MALI : Les rebelles du Nord perpĂštrent des crimes de guerre

Summary: Les groupes armés commettent des viols et utilisent des enfants soldats.

[Bamako, le 30 avril 2012] – Les rebelles touaregs sĂ©paratistes, les groupes islamistes armĂ©s et les milices arabes qui ont pris le contrĂŽle du nord du Mali en avril 2012 ont commis de nombreux crimes de guerre, notamment le viol, l’utilisation d’enfants soldats et le pillage d’hĂŽpitaux, d’écoles, d’organismes d’aide et d’édifices gouvernementaux, a dĂ©clarĂ© Human Rights Watch aujourd’hui. Un groupe armĂ© islamiste a exĂ©cutĂ© sommairement deux hommes, amputĂ© la main d’au moins un autre, effectuĂ© des flagellations publiques, et menacĂ© des femmes et des chrĂ©tiens.‹‹Human Rights Watch a Ă©galement reçu des informations crĂ©dibles selon lesquelles des soldats de l’armĂ©e malienne ont arrĂȘtĂ© arbitrairement et, dans certains cas, exĂ©cutĂ© sommairement des membres des services de sĂ©curitĂ© ainsi que des civils appartenant Ă  l’ethnie touareg.‚‚« Au cours des derniĂšres semaines, les groupes armĂ©s dans le nord du Mali ont terrorisĂ© les civils en commettant des enlĂšvements et en pillant les hĂŽpitaux », a dĂ©clarĂ© Corinne Dufka [4], chercheuse senior sur l’Afrique Ă  Human Rights Watch. « Les commandants de ces groupes doivent cesser les exactions, discipliner leurs combattants, et sanctionner de maniĂšre appropriĂ©e les personnes dans leurs rangs responsables de ces crimes. »‚‚Au mois d’avril, Human Rights Watch a menĂ© une mission de 10 jours dans la capitale malienne, Bamako, et a documentĂ© les exactions commises par plusieurs groupes armĂ©s qui opĂšrent dans le nord du Mali. Le Mouvement national pour la libĂ©ration de l’Azawad (MNLA), un mouvement sĂ©paratiste touareg, cherche Ă  obtenir l’autonomie pour le Nord, qu’il appelle Azawad. Les Touaregs sont un peuple berbĂšre, traditionnellement nomades. Ansar Dine est un groupe armĂ© islamiste qui veut imposer une interprĂ©tation stricte de la charia – la loi islamique – dans tout le Mali. Une milice d’ethnie arabe locale, basĂ©e dans la ville historique de Tombouctou et dans ses alentours, Ă©tait alliĂ©e avec le gouvernement malien, mais le jour oĂč Tombouctou est tombĂ©e, elle a changĂ© de camp et s’est depuis scindĂ©e en au moins deux groupes ayant des objectifs militaires et politiques incertains.‹‹Ceux-ci, ainsi que d’autres groupes armĂ©s, se sont engagĂ©s dans des opĂ©rations en janvier 2012, lorsque le MNLA a lancĂ© son offensive visant Ă  crĂ©er un État sĂ©paratiste. Bien qu’ils n’aient pas conclu une alliance formelle, les tĂ©moins et les analystes les dĂ©crivent comme Ă©tant devenus des alliĂ©s dans le but commun de reprendre du territoire Ă  l’armĂ©e malienne et de consolider leur contrĂŽle sur les rĂ©gions de Kidal, Tombouctou et Gao, dans le nord du pays (chaque rĂ©gion a une ville capitale du mĂȘme nom). Les groupes maintiennent des siĂšges distincts dans chacune des capitales rĂ©gionales et sont identifiĂ©s grĂące aux drapeaux arborĂ©s par leurs vĂ©hicules, leurs uniformes, les points stratĂ©giques particuliers – tels que les ponts et les aĂ©roports – qu’ils contrĂŽlent, et les quartiers dans lesquels leurs combattants sont concentrĂ©s.‹‹La grande majoritĂ© des exactions documentĂ©es par Human Rights Watch se sont produites durant les derniers jours de mars et les deux premiĂšres semaines d’avril, aprĂšs que les groupes armĂ©s ont pris le contrĂŽle de Kidal le 30 mars, de Gao le 31 mars, et de Tombouctou le 1er avril. L’avance rapide des rebelles a profitĂ© du chaos politique et sĂ©curitaire crĂ©Ă© lorsque des officiers maliens de l’armĂ©e de grade infĂ©rieur ont organisĂ© un coup d’État le 22 mars en rĂ©ponse Ă  ce qu’ils considĂ©raient comme une rĂ©ponse inadĂ©quate du gouvernement Ă  la rĂ©bellion du MNLA. Un grand nombre de combattants touaregs, tant du MNLA que d’Ansar Dine avaient auparavant appuyĂ© le gouvernement libyen de Mouammar Kadhafi, et sont retournĂ©s au Mali avec des armes en provenance de Libye aprĂšs qu’il a Ă©tĂ© Ă©vincĂ©.‹‹Les combats et l’insĂ©curitĂ© rĂ©cents, la pĂ©nurie de nourriture et de mĂ©dicaments, et le manque de banques, d’écoles et de services en Ă©tat de fonctionnement ont poussĂ© des dizaines de milliers de Maliens Ă  fuir vers le sud du pays contrĂŽlĂ© par le gouvernement et vers les pays voisins. Des tĂ©moins ont dĂ©crit des autobus et des camions dĂ©bordant de civils en fuite, qui ont souvent fait l’objet d’extorsion de fonds aux points de contrĂŽle du MNLA alors qu’ils fuyaient.‹‹Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies estime que, depuis janvier 2012, au moins 284 000 habitants avaient fui leurs foyers Ă  la suite du conflit armĂ© dans le Nord, dont environ 107 000 seraient dĂ©placĂ©s Ă  l’intĂ©rieur du pays et environ 177 000 ont fui vers les pays voisins, notamment le Niger, le Burkina Faso, l’AlgĂ©rie et la Mauritanie.‹‹Human Rights Watch a interrogĂ© plus de 100 victimes et tĂ©moins des exactions, ainsi que des autoritĂ©s religieuses locales, du personnel mĂ©dical, des chefs traditionnels, des membres de groupes locaux de dĂ©fense des droits humains, des responsables gouvernementaux et des travailleurs humanitaires. La plupart des tĂ©moins avaient fui les zones touchĂ©es ; ceux qui sont restĂ©s dans les zones sous le contrĂŽle des rebelles ont Ă©tĂ© interviewĂ©s par tĂ©lĂ©phone. Des tĂ©moins ont dĂ©crit les exactions qui ont lieu au Nord dans les villes de Gao, Tombouctou, DirĂ©, NiafounkĂ©, Ansongo et, dans une moindre mesure, Kidal.‹‹Des victimes, des tĂ©moins et des membres des familles des victimes ont signalĂ© Ă  Human Rights Watch une vague d’enlĂšvements de femmes et de filles par les groupes armĂ©s. Des tĂ©moins ont dĂ©crit les enlĂšvements par les rebelles d’au moins 17 femmes et de filles dont certaines n’avaient pas plus de 12 ans. Une jeune fille de 14 ans a indiquĂ© Ă  Human Rights Watch que six rebelles l’ont retenue captive Ă  Gao et l’ont violĂ©e sur une pĂ©riode de quatre jours. Un rĂ©sident de Tombouctou a expliquĂ© Ă  Human Rights Watch qu’il avait vu trois miliciens arabes entrainer de force une fille d’environ 12 ans depuis chez sa mĂšre jusque dans un bĂątiment abandonnĂ©, oĂč elle a Ă©tĂ© violĂ©e. Les tĂ©moins et les membres des familles qui avaient parlĂ© avec plusieurs autres victimes ont affirmĂ© que les filles et les femmes enlevĂ©es avaient Ă©tĂ© agressĂ©es sexuellement par les rebelles. Une personne a indiquĂ© que les rebelles ont enlevĂ© trois jeunes femmes de la mĂȘme famille dans une rĂ©sidence Ă  Gao, les ont violĂ©es et les ont ramenĂ©es le lendemain. La majoritĂ© de ces crimes ont eu lieu Ă  Gao peu de temps aprĂšs que la ville est tombĂ©e entre les mains des groupes rebelles, mais aussi Ă  Tombouctou, NiafounkĂ©, et dans des villages Ă  proximitĂ© de DirĂ©.‹‹La grande majoritĂ© de ces enlĂšvements et viols prĂ©sumĂ©s, selon les tĂ©moins, auraient Ă©tĂ© effectuĂ©s par des hommes armĂ©s parlant la langue tamashek locale au volant de voitures portant le drapeau touareg sĂ©paratiste du MNLA. La plupart des enlĂšvements documentĂ©s par Human Rights Watch ont eu lieu dans des quartiers oĂč des tĂ©moins ont indiquĂ© qu’il y avait une forte concentration de combattants du MNLA.‹‹Presque tous les tĂ©moins interrogĂ©s par Human Rights Watch ont fait Ă©tat d’actes de pillage perpĂ©trĂ©s par les rebelles du MNLA et, dans le sillage immĂ©diat du retrait de l’armĂ©e Ă  Tombouctou, par des milices arabes. Selon des tĂ©moins, le groupe rebelle islamiste Ansar Dine a dĂ©truit plusieurs bars et hĂŽtels qu’il associait Ă  la consommation d’alcool et la prostitution, et s’est livrĂ© au pillage, mais Ă  une Ă©chelle bien moindre. Un grand nombre de rĂ©sidents locaux et quelques prisonniers qui avaient Ă©tĂ© tirĂ©s de prisons locales au cours de l’avancĂ©e des rebelles auraient Ă©galement participĂ© au pillage, dans de nombreux cas aux cĂŽtĂ©s des rebelles du MNLA.‹‹Des tĂ©moins ont dĂ©crit plusieurs jours de pillage, qui ont commencĂ© le jour oĂč l’armĂ©e malienne a Ă©tĂ© soit contrainte de battre en retraite ou a abandonnĂ© ses positions dans ces zones. Les rebelles ont fait irruption dans les hĂŽpitaux et les Ă©tablissements mĂ©dicaux, oĂč ils ont pillĂ© les biens ainsi que menacĂ© et maltraitĂ© le personnel et les patients. Ils ont Ă©galement pillĂ© des bĂątiments gouvernementaux locaux, des banques, des bureaux et des entrepĂŽts d’aide maliens et internationaux, les maisons de reprĂ©sentants locaux, des Ă©coles et des Ă©glises.‹‹Le personnel hospitalier de Gao et de Tombouctou a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch que les patients dans les hĂŽpitaux publics locaux ont Ă©tĂ© contraints de quitter leurs lits et ont Ă©tĂ© laissĂ©s sur le sol aprĂšs que les rebelles ont volĂ© des matelas. Quatre patients Ă  Gao, notamment des patients ĂągĂ©s sous oxygĂšne, sont dĂ©cĂ©dĂ©s aprĂšs que le personnel terrifiĂ© s’est enfui, laissant les patients sans personnel mĂ©dical pour s’occuper d’eux. Des tĂ©moins ont Ă©galement dĂ©crit avoir vu les rebelles charger leurs vĂ©hicules et, dans quelques cas, de gros camions, avec des meubles, des ordinateurs, des imprimantes, des climatiseurs, des rĂ©frigĂ©rateurs, des tĂ©lĂ©viseurs, des vĂȘtements, des chaussures, du bĂ©tail et d’autres articles. Un grand nombre d’autres personnes ont signalĂ© que les rebelles ont volĂ© leurs motos et leurs voitures, souvent sous la menace des armes.‹‹Les rĂ©sidents de plusieurs villes et villages dans le Nord ont dĂ©crit la prĂ©sence d’enfants n’ayant pas plus de 13 ans dans les rangs du MNLA et dans une moindre mesure au sein des milices arabes et d’Ansar Dine. Des soldats maliens, qui avaient Ă©tĂ© retenus captifs par les rebelles pendant des semaines, ainsi que d’autres tĂ©moins ont dĂ©clarĂ© que des enfants avaient fait partie du MNLA depuis que celui-ci avait commencĂ© les opĂ©rations dans le Nord en janvier. Les rĂ©sidents ont observĂ© certains enfants prendre une part active dans le pillage suite Ă  la chute des villes et des villages aux mains des rebelles. Le Mali est un État partie au Protocole facultatif Ă  la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armĂ©s, qui interdit le recrutement et l’utilisation dans les hostilitĂ©s d’enfants de moins de 18 ans par des groupes non Ă©tatiques armĂ©s.‹‹Les combattants d’Ansar Dine ont pris plusieurs mesures pour protĂ©ger les civils des pillages, violences sexuelles et autres exactions gĂ©nĂ©ralisĂ©es commises par le MNLA, les milices arabes, et les criminels de droit commun. Le groupe islamiste a mis en place des lignes d’appel directes et menĂ© des patrouilles Ă  pied et motorisĂ©es. Mais des tĂ©moins ont indiquĂ© qu’Ansar Dine a Ă©galement exĂ©cutĂ© sommairement deux hommes Ă  Gao et amputĂ© les mains d’un rebelle du MNLA Ă  Kidal dans le cadre de sa rĂ©pression. Des rĂ©sidents de Gao ont dĂ©clarĂ© qu’au dĂ©but du mois d’avril, Ansar Dine avait coupĂ© l’oreille d’une femme pour avoir portĂ© une jupe courte et fouettĂ© des hommes qui avaient consommĂ© de l’alcool et commis des larcins.‹‹Le pillage de plusieurs Ă©glises, d’une Ă©cole biblique et d’une station de radio chrĂ©tienne ainsi que la destruction d’icĂŽnes religieuses par le MNLA et des combattants d’Ansar Dine ont provoquĂ© l’exode des rĂ©sidents chrĂ©tiens de ces rĂ©gions, selon des tĂ©moignages recueillis par Human Rights Watch.‹‹Des tĂ©moins ont Ă©galement signalĂ© que le 2 avril, des soldats du gouvernement malien Ă  SĂ©varĂ© ont dĂ©tenu et exĂ©cutĂ© au moins quatre membres touareg des services de sĂ©curitĂ© maliens, dont deux gendarmes, un gendarme cadet et une quatriĂšme personne qui aurait Ă©tĂ© un soldat de l’armĂ©e. D’autres tĂ©moins ont rapportĂ© Ă  Human Rights Watch que depuis le dĂ©but du mois d’avril, des soldats occupant des points de contrĂŽle ont enlevĂ© un grand nombre d’hommes ayant la peau claire, notamment des Touaregs, des Arabes et des Mauritaniens, voyageant en autobus entre le Sud contrĂŽlĂ© par le gouvernement et le Nord tenu par les rebelles. Il est Ă  craindre que quelques-uns de ces hommes n’aient Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s.‹‹Les combats dans le nord du Mali constituent un conflit armĂ© au regard du droit international. Toutes les parties au conflit, y compris les groupes rebelles, sont tenus de se conformer au droit international humanitaire, qui interdit tout mauvais traitement des personnes en dĂ©tention, le viol, le pillage, l’utilisation d’enfants soldats, et autres exactions. Les personnes qui commettent dĂ©libĂ©rĂ©ment des violations graves du droit international humanitaire sont responsables de crimes de guerre. Les commandants sont redevables au titre de la responsabilitĂ© de commandement pour les crimes commis par leurs subordonnĂ©s s’ils Ă©taient au courant, ou auraient dĂ» avoir connaissance des crimes, mais ne les ont pas empĂȘchĂ©s ni n’ont puni leurs auteurs.‹‹Human Rights Watch appelle les dirigeants militaires et politiques de chaque groupe armĂ© dans le nord du Mali Ă  :

            Adopter toutes les mesures nécessaires pour respecter le droit international humanitaire.

            Émettre immĂ©diatement des ordres interdisant le mauvais traitement des personnes en dĂ©tention, le viol, le pillage, et autres violations du droit international humanitaire.

            Émettre immĂ©diatement des ordres interdisant les attaques contre les civils et les structures civiles, notamment les Ă©tablissements mĂ©dicaux, les Ă©coles et les lieux de culte.

            Cesser le recrutement et l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans dans les hostilitĂ©s, libĂ©rer tous les enfants prĂ©sents dans leurs rangs, et travailler avec les agences de protection de l’enfance pour renvoyer ces enfants dans leurs foyers.

            Garantir et protéger les droits humains fondamentaux des civils dans les zones sous leur contrÎle, notamment ceux qui ont fui leurs maisons et sont revenus.

            Mener des enquĂȘtes et sanctionner de façon appropriĂ©e les commandants et les combattants qui se sont rendus coupables de violations du droit international humanitaire, notamment les enlĂšvements, le viol, le recrutement d’enfants soldats, le pillage et autres exactions. Suspendre ceux contre lesquels il existe des allĂ©gations de mauvais traitement crĂ©dibles durant les enquĂȘtes en cours d’instruction.

            Cesser les chùtiments cruels et inhumains prohibés par le droit international, tels que les exécutions, les flagellations et les amputations perpétrées par Ansar Dine.

            Faciliter l’accùs impartial et sans entraves aux organisations fournissant une aide humanitaire.

            Mettre en Ɠuvre toutes les mesures possibles pour avertir les personnes dans les zones sous leur contrĂŽle de la menace des engins non explosĂ©s et chercher Ă  Ă©carter les civils des zones dangereuses, notamment par le marquage et la surveillance des zones touchĂ©es, l’éducation sur la manipulation des munitions non explosĂ©es et le partage des informations avec toutes les parties belligĂ©rantes sur le type, la quantitĂ© et la localisation des armes utilisĂ©es afin de faciliter la dĂ©pollution.

Human Rights Watch appelle Ă©galement le gouvernement du Mali Ă  inviter le Bureau du Haut Commissaire pour les droits de l’homme des Nations Unies pour surveiller et enquĂȘter sur les violations de droits humains commises dans le nord du pays.‹‹EnlĂšvement de filles et de femmes et violence sexuelle ‹Des victimes et des tĂ©moins ont dĂ©crit Ă  Human Rights Watch l’enlĂšvement de 17 femmes et filles par des groupes rebelles, principalement Ă  Gao. Certaines des femmes et des filles qui plus tard se sont Ă©chappĂ©es ont affirmĂ© que des rebelles les avaient violĂ©es. Dans tous les cas sauf un, les tĂ©moins estimaient que les ravisseurs Ă©taient des rebelles du MNLA, identifiĂ©s par les drapeaux sur leur voiture et la forte prĂ©sence du MNLA dans les quartiers oĂč les enlĂšvements ont eu lieu. Un tĂ©moin a indiquĂ© Ă  Human Rights Watch qu’il avait Ă©tĂ© tĂ©moin du viol collectif d’une jeune fille d’environ 12 ans par trois membres d’une milice arabe.‹‹Une fille de 14 ans a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch avoir Ă©tĂ© enlevĂ©e Ă  son domicile Ă  Gao et violĂ©e par six rebelles du MNLA pendant quatre jours. Plusieurs personnes ont affirmĂ© avoir vu des femmes et des filles n’ayant pas plus de 12 ans emmenĂ©es de force sous la menace des armes par des hommes armĂ©s. Souvent, les femmes et les filles avaient Ă©tĂ© emmenĂ©es dans des maisons, des hĂŽtels et autres bĂątiments abandonnĂ©s et agressĂ©es sexuellement, puis ramenĂ©es dans les 24 heures.‹‹Un militant de la sociĂ©tĂ© civile Ă  Gao a indiquĂ© Human Rights Watch qu’il avait documentĂ© huit cas de viol commis par des membres du MNLA, la plupart impliquant des jeunes filles d’environ 15 ans. Il a ajoutĂ© que la plupart des filles et leurs familles avaient fui vers le Niger.‹‹Plusieurs cas documentĂ©s par Human Rights Watch ont concernĂ© des victimes du groupe Bella, membres d’une caste d’esclaves traditionnelle dans la culture touareg. Le mot bella signifie « captif » en tamashek.‹‹Une dirigeante ĂągĂ©e de la communautĂ© a confiĂ© qu’elle avait essayĂ© de rĂ©conforter la mĂšre de trois filles Bella enlevĂ©es de leur maison Ă  Gao par des rebelles et violĂ©es pendant plusieurs heures, un incident que Human Rights Watch a confirmĂ©.‹‹Un commerçant de Gao a dĂ©clarĂ© Ă  Human Rights Watch qu’il avait Ă©tĂ© tĂ©moin de trois enlĂšvements et d’un enlĂšvement ratĂ© par le MNLA de filles et de jeunes femmes dont il a prĂ©cisĂ© qu’elles Ă©taient « toutes sans aucun doute ĂągĂ©es de moins de 20 ans – quelques-unes n’ayant peut-ĂȘtre pas plus de 16 ans ». Il a dĂ©clarĂ© que les enlĂšvements ont eu lieu en fin d’aprĂšs midi ou le soir sur la route principale qui traverse le ChĂąteau ou Ă  proximitĂ©, dans les 7Ăšme et 8Ăšme quartiers de Gao. Il a racontĂ© :

Dans chaque cas, les rebelles ont sautĂ© hors de leurs vĂ©hicules, saisi la jeune fille alors qu’elle se promenait, et l’ont hissĂ©e dans la voiture, en couvrant sa bouche afin qu’elle ne puisse pas crier. La quatriĂšme fois, la jeune fille a rĂ©ussi Ă  leur rĂ©sister et a pu crier, dĂ©clenchant ainsi l’alerte. Comme il y avait des gens Ă  proximitĂ©, ils l’ont laissĂ©e partir. Le lundi aprĂšs la chute de Gao, [le 2 avril], mon oncle m’a racontĂ© comment les rebelles sont entrĂ©s de force dans sa maison Ă  Gao, ont essayĂ© de prendre une de ses Ă©pouses. Il a ĂŽtĂ© son boubou [tunique] et a dĂ©clarĂ© : « Vous pouvez me tuer d’abord, mais vous ne prenez pas mes Ă©pouses ». Ils sont finalement partis.

Deux jeunes femmes qui ont fui Gao le 16 avril ont tĂ©moignĂ© de l’enlĂšvement d’une voisine de 14 ans par le MNLA le 3 avril. L’une d’elles a expliquĂ© Ă  Human Rights Watch :

En fin d’aprĂšs-midi, il y a eu un brouhaha derriĂšre notre maison. Un Land Cruiser de couleur beige arborant le drapeau du MNLA Ă©tait devant la tente oĂč vit une famille de Bella, ils ont dit Ă  la mĂšre qu’ils avaient besoin que sa fille cuisine pour eux. La mĂšre a refusĂ©, en disant qu’elle Ă©tait veuve, que ses deux enfants Ă©taient tout ce qu’elle avait. Les rebelles ont insistĂ©. Ils sont entrĂ©s de force dans la maison, en poussant la mĂšre de cĂŽtĂ©. Ils ont attrapĂ© la jeune fille, qui se cachait Ă  l’intĂ©rieur. La mĂšre les a suppliĂ©s de laisser sa fille tandis que celle-ci pleurait et criait qu’elle voulait sa mĂšre. Les hommes l’ont forcĂ©e Ă  monter dans la voiture ; la jeune fille se battait pour sortir. La mĂšre a essayĂ© de la tirer hors du camion, mais ils l’ont repoussĂ©e. Quelque temps plus tard, des hommes d’Ansar Dine [le groupe armĂ©] – ils ont un drapeau diffĂ©rent – sont venus pour enquĂȘter. Nous sommes allĂ©s lui dire que nous Ă©tions dĂ©solĂ©s, pour essayer de la rassurer [la mĂšre]. Ses yeux Ă©taient devenus rouges Ă  force de pleurer.

Human Rights Watch a interrogĂ© la jeune fille de 14 ans quelques jours aprĂšs qu’elle a dit qu’Ansar Dine l’avait aidĂ© Ă  s’échapper. Elle a expliquĂ© que ses ravisseurs l’avaient emmenĂ©e dans une maison dans la pĂ©riphĂ©rie de la ville de Gao, oĂč six rebelles l’ont violĂ©e Ă  plusieurs reprises pendant quatre jours. Elle a dit qu’ils l’avaient battue plusieurs fois alors qu’elle tentait de rĂ©sister aux agressions sexuelles. La maison se trouvait dans une zone de Gao que de nombreux tĂ©moins ont dĂ©crite comme ayant une forte concentration de rebelles du MNLA. La jeune fille a ajoutĂ© que, chaque fois que les rebelles partaient, ils l’enfermaient dans la maison. Le cinquiĂšme jour, des voisins qui avaient pris conscience de sa prĂ©sence ont prĂ©venu le groupe Ansar Dine, qui a contribuĂ© Ă  son Ă©vasion et a fourni des soins mĂ©dicaux.‹‹Un rĂ©sident de Tombouctou a dĂ©crit le viol collectif commis le 2 avril par trois membres d’une milice arabe locale d’une jeune fille qu’il a estimĂ©e ĂȘtre ĂągĂ©e de 12 ou 13 ans:

Le pillage de Tombouctou a commencĂ© le 1er avril, un dimanche, et lundi matin j’étais dans la rue avec mes voisins Ă  regarder et j’ai vu les voitures des rebelles passer en vitesse chargĂ©es de biens qu’ils avaient pillĂ©s, notamment dans le camp militaire plus loin sur la route. J’ai vu un 4 x 4 [vĂ©hicule] passer avec quelques jeunes armĂ©s de la milice arabe locale. Quelques minutes plus tard ils sont revenus Ă  pied et ont immĂ©diatement attrapĂ© violemment la fillette de 12 ans, qui criait, tout comme sa mĂšre. Les garçons [jeunes hommes] Ă©taient ĂągĂ©s d’environ 21 ou 22 ans. Plusieurs personnes ont criĂ© en signe de protestation, en disant qu’elles ne le permettraient pas, mais ils ont pointĂ© leurs armes sur nous... Les gens avaient peur et ne pouvaient pas croire que cela puisse se produire ouvertement. La mĂšre s’est battue pour retenir sa fille, mais elle n’a pas pu. Ils ont traĂźnĂ© la jeune fille qui criait dans une maison voisine en construction
 Deux d’entre eux se tenaient Ă  l’extĂ©rieur comme s’ils montaient la garde tandis que l’autre la violait Ă  l’intĂ©rieur. Puis ils ont Ă©changĂ© leur place jusqu’à ce que chacun d’entre eux soit allĂ© Ă  l’intĂ©rieur. Je ne peux pas vous dire a quel point c’était horrible, c’était affreux. Nous pouvions entendre ses pleurs. La mĂšre s’est effondrĂ©e en sanglots sur le sol. Une fois qu’ils en ont fini avec elle, la mĂšre s’est prĂ©cipitĂ©e pour chercher sa fille.

Le chef d’une famille Bella dans une petite ville prĂšs de Tombouctou a dĂ©crit l’enlĂšvement d’une femme de sa famille ĂągĂ©e de 20 ans le 13 avril vers 14 heures. AprĂšs sa libĂ©ration, la femme avait Ă©tĂ© amenĂ©e Ă  Bamako pour recevoir des soins mĂ©dicaux pour les sĂ©vices sexuels qu’elle avait endurĂ©s.

Nous avons vu un camion avec des hommes armĂ©s et le drapeau de l’Azawad (MNLA) s’arrĂȘter en face de notre maison et au moins cinq hommes armĂ©s en sortir. Ils sont entrĂ©s de force dans notre maison en brandissant des armes automatiques et des couteaux, et m’ont dit qu’ils emmenaient ma parente avec eux. En tant que chef de cette famille, j’ai refusĂ©. Ils ont insistĂ©, et j’ai pris 5 000 CFA [10 dollars amĂ©ricains] et les leur ai offerts, mais l’un d’eux a dit : « Ce n’est pas de l’argent que nous voulons ! » Ils l’ont emmenĂ©e de force et l’ont ramenĂ©e le lendemain dans l’aprĂšs-midi.

Recrutement et utilisation d’enfants soldats‹Presque tous les tĂ©moins avec lesquels Human Rights Watch s’est entretenu ont dĂ©crit la prĂ©sence d’enfants soldats dans les rangs du MNLA et, dans une moindre mesure, dans la milice arabe et le groupe Ansar Dine. Un grand nombre de ces enfants ont Ă©tĂ© dĂ©crits comme portant des fusils d’assaut militaires ainsi que des treillis dont certaines personnes ont indiquĂ© qu’ils « leur tombaient du corps ». La plupart des enfants combattants ont Ă©tĂ© estimĂ©s comme ayant entre 15 et 17 ans. Toutefois, certains tĂ©moins ont Ă©galement fait Ă©tat d’enfants ayant Ă  peine 12 ans parmi les rangs des rebelles.‹‹Plusieurs enseignants et Ă©tudiants de Gao, Tombouctou, DirĂ© et MĂ©naka ont dĂ©clarĂ© avoir reconnu des enfants combattants du MNLA. Les enfants ont Ă©tĂ© observĂ©s Ă  bord de voitures et de camions rebelles, se tenant aux cĂŽtĂ©s de rebelles adultes du MNLA aux postes de contrĂŽle, et se livrant parfois au pillage et Ă  l’extorsion.‹‹Les rĂ©sidents de Gao, DirĂ© et NiafounkĂ© ont signalĂ© une nouvelle vague de recrutement par Ansar Dine qui a commencĂ© Ă  la mi-avril. Un leader de la sociĂ©tĂ© civile locale a dĂ©clarĂ© qu’il avait rencontrĂ© les parents inquiets de quelques adolescents qui avaient Ă©tĂ© recrutĂ©s par Ansar Dine Ă  Gao, tandis qu’un tĂ©moin a fait Ă©tat de quelques adolescents parmi les nouvelles recrues entraĂźnĂ©es dans un camp Ă  quelque sept kilomĂštres de Gao. Un rĂ©sident qui a assistĂ© Ă  une rĂ©union d’information d’Ansar Dine Ă  DirĂ© a indiquĂ© que plusieurs adolescents armĂ©s se trouvaient parmi les reprĂ©sentants d’Ansar Dine lors de la sĂ©ance.‹‹Cambriolage, pillage et attaques d’hĂŽpitaux‹Le pillage systĂ©matique de stocks de nourriture dans des magasins, des marchĂ©s et des entrepĂŽts d’organisations d’aidelocaux, ainsi que le vol de fournitures mĂ©dicales dans des hĂŽpitaux et des cliniques, et la fermeture d’écoles, ont sans aucun doute contribuĂ© Ă  la dĂ©cision prise par des dizaines de milliers de civils de fuir le Nord sous contrĂŽle rebelle pour se rĂ©fugier dans le Sud contrĂŽlĂ© par le gouvernement, selon Human Rights Watch.‹‹Les civils qui avaient fui Gao, Tombouctou, Ansongo, et DirĂ© ont dĂ©crit le saccage et le pillage systĂ©matiques par les membres du MNLA et, Ă  Tombouctou et dans une moindre mesure Gao, par des milices arabes. Les vĂ©hicules dans lesquels les biens pillĂ©s ont Ă©tĂ© chargĂ©s portaient trĂšs souvent le drapeau du MNLA. Des civils ont Ă©galement pris part au pillage.‹‹Human Rights Watch a documentĂ© beaucoup moins de cas de saccage et de pillage de la part d’Ansar Dine. Au contraire, de nombreux tĂ©moins ont dĂ©crit les efforts d’Ansar Dine pour empĂȘcher le pillage, notamment en Ă©tablissant une ligne tĂ©lĂ©phonique d’urgence pour que les victimes de pillages et autres exactions puissent appeler Ă  l’aide. Il y a eu, cependant, quelques indications de distribution par Ansar Dine de nourriture qui avait Ă©tĂ© pillĂ©e dans les entrepĂŽts des agences d’aide.‹‹Depuis la prise de villes importantes telles que Gao, Kidal et Tombouctou, des groupes armĂ©s ont semblĂ© cibler les bĂątiments et les institutions du gouvernement, ainsi que les rĂ©sidences de hauts fonctionnaires et de membres des services de sĂ©curitĂ© maliens. Plus rĂ©cemment, ils ont dĂ©pouillĂ© des rĂ©sidents ordinaires au cours d’intrusions Ă  domicile, volĂ© des voitures et des motos, et attaquĂ© des boutiques et des petits commerces.‹‹Le personnel mĂ©dical de Gao et de Tombouctou a dĂ©clarĂ© que des rebelles avaient dĂ©valisĂ© les hĂŽpitaux et les cliniques, emportant des mĂ©dicaments et du matĂ©riel mĂ©dical, ainsi que du mobilier et des fournitures. Des tĂ©moins ont estimĂ© que des miliciens arabes Ă©taient responsables du pillage de l’hĂŽpital de Tombouctou. Un infirmier de Gao a dĂ©crit le pillage, qu’il a liĂ© au dĂ©cĂšs de quatre patients :

Ils sont arrivĂ©s Ă  23 heures le 31 mars. Ils ont fait le tour de l’hĂŽpital, en pointant leurs armes sur les membres des familles des blessĂ©s, en leur demandant s’ils Ă©taient des militaires ou non. Ils ont tout volĂ© – les mĂ©dicaments de la pharmacie ; les ordinateurs, les scanners, les imprimantes et les climatiseurs du bureau ; la Hilux [voiture] du directeur, l’ambulance, la Mercedes personnelle d’un mĂ©decin, et une quarantaine de motos appartenant au personnel hospitalier. À un moment donnĂ© ils sont venus avec un gros camion, qu’ils ont rempli avec des biens pillĂ©s de l’hĂŽpital. Je les ai vus arracher les tubes d’oxygĂšne d’un patient et le forcer Ă  s’allonger par terre afin de pouvoir prendre son matelas. La plupart des membres du personnel ont fui, terrifiĂ©s par ce que les rebelles pourraient faire, laissant les patients lĂ . Nous avons perdu quatre patients Ă  cause de ce pillage ; deux hommes ĂągĂ©s et une femme ĂągĂ©e, qui sont dĂ©cĂ©dĂ©s plus tard, aprĂšs que les membres de leur famille ont fui avec eux Ă  la maison, et un soldat qui avait Ă©tĂ© blessĂ© en se battant le samedi matin. Nous avions fait les premiers soins, et il aurait dĂ» ĂȘtre transfĂ©rĂ© en chirurgie, mais aprĂšs l’arrivĂ©e du MNLA, il n’était pas possible de pratiquer sur lui l’intervention chirurgicale dont il avait besoin. Les rebelles doivent ĂȘtre tenus pour responsables de leurs morts.

Une résidente ùgée de Gao, qui avait fui à Bamako, a décrit le pillage de Gao :

Durant une pĂ©riode de plusieurs jours, la ville de Gao a Ă©tĂ© pillĂ©e de fond en comble, de maniĂšre systĂ©matique – les bureaux gouvernementaux, les banques, les Ă©coles, les hĂŽpitaux et les Ă©glises, les entrepĂŽts et les bureaux des organisations humanitaires internationales, les maisons de responsables gouvernementaux. Cela ne peut ĂȘtre dĂ©crit que comme un festival tragique de pillages. Tout ce que l’État et les rĂ©sidents de Gao avaient travaillĂ© Ă  construire pour le bĂ©nĂ©fice de la population a Ă©tĂ© emportĂ© en quelques jours Ă  peine. Bien sĂ»r, la population locale, les prisonniers qui avaient Ă©tĂ© sortis de prison, et mĂȘme des habitants des villes et des villages voisins ont participĂ©, mais je pense que la majoritĂ© des pillages a Ă©tĂ© le fait du MNLA.

Les personnes qui avaient fui le Nord pour trouver refuge dans le Sud contrĂŽlĂ© par le gouvernement ont affirmĂ© avoir Ă©tĂ© forcĂ©es de payer un « droit de passage » avant d’ĂȘtre autorisĂ©es Ă  passer les points de contrĂŽle occupĂ©s par le MNLA. De nombreux tĂ©moins ont dĂ©clarĂ© que le MNLA avait menacĂ© de retenir tout civil dans l’incapacitĂ© de payer le montant exigĂ©. Parfois, des rebelles du MNLA ont braquĂ© leurs armes sur les conducteurs de vĂ©hicules pour les forcer Ă  payer. La plupart des personnes ont Ă©tĂ© contraintes Ă  payer de 1 000 Ă  3 000 CFA, tandis que les conducteurs se sont vu souvent demander de payer 50 000 CFA. (500 CFA = 1 dollar US.) Un Ă©tudiant qui a fui Kidal au dĂ©but du mois d’avril avec une trentaine d’autres civils a racontĂ© comment ils avaient Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ©s de leurs chaussures, vĂȘtements, appareils photo et tĂ©lĂ©phones Ă  un point de contrĂŽle du MNLA entre Kidal et Gao.‹‹ChĂątiments cruels et inhumains‹AprĂšs l’établissement de bases au sein de plusieurs villes du Nord, les dirigeants d’Ansar Dine ont dĂ©clarĂ© qu’ils imposeraient leur interprĂ©tation stricte de la charia. Cette interprĂ©tation comportait des exigences sur la façon dont les hommes et les femmes doivent s’habiller et avec qui les filles et les femmes pourraient ĂȘtre vues en public. Des femmes et des filles ont avouĂ© Ă  Human Rights Watch avoir peur de dĂ©sobĂ©ir Ă  ces directives.‹‹Ansar Dine a imposĂ© des peines sĂ©vĂšres contre plusieurs hommes ayant commis des dĂ©lits ou pour des violations de la charia. Selon plusieurs tĂ©moins, au dĂ©but du mois d’avril plusieurs hommes armĂ©s ont tendu une embuscade Ă  un bus dans la pĂ©riphĂ©rie de Gao, le dĂ©tournant sur une route secondaire. Suite Ă  la rĂ©ponse d’Ansar Dine Ă  un appel lancĂ© sur sa ligne d’assistance tĂ©lĂ©phonique, au moins un des hommes armĂ©s a tirĂ© sur les membres d’Ansar Dine qui arrivaient. Les membres d’Ansar Dine ont ensuite exĂ©cutĂ© deux des hommes armĂ©s, l’un en lui tranchant la gorge, l’autre en l’abattant par balle.‹‹Un tĂ©moin originaire de Kidal a dĂ©clarĂ© qu’au dĂ©but du mois d’avril, des membres d’Ansar Dine ont amputĂ© la main d’un rebelle du MNLA qui refusait de payer des achats Ă  un commerçant local :

 

Alors que je me faisais couper les cheveux, j’ai vu deux rebelles du MNLA – Ă  Kidal, ils partagent le pouvoir avec l’AQMI [Al-QaĂŻda au Maghreb islamique] et les gens d’Ansar Dine – acheter des choses dans un petit kiosque de l’autre cĂŽtĂ© de la rue. L’un d’eux a payĂ© le commerçant, mais l’autre a refusĂ© de payer. Le rebelle Ă©tait odieux et intimidant ; il a braquĂ© son arme sur le commerçant. À ce moment-lĂ , une patrouille d’Ansar Dine passait par lĂ  en voiture. Quatre d’entre eux ont sautĂ© hors du Land Cruiser et ont demandĂ© au propriĂ©taire du kiosque ce qui se passait. AprĂšs avoir entendu ses explications, l’un d’eux est allĂ© vers le camion, s’est emparĂ© d’un long couteau, puis du rebelle, a mis sa main sur un morceau de bois, et a tranchĂ© sa main droite au-dessus du poignet, en disant Ă  tout le monde que c’était ce qu’un voleur mĂ©rite. Ils ont parlĂ© de la charia ... Je tremblais, c’était trop. ... Nous ne connaissons pas ce type de violence au Mali.

 

Des tĂ©moins de Gao ont dĂ©crit comment le 20 avril, des membres d’Ansar Dine ont publiquement flagellĂ© devant une mosquĂ©e un homme qu’ils accusaient de consommer de l’alcool, et un autre pris en train de voler par un comitĂ© de surveillance de quartier local. Les hommes ont Ă©tĂ© fouettĂ©s 80 fois avec une branche.‹‹Alors que les rĂ©sidents chrĂ©tiens n’ont fait Ă©tat d’aucunes menaces directes ni de directives de quitter les villes dĂ©sormais sous le contrĂŽle des rebelles islamistes et du MNLA, ils ont interprĂ©tĂ© le pillage des Ă©glises et la destruction des icĂŽnes religieuses, notamment des bibles et des croix, comme un avertissement sĂ©rieux. Des responsables ecclĂ©siastiques Ă  Tombouctou et Gao ont affirmĂ© qu’autant le MNLA qu’Ansar Dine avaient largement pillĂ© au moins trois Ă©glises, une station de radio chrĂ©tienne et une Ă©cole biblique.‹‹Dommages infligĂ©s aux civils par les munitions explosives abandonnĂ©es ou pillĂ©es‹Depuis la fin de 2011, le nord du Mali a connu une prolifĂ©ration d’armes lourdes et lĂ©gĂšres. Cela a Ă©tĂ© le rĂ©sultat de l’éviction du dĂ©funt prĂ©sident libyen Mouammar Kadhafi en 2011 au cours de laquelle les entrepĂŽts de munitions et d’armes ont Ă©tĂ© largement laissĂ©s sans surveillance [5], et de l’abandon depuis janvier 2012 par l’armĂ©e malienne de ses camps militaires sur lesquels les rebelles, principalement le MNLA et l’Ansar Dine, ont dĂ©ferlĂ© et ont consolidĂ© le contrĂŽle du nord.‹‹Des habitants ont dĂ©clarĂ© que la manipulation nĂ©gligente par les rebelles des armes qu’ils avaient pillĂ©es dans des camps militaires dans le nord avait entraĂźnĂ© la mort de trois jeunes garçons et avait blessĂ© ou mutilĂ© au moins cinq autres. Dans certains endroits, des fusils militaires et des boĂźtes de grenades volĂ©s sont tombĂ©s des camions des rebelles qui roulaient Ă  grande vitesse Ă  travers les rues. Un rĂ©sident de Tombouctou a rapportĂ© :

 

J’habite le long de la route principale en provenance du camp militaire. AprĂšs que l’armĂ©e se soit enfuie et tandis que le camp Ă©tait pillĂ© par le MNLA et les milices arabes, j’ai vu des 4 x 4, dont certains qu’ils avaient volĂ© Ă  l’armĂ©e malienne, passer Ă  toute vitesse chargĂ©s de fusils et de boĂźtes de munitions. Tout Ă©tait empilĂ© si haut qu’il en tombait parfois dans la rue alors qu’ils conduisaient Ă  toute vitesse. À quelques occasions, j’ai vu des armes automatiques tomber, ainsi que quelques boĂźtes pleines de grenades. Quand elles ont heurtĂ© le sol, les grenades ont roulĂ© partout, se dispersant ça et lĂ  comme des mangues. Nous avons essayĂ© d’avertir les gens de ne pas les toucher, mais vous savez comment sont les enfants.

 

Deux adolescents ont Ă©tĂ© tuĂ©s et un autre a Ă©tĂ© griĂšvement blessĂ© Ă  Tombouctou le 11 avril, lorsque ce que les rĂ©sidents pensaient ĂȘtre une grenade a explosĂ© alors que les garçons jouaient avec. Un troisiĂšme garçon a perdu une main et une partie de sa jambe. Le 19 avril, un garçon de 12 ans est dĂ©cĂ©dĂ© Ă  NiafounkĂ© lorsque l’objet avec lequel il jouait a explosĂ©. Un employĂ© de l’hĂŽpital de Gao a indiquĂ© avoir traitĂ© un homme qui avait perdu les doigts d’une main dans l’explosion d’une grenade. Une infirmiĂšre de Kidal a signalĂ© avoir traitĂ© un adolescent qui avait perdu une partie de sa main quand le garçon a lancĂ© une pierre sur des munitions non explosĂ©es ; l’incident a blessĂ© deux autres garçons.‹‹Des habitants ont indiquĂ© que les autoritĂ©s rebelles avaient fait peu d’efforts pour collecter les armes ou informer le public sur le danger des munitions non explosĂ©es.‹‹DĂ©tention arbitraire et exĂ©cutions de Touaregs par les Forces armĂ©es maliennes‹Human Rights Watch a reçu des informations crĂ©dibles selon lesquelles des soldats de l’armĂ©e malienne ont arbitrairement arrĂȘtĂ© et, dans certains cas, sommairement exĂ©cutĂ© des membres touaregs des services de sĂ©curitĂ© et des civils touaregs voyageant entre le Nord sous contrĂŽle rebelle et le Sud contrĂŽlĂ© par le gouvernement.‹‹Un tĂ©moin a indiquĂ© Ă  Human Rights Watch qu’aux environs de 19 heures le 2 avril, trois hommes, dont deux gendarmes et un gendarme cadet, ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s par un camion plein de soldats de l’armĂ©e malienne venant d’une maison Ă  SĂ©varĂ©, Ă  570 kilomĂštres de Gao. Le tĂ©moin, une femme de la famille d’un des hommes, a dĂ©clarĂ© qu’elle a Ă©tĂ© informĂ©e par un membre des services de sĂ©curitĂ© que les hommes avaient Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s Ă  l’intĂ©rieur du camp militaire le mĂȘme soir. Les corps de quatre hommes, dont celui du membre de la famille de la femme qui a fourni son tĂ©moignage, ont Ă©tĂ© localisĂ©s Ă  la morgue de l’hĂŽpital local le lendemain. Cette femme et sa famille ont fui au Burkina Faso quelques jours plus tard.‹‹Des tĂ©moins ont indiquĂ© Ă  Human Rights Watch que le premier point de contrĂŽle tenu par l’armĂ©e malienne sur la route entre Gao et Bamako se trouve dans le village de Kona, prĂšs de la ville de SĂ©varĂ©. Un passager du bus qui est arrivĂ© au point de contrĂŽle le 22 avril a dĂ©crit ce qui s’est passĂ© :

 

Quand nous sommes arrivĂ©s au point de contrĂŽle, cela a Ă©tĂ© plus difficile pour ceux du nord, les Touaregs. Les militaires les ont distinguĂ©s par la couleur de leur peau. Ils les ont fait descendre du bus, tandis que le reste d’entre nous sommes restĂ©s Ă  bord. Ensuite, les militaires ont ordonnĂ© au bus de partir avec tous les autres. Nous les avons vus ĂȘtre fouillĂ©s alors que nous partions. La situation Ă©tait tendue, vraiment trĂšs tendue. Les soldats ont Ă©tĂ© brutaux avec eux.

 

Ces fouilles, la sĂ©paration des Touaregs quittant Gao, cela a commencĂ© aux alentours du 3 avril. Nous savons que plusieurs de ceux qui ont Ă©tĂ© sortis du bus ont disparu – Ă©tĂ© enlevĂ©s et exĂ©cutĂ©s sommairement.

 

Human Rights Watch appelle le gouvernement malien Ă  enquĂȘter sur les allĂ©gations de dĂ©tention arbitraire et d’exĂ©cutions sommaires au point de contrĂŽle de Kona, et Ă  prendre des mesures disciplinaires ou engager des poursuites de maniĂšre appropriĂ©e contre toute personne impliquĂ©e dans des exactions.

 

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