Niger: Le manque de financement compromet la politique de santé infantile

[MARADI, 1 septembre 2006] - Les experts se fĂ©licitent de la politique mise en Ɠuvre par le gouvernement pour faire face aux graves problĂšmes de santĂ© publique au Niger, mais dĂ©plorent le manque de fonds qui empĂȘche les autoritĂ©s nigĂ©riennes de rĂ©aliser de rĂ©els progrĂšs en matiĂšre de soins de santĂ©.

Les problĂšmes de santĂ© du Niger sont communs Ă  toute l’Afrique de l’Ouest : malaria, tuberculose et diarrhĂ©e figurent au premier rang des maladies mortelles. Mais au Niger, ces problĂšmes sont rendus plus complexes par la malnutrition qui touche chaque annĂ©e prĂšs de 50 pour cent de la population.

Alors qu’elles ont Ă©tĂ© Ă©radiquĂ©es dans la plupart des pays subsahariens, des maladies comme la polio, la rougeole, le cholera et la maladie du sommeil sont encore trĂšs rĂ©pandues dans certaines rĂ©gions du Niger.

Selon l’indice de dĂ©veloppement humain des Nations unies, il n’y a que trois mĂ©decins pour 100 000 habitants au Niger et seuls seize pour cent des 600 000 nouveaux-nĂ©s nigĂ©riens naissent dans un Ă©tablissement hospitalier. En outre, vingt pour cent de ces enfants mourront avant l’ñge de cinq ans et dans un cas sur deux, le dĂ©cĂšs est dĂ» Ă  la malaria.

Toujours selon les Nations unies, le Niger figure en queue de peloton des 177 pays les plus pauvres de la planĂšte.

Des systĂšmes qui tardent Ă  se mettre en place

En avril dernier, le gouvernement nigĂ©rien a votĂ© une loi rendant gratuit l’accĂšs aux soins de santĂ© pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans. Et mĂȘme si tout un battage mĂ©diatique a Ă©tĂ© fait autour de cette loi, « aucun mĂ©canisme n’est encore mis en place pour la faire exĂ©cuter », a dĂ©plorĂ© un expert des Nations unies en poste Ă  Niamey, la capitale nigĂ©rienne.

Le gouvernement travaille aussi Ă  la crĂ©ation d’un fonds social pour financer son programme de soins de santĂ© gratuits, mais lĂ  encore, aucune structure n’a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e Ă  cet effet.

Actuellement, une consultation et un traitement coĂ»tent 500 francs CFA (un dollar amĂ©ricain) pour un enfant, et 1000 francs CFA (deux dollars amĂ©ricains) pour un adulte. Ces sommes reprĂ©sentent une fortune dans des villages oĂč on est considĂ©rĂ© comme Ă©tant riche lorsqu’on a des revenus annuels de 200 000 CFA (400 dollars amĂ©ricains).

Les autoritĂ©s nigĂ©riennes ont alors Ă©laborĂ© des programmes de soins de santĂ© et de lutte contre la malnutrition qui, d’aprĂšs les statistiques du gouvernement, touche chaque annĂ©e plus de la moitiĂ© de la population.

« Auparavant, on pensait qu’il s’agissait simplement d’un problĂšme liĂ© Ă  la pĂ©nurie de nourriture », a fait remarquer un reprĂ©sentant d’une agence humanitaire. « Aujourd’hui, les autoritĂ©s reconnaissent clairement qu’il y a Ă©galement un problĂšme nutritionnel et que la qualitĂ© et la diversification de la nourriture sont toutes aussi importantes que la quantitĂ© des vivres ».

Mais lorsqu’il s’agit de passer à l’action pour mettre en Ɠuvre ces programmes, l’Etat est absent, notent les agences humanitaires.

Dans les hĂŽpitaux publics, les mĂ©decins avouent d’ailleurs manquer cruellement de mĂ©dicaments, de formation et de personnel. Dans tous les Ă©tablissements que IRIN a eu l’occasion de visiter dans les rĂ©gions du sud-ouest et du sud-est, la majoritĂ© du personnel chargĂ© de la lutte contre la malnutrition Ă©tait recrutĂ© et payĂ© par des ONG Ă©trangĂšres.

« Ici, nous n'avons jamais vu un signe de la prĂ©sence du gouvernement », a confiĂ© le responsable du centre nutritionnel d’une ONG rattachĂ©e Ă  un centre de santĂ© proche de Maradi.

Passer de la théorie à la pratique

De l’avis de certains observateurs Ă©conomiques, il faut du temps et des fonds pour concrĂ©tiser tous ces projets de santĂ©.

Selon l’Organisation mondiale de la SantĂ© (OMS), les dĂ©penses publiques de santĂ© du gouvernement nigĂ©rien s’élĂšvent Ă  5 dollars par habitant. Bien que cela soit infĂ©rieur aux 35 dollars par habitant que l’OMS estime comme Ă©tant le minimum nĂ©cessaire pour des services de santĂ© de base dans les pays pauvres, les dĂ©penses en matiĂšre de santĂ© reprĂ©sentent 12 pour cent du PIB du pays. Ainsi, le Niger est en Afrique de l’Ouest, le pays qui investit le plus dans le domaine de la santĂ© publique.

« Le problĂšme est de savoir comment accroĂźtre les recettes de l’Etat pour qu’il puisse investir dans des projets de dĂ©veloppement qui bĂ©nĂ©ficieront davantage aux pauvres », a soulignĂ© Pierre Laporte, reprĂ©sentant du Fonds monĂ©taire international (FMI) au Niger. « Sans des recettes supplĂ©mentaires, la marge de manƓuvre du gouvernement sera limitĂ©e ».

En effet, les recettes fiscales du Niger sont les moins Ă©levĂ©es de la sous-rĂ©gion, selon la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). A en croire M. Laporte, le plan mis en place par le FMI a permis au Niger d’enregistrer une augmentation de 25 pour cent de ses recettes fiscales, au cours des deux premiers trimestres de 2006, comparĂ©s aux chiffres enregistrĂ©s Ă  la mĂȘme pĂ©riode en 2005.

« Ceci est le résultat du renforcement des contrÎles et de la lutte menée contre ceux qui refusent de payer leurs impÎts », a noté M. Laporte. Par ailleurs, le gouvernement fait également des efforts dans le contrÎle des dépenses non prioritaires et concentre ses investissements dans les domaines de l'éducation et de la santé.

Mais le gouvernement a aussi eu du mal à faire appliquer cette année la T.V.A (taxe sur la valeur ajoutée) sur les produits alimentaires de base. Les puissants syndicats du pays ont rejeté cette initiative en décrétant à plusieurs reprises à Niamey des journées « ville morte ».

Quant Ă  l’autre moitiĂ© du budget, constituĂ©e en grande partie de l’aide financiĂšre Ă©trangĂšre, les donateurs et les bailleurs de fonds se plaignent rĂ©guliĂšrement de la lenteur de la mise en Ɠuvre des projets, du manque de transparence dans la gestion des fonds et de la corruption.

En juin 2006, un financement de 100 millions de dollars destinĂ© Ă  des programmes d’éducation a Ă©tĂ© gelĂ© suite Ă  la publication d’un rapport de Deloitte & Touche, une sociĂ©tĂ© d’audit comptable et financier, qui a rĂ©vĂ©lĂ© un dĂ©tournement de huit millions de dollars. La semaine derniĂšre, un haut responsable du gouvernement a donnĂ© Ă  des diplomates occidentaux l’assurance que les fonctionnaires indĂ©licats seraient sanctionnĂ©s, Ă  quelque que niveau qu’ils soient.

Dans l’ensemble, les experts mĂ©dicaux cependant se disent satisfaits de constater que les graves problĂšmes de la santĂ© auxquels le Niger est confrontĂ© font dĂ©sormais partie des prĂ©occupations des autoritĂ©s politiques du pays.

« Nous ne pouvons pas dire pour l’instant que le problĂšme a Ă©tĂ© rĂ©solu, mais au moins, la volontĂ© politique est lĂ  », a dĂ©clarĂ© un responsable d’une ONG mĂ©dicale Ă©trangĂšre prĂ©sente au Niger, en faisant rĂ©fĂ©rence aux maladies liĂ©es Ă  la malnutrition.

« Nous avons eu quelques discussions trĂšs encourageantes avec les autoritĂ©s sanitaires. Ils mettent tout en Ɠuvre pour trouver une solution, en reconnaissant que des mesures d’urgence s’imposent maintenant et qu’il importe Ă©galement d’avoir une politique de santĂ© Ă  long terme », a-t-il ajoutĂ©.

pdf: http://www.irinnews.org/FrenchReport.asp?ReportID=7153&SelectRegion=Afri...'ouest&SelectCountry=Niger

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