Soumis par Louise le
[Le 8 juin 2016] - Il avait rĂ©vĂ©lĂ© le scandale des abus sexuels sur des mineurs commis par des Casques bleus en Centrafrique : Anders Kompass dĂ©missionne de son poste de directeur des opĂ©rations de terrain du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de lâhomme. Un geste fort pour protester contre lâ « impunitĂ© totale » des responsables et lâ « absence de regrets » formulĂ©s par sa hiĂ©rarchie. Une dĂ©cision prise il y a plusieurs semaines, mais qui a Ă©tĂ© rendue publique mardi et confirmĂ©e par les Nations unies.
Anders Kompass a expliquĂ© son geste par ces mots : « Il mâest impossible de continuer Ă travailler ici », en rĂ©fĂ©rence Ă lâimpunitĂ© des responsables. Les hauts fonctionnaires de l'ONU restent souvent dans lâombre, mais en juillet 2014, celui de Kompass est Ă la Une de tous les mĂ©dias. Câest lui qui fait fuiter le rapport qui rĂ©vĂšle les allĂ©gations dâabus sexuels sur des mineurs commis par des Casques bleus.Â
Les faits relatĂ©s sont atroces, impliquant des enfants de 9 ans, et des relations sexuelles en Ă©change de nourriture. Ils dĂ©clenchent lâindignation internationale, mais Kompass est sanctionnĂ© par sa hiĂ©rarchie, pour « manquements graves aux procĂ©dures ». Il est finalement rĂ©tabli dans ses fonctions et sera blanchi fin 2015 par une commission dâenquĂȘte mandatĂ©e par Ban Ki-moon.
Le rapport est formel : Kompass nâa pas commis de faute. En revanche, il pointe du doigt de graves manquements dans la gestion du dossier par lâONU. Depuis, lâOrganisation tente dâadapter sa rĂ©ponse, mais la machine est lente Ă se mettre en place et câest aux Etats contributeurs de juger les responsables.
Les Nations unies « refusent de prendre les mesures nécessaires »
Pour Paula Donova, co-directrice de lâONG Aids-free World et qui a longtemps travaillĂ© pour lâONU, l'Organisation a dĂ» mal Ă se rĂ©former. « Les mesures prises par les Nation unies ces derniĂšres annĂ©es visent uniquement Ă sauver la rĂ©putation de lâorganisation, estime-t-elle. Ils veulent faire croire quâils rĂ©solvent les problĂšmes mais ils ne font que tourner autour. Ils prennent les mĂȘmes mesures depuis des annĂ©es, des mesures bien trop faibles. Les fonctionnaires ne devraient jamais ĂȘtre jugĂ©s par leurs pairs, surtout quand il sâagit dâabus sexuels et pourtant, câest comme ça que lâONU continue de fonctionner. »
Selon Paula Donovan, qui a notamment participĂ© Ă rendre public le document accusant les soldats français dâabus sexuels sur les enfants en Centrafrique, ce ne sont pas les Etats contributeurs de troupes qui sont en cause mais bel et bien le systĂšme qui doit ĂȘtre changĂ©.
« Ce nâest pas, comme lâONU voudrait le faire croire, simplement la faute des Etats contributeurs de troupes qui ne coopĂšrent pas assez ou ne mĂšnent pas dâenquĂȘte sĂ©rieuses. Ce sont bel et bien les Nations unies qui refusent de prendre les mesures nĂ©cessaires pour mettre fin Ă ces exactions », analyse-t-elle. Pour y remĂ©dier, Paula Donovan considĂšre que « les Etats membres devraient se doter dâun mĂ©canisme de justice international et indĂ©pendant pour juger ce type dâexaction et sâassurer que les troupes de maintien de la paix nâattaquent plus jamais les populations vulnĂ©rables quâils sont censĂ©s protĂ©ger ».
En France, trois enquĂȘtes ont Ă©tĂ© ouvertes aprĂšs ces rĂ©vĂ©lations, qui n'ont pour lâinstant pas abouti.Â
En tout cas, les rĂ©vĂ©lations se multiplient depuis deux ans, signe peut-ĂȘtre que la parole se libĂšre. LâONU a recensĂ© depuis lâannĂ©e derniĂšre plus dâune centaine d'abus sexuels qui auraient Ă©tĂ© commis par ses militaires. La majoritĂ© concerne la RCA et la RDC.