NIGERIA : La frĂ©quentation scolaire souffre des attaques de Boko Haram dans l’État de Borno

Summary: Alors que les extrĂ©mistes de Boko Haram poursuivent leur vague d’attentats contre les Ă©coles publiques dans l’État de Borno, au nord-est du Nigeria, prĂšs de 15 000 enfants ont cessĂ© d’aller en classe depuis le mois de fĂ©vrier 2013, selon un fonctionnaire du ministĂšre de l’Éducation de l’État de Borno qui souhaite rester anonyme.

 [Le 15 mai 2013] - La plupart de ces enfants vont Ă  l’école primaire, selon le fonctionnaire. Jusqu’à prĂ©sent, Boko Haram (BH) a brĂ»lĂ© ou dĂ©truit 50 des 175 Ă©coles publiques, a-t-il dĂ©clarĂ©. Les enseignants de l’État ont confirmĂ© ce chiffre.

Les Ă©tudiants restent chez eux par peur d’ĂȘtre attaquĂ©s ou sont transfĂ©rĂ©s dans des Ă©coles coraniques privĂ©es, dans la ville du nord connue sous le nom d’Islamiyya. Le 6 mai a marquĂ© la rĂ©ouverture officielle des Ă©coles publiques aprĂšs une coupure de six semaines, mais beaucoup sont restĂ©es fermĂ©es, car les fonctionnaires et les enseignants craignent de nouvelles attaques.

Dans un premier temps, les hommes armĂ©s de BH attaquaient les Ă©coles, primaires pour la plupart, de nuit en faisant exploser des grenades, des bombes artisanales ou en dĂ©versant de l’essence dans les salles de classe avant d’y mettre le feu, selon les responsables de l’armĂ©e et de l’Éducation.

Mais le 18 mars, le BH a changĂ© de tactique en attaquant quatre Ă©coles Ă  Maiduguri, la capitale de l’État de Borno (4,17 millions d’habitants recensĂ©s en 2006) en plein jour, tuant quatre professeurs et blessant gravement quatre Ă©lĂšves.

Le 9 avril, des membres prĂ©sumĂ©s de BH ont assassinĂ© deux professeurs Ă  leur domicile, ainsi que quatre fonctionnaires du ComitĂ© de nutrition de l’État de Borno (qui conduit un programme alimentaire dans les Ă©coles primaires et secondaires) pendant leur tournĂ©e d’inspection des Ă©coles de la ville de Dikwa, dans l’État de Borno.

Ce passage à des attaques directes a choqué les enseignants et ils sont nombreux à ne plus se rendre à leur travail par peur.

« On nous a demandĂ© de reprendre les cours, mais nous avons trop peur de retourner en classe malgrĂ© la prĂ©sence d’un poste militaire devant l’école », a dĂ©clarĂ© Hajara Modu qui enseigne Ă  l’école primaire Customs de Maiduguri.

D’aprĂšs un recueil de donnĂ©es sur l’éducation au Nigeria de 2010, le taux d’inscription Ă  l’école secondaire est de seulement 28 pour cent dans l’État de Borno, soit le taux le plus faible du pays.

Le 10 avril, le chef de BH, Abubakar Shekau, a revendiquĂ© les attaques des Ă©coles dans une vidĂ©o publiĂ©e sur Internet, disant agir en reprĂ©sailles aux raids de l’armĂ©e nigĂ©riane contre les Ă©coles coraniques Ă  Maiduguri.

Adama Zannah, pĂšre de quatre enfants scolarisĂ©s Ă  l’école secondaire Sanda Kyarimi, l’une des quatre Ă©coles ciblĂ©es par les attaques du 18 mars, a dĂ©clarĂ© Ă  IRIN : « Je veux que mes enfants aillent Ă  l’école mais encore faut-il qu’ils soient vivants pour cela
 Je ne peux pas leur permettre d’y aller dans ce climat de terreur oĂč les Ă©coles sont incendiĂ©es et oĂč des hommes armĂ©s ouvrent le feu pendant les cours ».

La fréquentation des écoles coraniques en hausse

Beaucoup de parents estiment que le plus sĂ»r est d’opter pour les Ă©coles coraniques, qui connaissent une hausse des taux d’inscription depuis quelques mois. Il s’agit d’écoles privĂ©es religieuses qui dĂ©livrent un enseignement islamique, mĂȘme si certaines proposent Ă©galement de l’anglais et des mathĂ©matiques dans leur cursus.

En raison de la demande, les frais d’inscription de certaines Ă©coles coraniques ont aussi augmenté  de 300 pour cent depuis le dĂ©but de l’annĂ©e dans certains cas, selon le pĂšre de famille Muhammad Kolo. Avant, il payait 1,90 dollar par mois pour l’éducation de ses deux enfants, mais les frais s’élĂšvent dĂ©sormais Ă  7,60 dollars.

Le commissaire Ă  l’information de l’État de Borno, Inuwa Bwala, a dĂ©clarĂ© que le gouvernement central allait essayer d’investir plus d’argent et de matĂ©riel dans les Ă©coles coraniques et souhaitait Ă©galement uniformiser les cursus pour enseigner aussi bien le Coran que les matiĂšres du systĂšme Ă©ducatif occidental aux enfants (BH signifie littĂ©ralement « l’éducation occidentale est un pĂȘchĂ© » en hausa).

Des Ă©coles sous protection militaire

Les districts scolaires les plus durement touchĂ©s par les incendies criminels concernent la vieille ville de Maiduguri et quatre autres circonscriptions locales : Marte, Kala-Balge, Gamboru Ngala et Mabar, dans la partie nord de Borno Ă  la frontiĂšre entre le Cameroun et Tchad, oĂč le BH est trĂšs prĂ©sent.

De nombreux étudiants de ces zones ont dû se rendre dans le district voisin de Dikwa, protégé par un dispositif militaire lourd, pour passer leurs examens de mai et de juin.

Dans tout l’État, le gouvernement a dĂ©ployĂ© des soldats dans les Ă©coles qui risquent d’ĂȘtre victimes d’attaques, mais certains parents craignent que cela ne fasse courir un danger encore plus grand Ă  leurs enfants.

« La prĂ©sence de soldats les expose davantage Ă  une attaque de BH qui considĂšre l’armĂ©e comme son principal ennemi », a dĂ©clarĂ© Ahmad Kyari, un habitant de Gwange Quarters dans la ville de Maiduguri oĂč toutes les Ă©coles de la rĂ©gion ont Ă©tĂ© brĂ»lĂ©es. Ses trois enfants n’y vont plus.

Les attaques des Ă©coles sont une atteinte au droit des enfants Ă  suivre une Ă©ducation, ainsi qu’une violation d’un certain nombre de droits de l’homme. En pĂ©riode de conflit, il peut aussi y avoir une violation du droit international humanitaire et du droit criminel, de mĂȘme que des crimes de guerre.

« J’ai vraiment peur d’aller en classe. L’idĂ©e de voir dĂ©barquer des hommes armĂ©s dans l’école en tirant des coups de feu et en lançant des explosifs me donne des frissons, et c’est une pensĂ©e qui obsĂšde beaucoup d’autres Ă©lĂšves », a affirmĂ© Nura Babani, un Ă©lĂšve de l’école secondaire Sanda Kyarimi qui a Ă©tĂ© attaquĂ©e le 18 mars.

« Il est trop dangereux d’aller Ă  l’école maintenant, surtout depuis que certaines Ă©coles sont attaquĂ©es en plein jour, pendant les cours”, a dĂ©clarĂ© Ă  IRIN Maryam Habib, une Ă©lĂšve.

Dans certaines rĂ©gions oĂč le gouvernement tentait de rĂ©nover les Ă©coles, elles ont de nouveau Ă©tĂ© incendiĂ©es par le BH. L’école primaire Gwange II du quartier Gwange de la ville de Maiduguri, considĂ©rĂ© comme l’un des principaux bastions du BH, a Ă©tĂ© incendiĂ©e Ă  quatre reprises par le BH, chaque fois aprĂšs avoir Ă©tĂ© rĂ©novĂ©e.

La destruction des Ă©coles « sape les efforts du gouvernement qui visent Ă  amĂ©liorer le systĂšme Ă©ducatif dans l’État de Borno », a dĂ©clarĂ© Ă  IRIN le commissaire Ă  l’information, M. Bwala.

« Il est impossible d’apprendre dans un climat de peur et d’incertitude. Comment voulez-vous qu’un enseignant fasse de son mieux et qu’un enfant apprenne correctement s’ils sont toujours sur le qui-vive , dans l’attente d’une attaque Ă  la bombe ou par balle. C’est la mort de l’éducation », a dĂ©clarĂ© le fonctionnaire du ministĂšre de l’Éducation.

Le gouvernement fĂ©dĂ©ral essaye de trouver des solutions pour engager un dialogue avec le BH, mais les progrĂšs ont Ă©tĂ© timides jusqu’à prĂ©sent et, depuis quelques semaines, les miliciens ont rĂ©alisĂ© un retour en force dans le nord-est du pays. Selon Human Rights Watch, les violences liĂ©es au BH, ainsi que les exĂ©cutions sommaires par les forces de sĂ©curitĂ© nigĂ©rianes, ont fait plus de 3 600 morts depuis 2009.

pdf: http://www.irinnews.org/fr/Report/98042/La-fr%C3%A9quentation-scolaire-s...

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