MIGRATION : Des adolescents migrants « coincés » en GrÚce

Summary: Les mineurs non accompagnĂ©s, pour la plupart des garçons originaires d’Afghanistan, d’Iran, du Pakistan et de l’Afrique de l’Ouest, sont particuliĂšrement vulnĂ©rables aux difficultĂ©s rencontrĂ©es par les migrants en GrĂšce, nombre d'entre eux vivant dans les rues.

[AthĂšnes/Lesbos, le 18 octobre 2012] - À la tombĂ©e de la nuit, de jeunes migrants rejoignent le parc Alexandra, situĂ© dans le centre d’AthĂšnes. Ils s’installent sur les bancs, certains d’entre eux jouent au ballon, mais ils ne viennent pas au parc pour se dĂ©tendre – ils vont y passer la nuit, en espĂ©rant Ă©chapper aux prĂ©dateurs sexuels et aux attaques racistes s’ils restent ensemble. 

« J’attends que tout le monde parte et je vais dormir vers minuit ou une heure. Je me rĂ©veille vers 6 heures, quand le jour se lĂšve », a dit Ibrahim Jafari, un migrant de 17 ans. ArrivĂ© d’Afghanistan il y a plus de deux ans, il vit dĂ©sormais dans ce parc. 

M. Jafari faisait vivre son pĂšre handicapĂ© grĂące Ă  l’argent gagnĂ© en surveillant les animaux de son oncle. Un jour, son cousin l’a accompagnĂ© dans les champs : il a fait une chute et s’est blessĂ© Ă  la tĂȘte. Craignant d’ĂȘtre tenu pour responsable de l’accident, M. Jafari a fui en Iran, oĂč il a effectuĂ© des travaux manuels. Vivant dans la peur constante d’ĂȘtre arrĂȘtĂ© et renvoyĂ© en Afghanistan, il a Ă©conomisĂ© suffisamment d’argent – environ 2 000 dollars– pour payer un passeur et rejoindre la GrĂšce. 

M. Jafari, qui n’a jamais Ă©tĂ© scolarisĂ©, ne sait ni lire ni Ă©crire. Il savait simplement que la GrĂšce se trouve en Europe et il croyait y trouver un travail et une vie meilleure. Les passeurs profitent du fait que les migrants ne savent pas que la GrĂšce connait une crise Ă©conomique qui a fait monter le chĂŽmage et qui a fait naĂźtre un ressentiment profond à l’égard des centaines de milliers de migrants sans papier arrivĂ©s dans le pays au cours de ces derniĂšres annĂ©es.

Les mineurs non accompagnĂ©s, comme M. Jafari, sont pour la plupart des garçons originaires d’Afghanistan, d’Iran, du Pakistan et de l’Afrique de l’Ouest ; ils sont particuliĂšrement vulnĂ©rables aux difficultĂ©s rencontrĂ©es par les migrants en GrĂšce. Les efforts rĂ©alisĂ©s par le gouvernement pour les protĂ©ger et leur venir en aide sont insuffisants et inefficaces, et les programmes mis en place par les organisations non gouvernementales (ONG) souffrent d’un manque de coordination, selon Patricia Kirk, une chercheuse danoise qui a interrogĂ© plus de 100 mineurs non accompagnĂ©s vivant dans les rues d’AthĂšnes. 

Exploitation et maltraitance

« Bon nombre d’entre eux ont eu des problĂšmes avec les autoritĂ©s, donc ils prĂ©fĂšrent ne pas demander d’aide », a-t-elle dit Ă  IRIN, ajoutant que beaucoup d’entre eux mentent sur leur Ăąge. 

Ceux qui se dĂ©clarent comme mineurs risquent d’ĂȘtre placĂ©s dans un centre de dĂ©tention en attendant que les autoritĂ©s leur trouvent une place dans l’un des neuf centres rĂ©servĂ©s Ă  l’accueil des mineurs non accompagnĂ©s dans le pays.

Shafi Morady, 16 ans, est Ă©galement originaire d’Afghanistan : aprĂšs avoir travaillĂ© en Iran, il est arrivĂ© en GrĂšce et vient de passer quelques mois en dĂ©tention aprĂšs que la police a fait une rafle dans l’appartement d’AthĂšnes oĂč il s’était installĂ©. MalgrĂ© son Ăąge, il n’a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’aucun traitement de faveur. 

« La nourriture sentait mauvais et il n’y avait pas de lit », a-t-il dit Ă  IRIN. « Nous dormions sur le sol et les gardes nous donnaient des coups de pied pour s’amuser ». 

AprĂšs son passage en dĂ©tention, il a retrouvĂ© l’appartement infestĂ© de punaises des lits qu’il partageait avec 15 autres personnes, mais l’argent que ses frĂšres restĂ©s en Afghanistan lui envoyaient ne lui suffisait plus pour payer son loyer de 60 euros. Il songeait Ă  la possibilitĂ© de dormir dans le parc lorsque les journalistes d’IRIN l’ont interrogĂ©. 

« L’idĂ©e ne me plaĂźt pas, mais je n’ai pas le choix », a-t-il dit. « Il y a seulement du travail pour les passeurs et les vendeurs de drogue, et je ne veux pas faire ça ». 

Mme Kirk a indiquĂ© que certains garçons gagnent un peu d’argent en vendant des matĂ©riaux recyclables et en lavant des voitures. Dans une tentative dĂ©sespĂ©rĂ©e de gagner suffisamment d’argent pour payer les passeurs et rejoindre un autre pays europĂ©en, certains d’entre eux acceptent d’avoir des relations sexuelles avec les hommes qui frĂ©quentent le parc. 

Les garçons qui dorment dans le parc risquent Ă©galement de subir le harcĂšlement et les violences physiques de la police. M. Jafari a indiquĂ© que, en gĂ©nĂ©ral, les policiers ne lui demandaient pas ses papiers. « Ils disent juste "Suis-moi" [dans les buissons], et aprĂšs ils me battent », a-t-il dit, tout en levant son t-shirt pour montrer les marques de coups qu’il porte sur le dos depuis qu’il a Ă©tĂ© battu. 

Centres pour mineurs

Les ONG, comme le Conseil grec pour les rĂ©fugiĂ©s (CGR) basĂ© Ă  AthĂšnes, apportent de l’aide Ă  ceux qui souhaitent s’installer dans l’un des centres pour mineurs non accompagnĂ©s, mais la plupart des garçons considĂšrent que vivre dans un « camp », comme ils appellent les centres, revient Ă  abandonner tout espoir de rejoindre un autre pays. 
« Ils distribuent de la nourriture et nous donnent un endroit oĂč dormir, c’est tout », a dit Hamid, un migrant afghan de 16 ans. « On ne sait pas ce qui peut se passer dans les camps. On pourrait y passer des annĂ©es ».

Hamid dort dans le parc Pedion Areos depuis qu’il a tentĂ© de rejoindre l’Italie en se cachant dans des bateaux et qu’il a Ă©tĂ© frappĂ© par des policiers. Comme bon nombre de mineurs non accompagnĂ©s, Hamid a son avenir entre les mains, mais aussi celui de sa famille. Ses deux frĂšres aĂźnĂ©s ont vendu les machines Ă  coudre qu’ils utilisaient dans leur commerce de fabrication de vĂȘtements en Iran pour payer les passeurs Ă  qui Hamid a fait appel. 

Vassia Chioti, psychologue auprĂšs de Praksis, une ONG basĂ©e Ă  AthĂšnes qui offre des services mĂ©dicaux, juridiques et sociaux aux migrants, a dit qu’il Ă©tait courant que les familles afghanes vendent tous leurs biens pour envoyer l’un de leurs fils en Europe. « Quand ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas [trouver de travail], ils se sentent coupables et sombrent dans la dĂ©pression », a-t-elle dit, ajoutant qu’elle reçoit Ă©galement les garçons traumatisĂ©s par le voyage effectuĂ© pour rejoindre la GrĂšce, la dĂ©tention ou la vie qu’ils mĂšnent dans la rue. 

Moustafa Akhtari*, 17 ans, un autre migrant originaire d’Afghanistan qui voulait fuir sa vie de rĂ©fugiĂ© en Iran, a passĂ© six mois Ă  AthĂšnes avant de comprendre que, sans argent ou papiers d’identitĂ©, il ne pouvait pas poursuivre son voyage. Il s’est adressĂ© au CGR et a acceptĂ© d’ĂȘtre placĂ© dans un centre situĂ© sur l’üle de Lesbos, Ă  l’est de la mer ÉgĂ©e. 

« Je suis obligĂ© de rester ici. Je n’ai pas d’autre choix », a-t-il dit avec amertume. « J’apprends le grec, car je ne peux pas partir d’ici, et je ne veux pas retourner en Iran ou en Afghanistan ». 
Les 60 garçons installĂ©s dans ce camp sont libres d’aller et venir, mais les habitants du village le plus proche les regardent avec mĂ©fiance, a dit M. Akhtari. Une grande partie de la journĂ©e est consacrĂ©e Ă  l’apprentissage du grec et aux cours d’horticulture qui doivent permettre aux garçons de trouver un travail dans les fermes voisines, mais « les soirĂ©es sont longues », a dit M. Akhtari. 

Alors que seulement dix garçons ont trouvĂ© un emploi sur l’üle – gĂ©nĂ©ralement des emplois saisonniers - Katerina Maliwtaki, coordinatrice du centre, a indiquĂ© que les garçons sont confrontĂ©s Ă  l’incertitude de leur avenir. « Ils sont coincĂ©s en GrĂšce, et leurs chances d’obtenir l’asile sont trĂšs faibles », a-t-elle dit Ă  IRIN.

M. Akhtari a dit qu’il s’inquiĂ©tait davantage pour sa famille restĂ©e en Iran que pour son avenir. « Mon pĂšre a Ă©tĂ© dĂ©portĂ© en Afghanistan, ma mĂšre et mes sƓurs sont seules, et les prix sont en augmentation », a-t-il dit. 

« Je veux aller en Suisse, car je pense que c’est le pays le plus paisible au monde, mais, Ă  moins d’avoir de l’argent pour payer un passeur, il est difficile de franchir les frontiĂšres en ce moment ». 

*Le nom a été changé

pdf: http://www.irinnews.org/fr/Report/96580/MIGRATION-Des-adolescents-migran...

Pays: 

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