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Summary: Le ministĂšre de lâĂducation estime quâau moins 10 000 enfants sont actuellement dĂ©placĂ©s dans le sud et nâont pas accĂšs Ă lâĂ©ducation.
[Mopti, le 08 octobre 2012] - Les enseignants, le ministĂšre de lâĂducation et les organisations dâaide humanitaire travaillent dâarrache-pied pour offrir des cours de rattrapage aux milliers dâenfants dĂ©placĂ©s qui ont fui le nord du Mali pour se rĂ©fugier dans des villes du sud et les aider Ă terminer leur annĂ©e. Les enseignants et les familles qui sont restĂ©s dans le nord du pays font de mĂȘme : ils sont dĂ©terminĂ©s Ă tout mettre en Ćuvre pour que leurs enfants continuent dâapprendre malgrĂ© la fermeture de dizaines dâĂ©coles publiques et les changements importants apportĂ©s au programme. Le ministĂšre de lâĂducation estime quâau moins 10 000 enfants sont actuellement dĂ©placĂ©s dans le sud et nâont pas accĂšs Ă lâĂ©ducation. Et câest sans compter les enfants rĂ©fugiĂ©s qui vivent actuellement au Niger, en Mauritanie, en AlgĂ©rie et au Burkina Faso. Des dizaines de milliers dâenfants restĂ©s dans le nord du Mali sont Ă©galement laissĂ©s sans Ă©ducation. Selon un enseignant, Sidda TourĂ©, quelque 5 000 Ă©lĂšves ne peuvent frĂ©quenter lâĂ©cole Ă Gao seulement. Les enfants de Kidal, une ville du nord oĂč Ansar Dine nâa pas encore permis la rĂ©ouverture des Ă©coles publiques, sont peut-ĂȘtre les moins bien lotis. Selon Mahalmadane TourĂ©, un enseignant Ă la retraite et rĂ©sident de Kidal, les enfants ont seulement la possibilitĂ© de frĂ©quenter lâune des rares Ă©coles islamiques Ă©tablies. « Vous pouvez imaginer comment les enfants sont affectĂ©s : leur village est dâabord occupĂ© par des rebelles et ils doivent ensuite cesser leurs Ă©tudes », a dit Ă IRIN Hassimi TourĂ©, responsable de lâĂ©ducation primaire et secondaire auprĂšs du ministĂšre de lâĂducation dans la capitale, Bamako. Cours de rattrapage Ă lâAcadĂ©mie Robert CissĂ©, Ă Mopti, Ă 40 kilomĂštres des rĂ©gions septentrionales contrĂŽlĂ©es par les groupes islamistes, quelque 68 enfants sont entassĂ©s dans une salle de classe construite pour en accueillir 30. Ă trois par pupitre, leurs coudes se heurtent continuellement. Ils ont quittĂ© Gao, Tombouctou et Gossi, dans le nord, pour venir Ă©tudier ici. Certains vivent chez des proches, dâautres dans des camps de personnes dĂ©placĂ©es. Ceux qui sont venus seuls dorment Ă lâĂ©cole. Les Ă©lĂšves dorment sur de minces matelas quâils Ă©tendent dans les salles de classe le soir venu. La nourriture est rare et les conditions de vie sont difficiles, raconte Bintou Kane, qui a quittĂ© NiafunkĂ©, dans le nord, pour venir poursuivre sa scolaritĂ© dans le sud. « Jâai amenĂ© un sac de riz de chez moi, mais il est presque vide », a-t-elle dit Ă IRIN. Le Fonds des Nations Unies pour lâenfance (UNICEF) et le ministĂšre de lâĂducation apportent leur soutien Ă lâĂ©cole et offrent des cours de rattrapage aux quelque 4 000 enfants maliens qui devaient passer leurs examens annuels en juin dernier. Le gouvernement a quant Ă lui intĂ©grĂ© 6 800 enfants dans des Ă©coles ordinaires. En aoĂ»t dernier, lâenseignant dâhistoire Ibrahim MaĂŻga a quittĂ© NiafunkĂ© avec un groupe dâĂ©lĂšves pour venir vivre Ă Mopti. « Je ne peux pas enseigner dans une Ă©cole coranique », a-t-il dit Ă IRIN. Il ne sâattend pas Ă trouver un emploi Ă Mopti, mais il ne peut pas retourner chez lui. « Mon Ă©cole est fermĂ©e, je nâai nulle part oĂč aller », a-t-il ajoutĂ©. Ceux qui sont restĂ©s dans le nord du pays font tout ce quâils peuvent pour continuer dâenseigner. Certains ont crĂ©Ă© des Ă©coles privĂ©es, tandis que dâautres ont dĂ» apprendre Ă faire des compromis douloureux. Baba HaĂŻdara, qui enseignait auparavant lâanglais dans une Ă©cole secondaire de Tombouctou, a dĂ» abandonner cette matiĂšre et changer son style dâenseignement. Les classes ne sont plus mixtes, les garçons et les filles utilisent des entrĂ©es sĂ©parĂ©es et les filles sont voilĂ©es, mais on continue dâenseigner. « On sâadapte Ă cette rĂ©organisation des salles de classe et on tente mĂȘme dâen tirer profit en crĂ©ant lâĂ©mulation entre garçons et filles », a-t-il dit Ă IRIN. Lâenseignement de la philosophie et de la biologie est dĂ©sormais interdit. Ă Tombouctou, les parents et les enseignants donnent des cours de rattrapage Ă prĂšs de 6 000 Ă©lĂšves du secondaire dans quatre Ă©tablissements. Sans ces cours, je ne vois pas comment les enfants pourraient sâen sortir cette annĂ©e, a dit Inalbarak Ag Zeda, chef de division de lâenseignement secondaire de lâAcadĂ©mie de Tombouctou.
Les groupes islamistes qui ont pris le contrĂŽle du nord du Mali â Ansar Dine, le Mouvement pour lâunicitĂ© et le jihad en Afrique de lâOuest (MUJAO) et Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) â y ont imposĂ© la charia, fermant de nombreuses Ă©coles publiques, amputant les programmes dans dâautres et forçant des centaines dâenfants Ă frĂ©quenter des Ă©coles coraniques (ou madrasas), oĂč les enseignants sont des chefs religieux (imams).Â
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« Les enfants entendent parler des cours de rattrapage et ils viennent ici, souvent sans leurs parents. Dâautres viennent avec leur famille et sâinscrivent Ă leur arrivĂ©e », a dit Sory Ibrahima Tapo, directeur de lâAcadĂ©mie Robert CissĂ©.
La « détermination » des enseignants restés dans le nord
Les leaders locaux ont persuadĂ© le groupe islamiste Ansar Dine de reprendre les cours pour les adolescents de 15 ans et plus, mais les Ă©lĂšves plus jeunes nâont toujours pas accĂšs aux Ă©coles publiques.Â
Sidda TourĂ©, chargĂ© de lâĂ©ducation du Cadre de Concertation, un comitĂ© qui travaille en collaboration avec les islamistes afin de mieux gĂ©rer les secteurs de la santĂ©, de lâĂ©ducation, de lâeau et de lâĂ©nergie Ă Gao, a dit que les enseignants qui Ă©taient restĂ©s dans le nord du pays faisaient preuve dâune grande dĂ©termination. « Les islamistes nous imposent leur loi, la charia, mais cela ne nous empĂȘche pas dâĂ©duquer nos enfants Ă notre maniĂšre. Nous apprenons Ă nos enfants lâarabe, les principes de lâislam mais aussi les autres matiĂšres... Les nouvelles conditions nâont pas entamĂ© notre dĂ©termination⊠à assurer lâĂ©ducation de nos Ă©lĂšves. »Â
Un secteur déjà fragile
Selon les enseignants, ces nouvelles circonstances risquent de saper les progrĂšs accomplis rĂ©cemment par le Mali pour atteindre, dâici 2015, les Objectifs du MillĂ©naire pour le dĂ©veloppement (OMD) en matiĂšre dâĂ©ducation.
Le secteur de lâĂ©ducation malien est fragile : dans lâensemble du pays, 37 pour cent des garçons et 23 pour cent des filles seulement frĂ©quentent lâĂ©cole secondaire. Selon lâUNICEF toutefois, le taux de scolarisation primaire a augmentĂ© pour atteindre 93 pour cent.
Le ministĂšre de lâĂducation a étĂ© encore plus affaibli par le remaniement gouvernemental survenu Ă la suite du coup dâĂtat de mars 2012 qui a renversĂ© le prĂ©sident Amadou Toumani TourĂ© et placĂ© Dioncounda TraorĂ© Ă la tĂȘte du gouvernement de transition. Le financement accordĂ© par les bailleurs de fonds, qui Ă©tait versĂ© au ministĂšre par lâintermĂ©diaire du gouvernement, a Ă©tĂ© presque entiĂšrement cessĂ©.
MĂȘme avant la crise, des milliers dâenfants avaient de la difficultĂ© Ă complĂ©ter leurs Ă©tudes secondaires. Cette annĂ©e, une majoritĂ© dâĂ©lĂšves a manquĂ© plus de la moitiĂ© de lâannĂ©e scolaire, a dit Ă IRIN Gabrielle Menezes, chargĂ©e des communications pour la protection de lâenfant auprĂšs de lâUNICEF. LâUNICEF et le ministĂšre de lâĂducation tentent de trouver des solutions pour ramener les enfants Ă lâĂ©cole, mais ce nâest pas facile.
« Nous avons tentĂ© de persuader les islamistes de rouvrir toutes les Ă©coles dans le nord, mais comment sommes-nous censĂ©s gĂ©rer les Ă©coles en collaboration avec des gens qui sâopposent Ă lâĂtat et au systĂšme dâĂ©ducation public? » a dit M. TourĂ©, du ministĂšre de lâĂducation.Â
Les enseignants craignent que la situation se dĂ©tĂ©riore encore davantage si les forces de la CommunautĂ© Ă©conomique des Ătats de lâAfrique de lâOuest (CEDEAO) sont dĂ©ployĂ©es dans le nord. Cette intervention, si elle semble peu probable Ă court terme, pourrait entraĂźner de nouveaux dĂ©placements massifs de population.
pdf: http://www.irinnews.org/fr/Report/96481/MALI-Les-habitants-du-nord-se-ba...