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[JOHANNESBURG, 3 avril 2008] - Les cas dâexploitation et de maltraitance de victimes du trafic dâĂȘtres humains, principalement du Mozambique vers lâAfrique du Sud, sont de plus en plus nombreux Ă faire la Une des journaux, mais certains experts ont prĂ©venu que les cas Ă©voquĂ©s ne reprĂ©sentaient que « la partie Ă©mergĂ©e de lâiceberg ». Selon la branche mozambicaine de Save the Children-Royaume-Uni (SC-RU), depuis le dĂ©but de lâannĂ©e, 52 cas suspects de trafic dâĂȘtres humains ont Ă©tĂ© signalĂ©s qui concernaient des jeunes femmes et des enfants. Le cas le plus rĂ©cent concernait lâexploitation sexuelle de trois mineures mozambicaines ĂągĂ©es de 14 Ă 16 ans, dans un bordel de Pretoria, la capitale sud-africaine. DâaprĂšs Chris McIvor, directeur pays de la branche mozambicaine de SC-RU, le nombre croissant de cas rapportĂ©s laisse penser quâil sâagit dâun phĂ©nomĂšne plus profond et plus rĂ©pandu en Afrique australe. « Comme pour toutes les activitĂ©s illicites qui assurent des gains financiers aux personnes qui les exercent, il est trĂšs probable que bon nombre dâautres cas ne soient pas rapportĂ©s », a expliquĂ© M. McIvor Ă IRIN. « Des milliers dâenfants sans papiers quittent chaque annĂ©e le Mozambique, le Zimbabwe, le Swaziland et le Lesotho, et passent la frontiĂšre avec lâAfrique du Sud ». Wiesje Zikkenheiner, expert associĂ© au bureau pour lâAfrique australe de lâOffice des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), reconnaĂźt que ce phĂ©nomĂšne est sous-estimĂ© : « le trafic dâĂȘtres humains est un problĂšme qui touche toute lâAfrique australe, mĂȘme si lâAfrique du Sud reste le pĂŽle dâattraction rĂ©gional pour les ressortissants de la plupart des autres pays ». Bien que lâon considĂšre que la pratique est de plus en plus rĂ©pandue, il nâexiste pas de statistiques prĂ©cises concernant lâampleur du phĂ©nomĂšne. Toutefois, selon les estimations dâune Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 2003 par lâOrganisation internationale pour les migrations (OIM) et portant sur le trafic humain dans la rĂ©gion, chaque annĂ©e, un millier de femmes et de mineures mozambicaines sont introduites clandestinement en Afrique du Sud pour y ĂȘtre surtout exploitĂ©es sexuellement. Le problĂšme est bien plus grave que le cas classique de trafic dâĂȘtres humains, oĂč des individus sont transportĂ©s contre leur grĂ© de lâautre cĂŽtĂ© de la frontiĂšre. Les jeunes filles mozambicaines dĂ©couvertes Ă Pretoria et qui sont aujourdâhui retournĂ©es au sein de leurs familles Ă Maputo, la capitale du Mozambique, sâĂ©taient rendues en Afrique du Sud parce quâon leur avait promis un emploi et une formation. « Les gens sont tentĂ©s dâaller chercher ce dont ils ont besoin et ils deviennent ainsi trĂšs rĂ©ceptifs aux promesses quâon leur fait », a indiquĂ© Mandy Shongwe, directrice dâAmazing Grace, un foyer pour mineurs Ă Malelane, en Afrique du Sud, prĂšs de la frontiĂšre mozambicaine. « La nature volontaire du mouvement transfrontalier des enfants ne doit pas occulter les inquiĂ©tudes que nous devons avoir Ă propos du sort qui leur est rĂ©servĂ© dans les autres pays. Ils ne sont peut-ĂȘtre pas victimes du trafic dâĂȘtres humains au sens classique du terme, mais bon nombre de leurs droits sont violĂ©s et ces enfants mĂ©ritent notre protection », a expliquĂ© M. McIvor. La tentation dâune vie meilleure Mme Shongwe a aidĂ© des centaines dâenfants qui ont transitĂ© par son Ă©tablissement en rentrant au Mozambique. « La principale raison de ce trafic est que la pauvretĂ© est plus rĂ©pandue au Mozambique et que les gens sont donc attirĂ©s par lâAfrique du Sud, espĂ©rant y trouver une vie meilleure », a-t-elle affirmĂ©. Selon M. McIvor, les facteurs Ă©conomiques et sociaux Ă lâorigine de la vulnĂ©rabilitĂ© de la population continuent de sâaggraver dans bon nombre de pays de la rĂ©gion. « Les taux de chĂŽmage Ă©levĂ©s, les jeunes gens Ă la recherche dâune vie meilleure, les offres dâemplois illicites et peu rĂ©munĂ©rĂ©s dans certains pays crĂ©ent les conditions propices au trafic dâĂȘtres humains », a-t-il expliquĂ©. Selon M. Zikkenheiner, ces derniĂšres annĂ©es ont Ă©tĂ© marquĂ©es par une plus grande implication des organisations criminelles dans le trafic dâĂȘtres humains, en raison des gains extrĂȘmement Ă©levĂ©s et des risques relativement faibles, liĂ©s Ă cette activitĂ©. « Le trafic dâĂȘtres humains est une activitĂ© dynamique, adaptable, et opportuniste, qui exploite les situations de conflit et de catastrophe humanitaire, ainsi que la vulnĂ©rabilitĂ© des gens - le caractĂšre clandestin de lâactivitĂ© fait quâil est difficile dâenquĂȘter sur des affaires de trafic dâĂȘtres humains et dâidentifier tous les acteurs » Etant donnĂ© que les trafiquants savent de mieux en mieux dissimuler leurs activitĂ©s, « nous devons tous nous inquiĂ©ter du fait que ce que nous avons observĂ© ces derniers mois nâest que la partie Ă©mergĂ©e de lâiceberg », a prĂ©venu M. McIvor. « Les trafiquants avec lesquels nous nous sommes entretenus ont expliquĂ© quâils profitaient de lâabsence de lĂ©gislation, dâun vide juridique ; ils savent que sâils sont pris, ils ne pourront ĂȘtre poursuivis que pour quelques dĂ©lits liĂ©s Ă leur activitĂ©, notamment pour harcĂšlement sexuel ou enlĂšvement de personne », a indiquĂ© Mme Shongwe. Aucune disposition du code pĂ©nal mozambicain ne prĂ©voit de poursuites Ă lâencontre des auteurs prĂ©sumĂ©s de trafic dâĂȘtres humains ; en consĂ©quence, aucun trafiquant suspect nâa jamais Ă©tĂ© poursuivi pour trafic dâĂȘtres humains, mĂȘme si, au regard de la lĂ©gislation internationale, cette pratique est illĂ©gale. « Actuellement, mĂȘme dans les pays oĂč le trafic dâĂȘtres humains est interdit par la loi, les affaires de trafic dâĂȘtres humains ne font pas lâobjet dâune enquĂȘte, ou les enquĂȘtes nâaboutissent pas Ă la condamnation des coupables », a indiquĂ© M. Zikkenheiner, ajoutant que sâil nâexiste pas encore de loi pour rĂ©primer ce trafic, lâarsenal juridique existant devrait ĂȘtre utilisĂ© pour poursuivre les trafiquants. « La plupart des codes pĂ©naux rĂ©priment gĂ©nĂ©ralement des dĂ©lits tels que le viol, lâenlĂšvement et la fraude, souvent commis dans le cas du trafic dâĂȘtres humains ». En 2007, le Conseil des ministres mozambicains a approuvĂ© un projet de loi spĂ©cifique rĂ©primant le trafic dâĂȘtres humains et en a proposĂ© un autre pour la protection de lâenfance, mais ces deux projets de loi attendent toujours dâĂȘtre votĂ©s par le parlement. Dans un communiquĂ© de Save the Children, lâorganisation appelle Ă faire voter ces projets de loi, au renforcement de la coopĂ©ration entre les pays dâAfrique australe, Ă une plus grande prise de conscience des dangers liĂ©s au trafic dâĂȘtres humains et demande Ă©galement que les victimes puissent avoir accĂšs Ă des soins appropriĂ©s. « La lutte contre le trafic dâĂȘtres humains exige des mesures faisant appel Ă une large coopĂ©ration judiciaire et multi-organisations, aux plans national, rĂ©gional et international. Commencer par collecter, Ă©changer et analyser les informations concernant les rĂ©seaux du crime organisĂ© est une bonne mĂ©thode pour sâattaquer au trafic des ĂȘtres humains, surtout lorsquâon dispose de renseignements sur les itinĂ©raires empruntĂ©s par les trafiquants », a expliquĂ© M. Zikkenheiner.  Â
« Le trafic dâĂȘtres humains est une activitĂ© dynamique, adaptable, et opportuniste, qui exploite les situations de conflit et de catastrophe humanitaire, ainsi que la vulnĂ©rabilitĂ© des gens », a expliquĂ© M. Zikkenheiner. La mĂ©connaissance du phĂ©nomĂšne et « le caractĂšre clandestin de lâactivitĂ© font quâil est difficile dâenquĂȘter sur des affaires de trafic dâĂȘtres humains et dâidentifier tous les acteurs ».