Malnutrition au Niger: "La pĂ©riode critique, c’est maintenant"

Summary: En 2006, la situation est moins grave qu’en 2005, mais certaines rĂ©gions sont dĂ©munies, et les prochaines rĂ©coltes n’arriveront pas avant septembre ou octobre.

[PARIS, 6 juillet 2006] -

Qu’est-ce qu’ont donnĂ© les derniĂšres rĂ©coltes au Niger ?

Les rĂ©coltes de l’automne 2005 ont Ă©tĂ© globalement bonnes par rapport aux autres annĂ©es. La situation est bien meilleure que l’an dernier. Mais il y a des disparitĂ©s, avec des poches d’insĂ©curitĂ© alimentaire qui subsistent. Ce sont toujours les mĂȘmes rĂ©gions qui manquent le plus : celles de Maradi, de Zinder, de Tahoua, de Diffa, qui sont pourtant des rĂ©gions agricoles.

Quelle est la pĂ©riode de l’annĂ©e la plus critique pour les NigĂ©riens ?

C’est maintenant. Les rĂ©coltes se font en septembre-octobre. Quand l’essentiel des vivres a Ă©tĂ© consommĂ©, gĂ©nĂ©ralement Ă  partir du mois de juin, vient la pĂ©riode de soudure oĂč le manque se fait ressentir car les rĂ©coltes suivantes ne seront disponibles qu’en septembre-octobre. La saison des pluies commence maintenant. Elle est mĂȘme un peu en retard sur les autres annĂ©es, puisque 40% seulement des villages ont pu semer. Les autres devront semer plus tard, ce qui repoussera la rĂ©colte sans doute au mois d’octobre, rallongeant ainsi la pĂ©riode de soudure. Les paysans qui se sont appauvris au fil des crises voient leur statut empirer, ce qui entraĂźne chez les enfants une aggravation de la malnutrition aiguĂ«.

Quelle est la rĂ©ponse d’urgence apportĂ©e Ă  la malnutrition par l’Unicef et ses partenaires ?

L’Unicef et ses partenaires prĂ©voient de soigner 500 000 enfants au cours de l’annĂ©e 2006. Il y a un dĂ©pistage de la malnutrition dans les villages, effectuĂ© par plusieurs partenaires humanitaires. Les enfants sont pesĂ©s, leur Ă©tat peut ĂȘtre jugĂ© satisfaisant ou bien relever de la malnutrition aiguĂ«, modĂ©rĂ©e ou sĂ©vĂšre. En cas de malnutrition modĂ©rĂ©e, ils sont suivis par un CRENA (centre de rĂ©cupĂ©ration nutritionnelle ambulante) : une Ă©quipe passe chaque semaine au village, l’enfant est pesĂ©, une ration alimentaire est distribuĂ©e et le rendez-vous est pris pour la semaine suivante. En cas de malnutrition sĂ©vĂšre, les enfants sont hospitalisĂ©s dans les chefs lieux de dĂ©partements, dans un CRENI, centre de rĂ©cupĂ©ration nutritionnelle intensive, oĂč en plus du programme nutritionnel ils sont soignĂ©s contre les maladies qu’ils ont contractĂ©es en raison de leur extrĂȘme fragilitĂ©, diarrhĂ©es, pneumonies, etc. Nous essayons d’avoir un suivi des enfants une fois rĂ©tablis, surtout pour les cas de malnutrition sĂ©vĂšre. Une ration de protection et de santĂ© est distribuĂ©e en fin de prise en charge : elle est censĂ©e les mettre hors de danger pour les deux mois Ă  venir. Des rendez-vous sont pris sur plusieurs mois. Nos Ă©valuations font Ă©tat de bons rĂ©sultats.

En marge des actions de nutrition thérapeutique, comment se déroule la campagne de distribution de suppléments alimentaires qui cible 234 000 enfants de moins de trois ans ?

La campagne a pour but d’éviter que les enfants les plus vulnĂ©rables ne tombent dans la malnutrition aiguĂ«. Elle dĂ©bute maintenant. Elle associe, l’Unicef, le PAM et plusieurs ONG. Elle vise les villages qui sont situĂ©s dans un rayon supĂ©rieur Ă  dix kilomĂštres autour des bourgs oĂč sont basĂ©s les CRENA et qui sortent donc du champ de visites de ces centres ambulants. Cette fois-ci, des Ă©quipes passeront une fois par mois, Ă  trois reprises (en juillet, en aoĂ»t et en septembre) et distribueront Ă  tous les enfants de moins de trois ans des rations d’UNIMIX (farine hautement nutritive enrichie en vitamines et minĂ©raux) et des supplĂ©ments alimentaires BP5 (biscuits protĂ©iniques). Dans les cas de malnutrition sĂ©vĂšre, les enfants seront envoyĂ©s vers les CRENI oĂč l’alimentation thĂ©rapeutique dont ils bĂ©nĂ©ficient est le plumpy’nut.

Succinctement, quelles sont les autres actions menĂ©es par l’Unicef pour la santĂ© des enfants en matiĂšre de vaccination, de lutte contre le paludisme, etc ?

Il y a eu de gros progrĂšs dans la vaccination de base des enfants de moins d’un an. Entre 2000 et 2005, leur taux de vaccination est passĂ© de 20 Ă  80 pour cent. C’est le rĂ©sultat du travail conjoint du gouvernement et de l’Unicef, qui fournit les vaccins. D’autre part, des maladies comme la diarrhĂ©e et la pneumonie sont prises en charge dans les quelque 800 centres et cases de santĂ© existant Ă  travers le pays. Une attention est portĂ©e Ă  la santĂ© maternelle, Ă  travers notamment les consultations prĂ©natales : il y a des activitĂ©s fixes au niveau des centres de santĂ© mais des Ă©quipes avancĂ©es viennent aussi au devant de la population dans les villages. C’est l’occasion aussi de faire des tests VIH et d’agir Ă©ventuellement en matiĂšre de prĂ©vention de la transmission du virus de la mĂšre Ă  l’enfant. D’autre part, des moustiquaires sont distribuĂ©es pour lutter contre le paludisme.

Quels sont les transformations de long terme, par exemple sur le plan politique, dont le Niger aurait besoin pour résoudre la malnutrition ?

Une politique de prise en charge de la malnutrition aiguĂ« est indispensable mais pas suffisante. Il faut y ajouter une politique de prĂ©vention, qui passerait par la promotion de l’allaitement maternel exclusif (jusqu’à 6 mois), l’éducation nutritionnelle des parents (les enfants doivent consommer des lĂ©gumes, des Ɠufs
) et la promotion de l’espacement des naissances. Le taux de fĂ©conditĂ© est de 8 enfants par femme : c’est trop, et pour elles, et pour les enfants dont elle ne peuvent pas s’occuper aussi longtemps qu’ils en auraient besoin.

La promotion de l’allaitement ne va-t-elle pas Ă  l’encontre de la prĂ©vention du sida ?

Le Niger a une sĂ©roprĂ©valence relativement faible : autour de 1 pour cent. L’Unicef promeut l’allaitement parce que nous considĂ©rons que le risque pour des enfants Ă©levĂ©s au sein d’attraper le sida est moindre que celui de mourir de diarrhĂ©es ou d’autres maladies s’ils sont privĂ©s de lait maternel. Ça ne nous empĂȘche pas d’ĂȘtre vigilants sur le dĂ©pistage du VIH chez les femmes enceintes.

Quelles autres transformations faut-il promouvoir à plus long terme ?

Il y a beaucoup Ă  faire. Il faut une politique de dĂ©veloppement agricole pour que les rĂ©coltes donnent un meilleur rendement. Il faudrait Ă©galement favoriser la gestion des stocks. Les banques cĂ©rĂ©aliĂšres instituĂ©es avec l’appui de l’Unicef vont dans le bon sens. Dans les villages, l’Unicef donne un stock de cĂ©rĂ©ales, gĂ©nĂ©ralement Ă  un groupe de femmes. Elles peuvent revendre ce stock Ă  un prix modĂ©rĂ© (loin des prix inabordables du marchĂ©). Le remboursement peut se faire Ă  la prochaine rĂ©colte.

 

Informations supplémentaires

Owner: Interview du Coordonnateur des programmes de l’Unicef au Niger, Isselmou Ould Boukhary. pdf: http://www.unicef.fr/accueil/sur-le-terrain/pays/afrique-de-l-ouest-et-c...

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