĂ un Ăąge infĂ©rieur Ă 18 ans, une personne est mineure", a dĂ©clarĂ© Emam dont la thĂšse de doctorat a portĂ© sur les jeunes face Ă la peine de mort au Soudan. Mohammed Al Hafiz, un avocat indĂ©pendant de dĂ©fense des droits humains et ancien juge, explique que les mineurs accusĂ©s dâactivitĂ©s criminelles sont Ă©galement exposĂ©s par les ambiguĂŻtĂ©s du code pĂ©nal. "Lâarticle 8 [du code pĂ©nal] stipule que seul un individu responsable ayant atteint lâĂąge de pubertĂ© peut ĂȘtre confrontĂ© Ă la peine capitale, mais la pubertĂ© est un terme vague. On peut lâatteindre Ă 12, 13, 14, et mĂȘme 15 ans. Lâarticle ne dĂ©finit pas un Ăąge pour les mineurs". Selon une source du ministĂšre du Bien-ĂȘtre social, sâexprimant dans lâanonymat, tout mineur de moins de 18 ans doit ĂȘtre envoyĂ© dans les centres de services correctionnels pour les jeunes, soit Ă Jeriaf, oĂč il y a un centre pour les jeunes filles et les jeunes garçons, soit Ă Bahri oĂč un centre accueille les garçons seulement. "MĂȘme si ces mineurs ont commis un crime grave comme un meurtre et un vol, ils y sont toujours envoyĂ©s, lĂ oĂč lâEtat prends soin dâeux pendant une pĂ©riode allant jusquâĂ cinq ans". Mais comme ils ont Ă©tĂ© jugĂ©s dans les tribunaux ordinaires, les mineurs du Darfour nâentreront pas dans le programme de services correctionnels Ă moins quâils soient jugĂ©s dans un tribunal pour mineurs. Al Hafiz a Ă©tĂ© impliquĂ© dans un cas pareil au moment oĂč il travaillait comme juge il y a quelques annĂ©es dans lâEtat de El-Obeid. "Un enfant de 17 ans a commis un crime et on lui a donnĂ© la peine de mort, jâai votĂ© contre ça et ai demandĂ© Ă ce que le cas soit rĂ©examinĂ©", a-t-il dĂ©clarĂ© Ă IPS. Il a ajoutĂ© que lâimprĂ©cision des lois pourrait profiter aux accusĂ©s si le juge est de leur cĂŽtĂ©. Al Hafiz pense que la dĂ©cision du juge au Darfour doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e dans le contexte de la situation politique actuelle au Soudan. "Malheureusement, les tribunaux sont politisĂ©s au Soudan, ce cas en est la preuve. Le groupe condamnĂ© Ă mort est affiliĂ© au Mouvement pour la justice et lâĂ©galitĂ©. Si ce nâĂ©tait pas le cas, la condamnation aurait pu se passer autrement". Emam a mis en doute la validitĂ© de lâaffiliation au JEM. "Les techniques pour interroger un accusĂ© au Soudan remontent Ă lâĂ©poque ottomane", a dĂ©clarĂ© Emam Ă IPS. "Les agents de police emploient la peur et lâextrĂȘme fatigue mentale pour obtenir les informations de lâaccusĂ©. Sâils soumettaient les enfants Ă cela, ces derniers auraient simplement pu affirmer quâils sont affiliĂ©s au JEM. Câest possible, mais ce nâest pas toujours le cas". Le gouvernement soudanais a dĂ©fendu sa loi en dĂ©clarant quâaucun mineur nâest effectivement exĂ©cutĂ© dans la pratique. Mais le ACJPS dĂ©clare que lâangoisse psychologique dâĂȘtre condamnĂ© Ă mort est en elle-mĂȘme une violation des droits des enfants. Le Soudan, comme lâIran et lâArabie Saoudite, est lâun des trois pays seulement Ă avoir exĂ©cutĂ© un mineur depuis 2009. En mai 2009, Abdulrahman Zakaria Mohammed, 19 ans, a Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© Ă El Fasher, au Darfour du Nord, aprĂšs avoir Ă©tĂ© reconnu coupable de vol Ă main armĂ©e et de meurtre deux ans plus tĂŽt. Le ACJPS, qui travaille actuellement sur un rapport gĂ©nĂ©ral sur la peine de mort au Soudan, se joint Ă 'Human Rights Watch' et Ă dâautres groupes dans lâexamen du cas du groupe de Khour Baskawit et pour la rĂ©vision Ă©ventuelle des dispositions destinĂ©es Ă prĂ©venir des cas similaires conformĂ©ment Ă lâinterdiction absolue de la condamnation Ă mort pour les mineurs en vertu de la convention sur les droits de lâenfant. (FIN/2010)
pdf: http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=6280