MONDE: Une initiative en matiĂšre d’éducation sexuelle suscite la polĂ©mique

[JOHANNESBOURG, 7 septembre 2009] - Une initiative visant Ă  aider les Ă©ducateurs du monde entier Ă  Ă©laborer des programmes d’éducation sexuelle permettant de limiter le nombre de grossesses non dĂ©sirĂ©es et la propagation des infections sexuellement transmissibles (IST) chez les jeunes, s’enlise dans les controverses.

En se référant à 87 études et aux avis de nombreux experts en éducation sexuelle, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), en partenariat avec sept autres agences des Nations Unies, a rédigé une premiÚre version, longue de 98 pages, de ses RÚgles de conduite internationales sur l'éducation sexuelle.

Ces recommandations n’ont pas encore Ă©tĂ© finalisĂ©es, mais d’aprĂšs cette Ă©bauche, le cursus d’éducation sexuelle devrait ĂȘtre divisĂ© en diffĂ©rentes Ă©tapes correspondant Ă  quatre stades de la vie des enfants et adolescents ĂągĂ©s de cinq Ă  18 ans. Les sujets abordĂ©s comprennent les relations, la reproduction, l’inĂ©galitĂ© entre les sexes et divers aspects de la sexualitĂ©, mais des groupes conservateurs des Etats-Unis se sont concentrĂ©s sur quelques propositions de thĂšmes qu’ils considĂšrent trop explicites et inappropriĂ©s pour de jeunes enfants.

Un article publiĂ© sur le site d’actualitĂ©s Foxnews.com met en avant la question de la masturbation, que les recommandations de l’UNESCO suggĂšrent de commencer Ă  aborder avec les enfants de cinq Ă  huit ans.

L’article cite Michelle Turner, prĂ©sidente de Citizens for a Responsible Curriculum, organisation basĂ©e dans le Maryland : « A cet Ăąge-lĂ , ils devraient apprendre 
 comment s’appellent certaines parties de leur corps, certainement pas ce qu’est la masturbation ». Mme Turner a Ă©galement Ă©tĂ© « perturbĂ©e » par la recommandation que les enfants soient sensibilisĂ©s au sujet de l’avortement dĂšs l’ñge de neuf ans. D’autres ont critiquĂ© le fait que le rapport conseille aux professeurs de parler aux enfants d’homosexualitĂ©, de contraception et de violence sexiste.

Un document qui s’appuie sur les faits

L’UNESCO et le Conseil amĂ©ricain pour l'information et l'Ă©ducation sexuelle (SIECUS), qui ont participĂ© Ă  l’élaboration de ce document, l’ont dĂ©fendu dans des dĂ©clarations, affirmant qu’il correspondait Ă  une stratĂ©gie fondĂ©e sur les faits, visant Ă  rĂ©duire le nombre d’infections par le VIH chez les jeunes, et Ă  amĂ©liorer leur santĂ© sexuelle et reproductive.

Ces organismes citent des donnĂ©es de la FĂ©dĂ©ration internationale pour la parentĂ© planifiĂ©e (International Planned Parenthood Federation) montrant que chaque annĂ©e, au moins 111 millions de nouveaux cas d’IST surviennent chez des jeunes ĂągĂ©s de 10 Ă  24 ans, et que jusqu’à 4,4 millions de jeunes filles de 15 Ă  19 ans cherchent Ă  obtenir un avortement, dangereux dans la plupart des cas. D’aprĂšs l’ONUSIDA (Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA), 45 pour cent des nouvelles infections par le VIH surviennent chez des jeunes ĂągĂ©s de 15 Ă  24 ans.

« A l’heure actuelle, l’éducation est la meilleure arme dont nous disposons pour rĂ©pondre Ă  ces questions », a dĂ©clarĂ© Mark Richmond, directeur de la Division de la coordination des prioritĂ©s des Nations Unies en matiĂšre d’éducation au sein de l’UNESCO. « Les faits nous prouvent que, globalement, les jeunes n’ont pas accĂšs aux informations qui leur permettraient de prendre des dĂ©cisions en connaissance de cause
 ces nouvelles recommandations contribuent Ă  combler cette lacune. »

Anticipant la plupart de ces objections, les auteurs du document leur ont consacrĂ© une section relativement longue, intitulĂ©e « Les raisons de l’éducation sexuelle », dans laquelle ils observent notamment que l’un des enjeux est de parvenir Ă  toucher les jeunes « avant qu’ils ne deviennent sexuellement actifs, que ce soit
 par choix, par nĂ©cessitĂ© ou par coercition ».

« Ces RĂšgles de conduite internationales soulignent Ă  quel point il est important de tenir compte de la rĂ©alitĂ© de la vie sexuelle de nombreux jeunes : cela suppose d’aborder des aspects que certains dĂ©cideurs politiques ou autres responsables dĂ©sapprouvent personnellement », ont remarquĂ© les auteurs. « Les dĂ©cideurs faisant preuve de conscience professionnelle ne peuvent que reconnaĂźtre que la preuve scientifique et les impĂ©ratifs de santĂ© publique doivent avoir la prioritĂ© sur les opinions personnelles. »

Michael Bennish, directeur gĂ©nĂ©ral de Mpilonhle, une ONG (organisation non gouvernementale) sud-africaine proposant des formations, dans les Ă©coles, portant sur la santĂ© et la prĂ©vention du VIH, a dĂ©clarĂ© que les personnes qui s’opposaient Ă  ce document « trĂšs Ă©quilibrĂ© et rĂ©flĂ©chi » Ă©taient « guidĂ©es par des motifs idĂ©ologiques ».

« Selon moi, tout tend Ă  prouver que l’éducation sexuelle ne conduit pas Ă  des comportements sexuels irresponsables », a-t-il dit Ă  IRIN/PlusNews. « Il est tout Ă  fait possible de parler de sexualitĂ© aux enfants d’une maniĂšre adaptĂ©e Ă  leur Ăąge
 ; les enfants sont sexuĂ©s dĂšs un trĂšs jeune Ăąge, ils sont curieux de dĂ©couvrir leur anatomie et la procrĂ©ation, et il est prĂ©fĂ©rable qu’ils aient accĂšs Ă  la bonne information qu’à la mauvaise. »

D’aprĂšs un article du New York Times datĂ© du 1er septembre, la controverse aurait poussĂ© le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), un des partenaires-clĂ©, Ă  se retirer du projet. Cependant, un porte-parole de l’UNFPA a refusĂ© de confirmer cette information, se contentant d’affirmer que l’organisation Ă©tait toujours en cours de discussions avec l’UNESCO, afin d’essayer de faire en sorte que les recommandations soient davantage « mises en contexte ».

D’autres commentateurs conservateurs ont reprochĂ© aux RĂšgles de conduite de proposer une approche unique censĂ©e convenir Ă  tous, sans tenir compte des spĂ©cificitĂ©s culturelles. Mary Beth Hastings, directrice adjointe de l’ONG amĂ©ricaine CHANGE (Centre pour la santĂ© et l'Ă©galitĂ© des sexes), n’est pas de cet avis.

« Je pense que les organisations conservatrices ont tendance Ă  donner des proportions exagĂ©rĂ©es Ă  tout ce qui a trait Ă  la sexualitĂ©, en particulier en ce qui concerne les enfants ; si elles rĂ©agissent ainsi, c’est Ă  cause de leur agenda », a-t-elle dĂ©clarĂ© Ă  IRIN/PlusNews. « Il existe des vĂ©ritĂ©s fondamentales concernant la sexualitĂ© infantile, et nous devons en tenir compte. Selon moi, les recommandations permettent aux diffĂ©rents pays d’adapter les propositions Ă  leur culture, tout en Ă©tant conscients que les enfants connaissent une Ă©volution qui doit ĂȘtre pris en considĂ©ration. »

Les RĂšgles de conduite seront officiellement lancĂ©es par les Nations Unies Ă  New York Ă  la fin du mois d’octobre. Mme Hastings a dĂ©clarĂ© qu’elle espĂ©rait que la controverse ne masquerait pas l’intention de dĂ©part du projet, qui est de dĂ©velopper l’éducation sexuelle en l’intĂ©grant Ă  la prĂ©vention du VIH Ă  l’échelle mondiale.

« Etant donnĂ©e l’ampleur de l’épidĂ©mie de VIH, en particulier chez les jeunes femmes, je pense que cela pourrait constituer un outil formidable », a-t-elle affirmĂ©.

pdf: http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=86045

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