MALAWI: L'intervention religieuse empeche la vaccination

Summary: LILONGWE, 12 aoĂ»t (IPS) - Dowa, centre de Malawi: le personnel mĂ©dical s’efforce de vacciner des enfants effrayĂ©s qui s’agrippent Ă  leurs parents, tandis qu’un policier armĂ© monte la garde.

La police avait prĂ©cĂ©demment rassemblĂ© des familles du village de Chitanje et les a fait marcher vers la clinique de Chankhungu Ă  quelques kilomĂštres. Les parents ont refusĂ© d’aider les agents mĂ©dicaux Ă  vacciner les enfants effrayĂ©s qui crient et qui se dĂ©battent pour rĂ©sister Ă  l’injection.

Plus de 52.000 personnes ont attrapĂ© la rougeole au Malawi depuis janvier, selon le directeur des services sanitaires de prĂ©vention, Storn Kabuluzi. Jusqu’à 166 personnes sont mortes.

La rougeole a Ă©tĂ© Ă©liminĂ©e Ă  travers l’Afrique australe au cours de ces derniĂšres annĂ©es, grĂące Ă  des campagnes de vaccination. L’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’enfance) annonce une augmentation inquiĂ©tante des cas en 2010. PrĂšs de 50.000 enfants dans 14 pays, majoritairement au Mozambique, en Zambie et au Malawi, ont Ă©tĂ© atteints par la maladie. En Zambie, 80 dĂ©cĂšs ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s.

Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) attribue la recrudescence de la maladie aux lacunes dans les programmes de vaccination, causĂ©es par l’insuffisance d’engagements financiers des gouvernements et des bailleurs de fonds internationaux. Les groupes qui interdisent la vaccination Ă  leurs enfants contribuent aussi au problĂšme.

Jusqu’à 2,4 millions d’enfants en Afrique orientale et australe n’ont pas Ă©tĂ© touchĂ©s par les autoritĂ©s sanitaires en 2009.

En réponse, des campagnes intensives de vaccination ont été lancées dans la plupart des pays.

Le ministre de la SantĂ© du Malawi est en train de mener une campagne de vaccination de masse, visant six millions d’enfants de moins de 15 ans, particuliĂšrement vulnĂ©rables Ă  la maladie.

"La campagne d’immunisation de masse est la plus grande que nous ayons eu ces derniĂšres annĂ©es et elle coĂ»tera jusqu’à 4,2 millions de dollars", a dĂ©clarĂ© Kabuluzi.

Mais tout le monde n’a pas accueilli la campagne – certains groupes religieux refusent de participer.

James Malili, 45 ans, pĂšre de trois enfants ĂągĂ©s de quatre, six et huit ans, a l’air abattu au moment oĂč ses enfants lui sont arrachĂ©s des mains pour ĂȘtre vaccinĂ©s Ă  Chankhungu.

"C’est contre la doctrine de mon Ă©glise d’aller Ă  l’hĂŽpital pour recevoir un quelconque mĂ©dicament, mais le gouvernement est en train de nous obliger Ă  pĂ©cher en usant d’intimidation pour nous faire vacciner nos enfants", a dĂ©clarĂ© Malili Ă  IPS. Il est adepte de l’Eglise de Sion, qui, explique-t-il, prĂȘche sur l’appel Ă  l’aide de Dieu lorsqu’un croyant est malade.

"Nous croyons en l’intervention divine. Nous savons que Dieu nous guĂ©rira et qu’aucun homme n’a de pouvoir sur quelque maladie que ce soit. Nous croyons que nos enfants seront protĂ©gĂ©s par Dieu et non par les vaccins", a dĂ©clarĂ© Malili.

Mais au moment oĂč la police s’est rendue mi-juillet dans le village de Chitanje dont Malili est originaire, 19 personnes Ă©taient mortes au cours des deux premiĂšres semaines de ce seul mois. L’église de Sion a rassemblĂ© toutes les personnes atteintes de la rougeole et les a mises dans une cachette pour les empĂȘcher d’aller recevoir des soins mĂ©dicaux, selon le porte-parole de la police de Dowa, Kondwani Kandiado.

"Nous pensons que certaines personnes seraient finalement allĂ©es Ă  l’hĂŽpital pour des soins mĂ©dicaux et faire vacciner leurs enfants si elles n’étaient pas empĂȘchĂ©es par les leaders religieux", a dĂ©clarĂ© Kandiado.

La police a fait une descente dans le village et arrĂȘtĂ© le chef de l’église, l’évĂȘque Lumbani Amos et trois autres anciens religieux. Ils encourent de lourdes peines d’emprisonnement. Kandiado a expliquĂ© que les quatre ont Ă©tĂ© accusĂ©s de nĂ©gligence envers des enfants en vertu de l’article 165 du code pĂ©nal.

"Douze membres de l’église, y compris le propre fils de l’évĂȘque, sont morts dans les cachettes. Nous avons rĂ©ussi Ă  sauver sept malades des cachettes et les avons amenĂ©s Ă  l’hĂŽpital oĂč ils ont reçu des soins mĂ©dicaux", a dĂ©clarĂ© Kandiado.

Les autorités malawites ont fait face à une résistance similaire à la vaccination ailleurs.

En juin, plus de 100 membres de l’Eglise apostolique du septiĂšme jour se sont barricadĂ©s dans un bĂątiment abandonnĂ© pendant une semaine dans le village de Namaona dans la rĂ©gion de Mulanje, au sud du Malawi. LĂ  Ă©galement, on a fait appel Ă  la police pour retirer les membres de l’église de leur cachette pour les obliger Ă  faire vacciner leurs enfants. Les malades Ă©taient amenĂ©s Ă  l’hĂŽpital.

La doctrine de l’Eglise apostolique du septiĂšme jour est que quiconque veut recevoir des soins mĂ©dicaux sera excommuniĂ©, selon Emily Kalimalima, membre de l’église.

"L’Eglise apostolique du septiĂšme jour est la seule vraie Ă©glise et je ne voudrais pas ĂȘtre excommuniĂ©e. Je ne veux pas brĂ»ler en enfer", a dĂ©clarĂ© Kalimalima, mĂšre de deux enfants ĂągĂ©s de sept et neuf ans.

"Je ne les ferai pas vacciner et personne ne m’obligera Ă  aller contre mes convictions", a-t-elle jurĂ©.

Kalimalima a expliqué que personne dans son église ne veut recevoir des soins médicaux pour quelque maladie quel ce soit, y compris celles graves telles que la tuberculose, le cancer et le VIH/SIDA.

Le prĂ©sident du Malawi, Bingu wa Mutharika, a condamnĂ© les groupes religieux qui empĂȘchent leurs membres d’aller recevoir des soins mĂ©dicaux. Lors d’une cĂ©rĂ©monie publique le 14 juillet, Mutharika a dĂ©crit les doctrines de ces Ă©glises comme "abominables, non bibliques et Ă©quivalentes au meurtre".

"Vous violez la loi si vous permettez que vos propres enfants meurent en leur interdisant de se faire vacciner", a annoncé Mutharika.

Il a demandĂ© aux membres des groupes religieux en question d’ĂȘtre "pondĂ©rĂ©s et rationnels" en respectant les droits des enfants. "Ne tuez pas les enfants au nom de la religion", a dĂ©clarĂ© Mutharika.

Pour le moment, l’épidĂ©mie de la rougeole n’est pas encore maĂźtrisĂ©e. Des cas ont Ă©tĂ© signalĂ©s dans les pensionnats dans la ville de Mzuzu, au nord du Malawi, oĂč le service de santĂ© de la rĂ©gion a publiĂ© un communiquĂ© indiquant que 13 Ă©lĂšves sont sous traitement. (FIN/2010)

pdf: http://www.ipsinternational.org/fr/_note.asp?idnews=6037

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