LIBAN: « L’extrĂȘme marginalisation sociale » de la communautĂ© Dom

Summary: De toutes les communautĂ©s qui vivent au Liban, les Dom, appelĂ©s « Gitans du Liban » par certains chercheurs, figurent parmi les plus marginalisĂ©s. Un nouveau rapport indique que jusqu’à 68 pour cent des enfants dom ne sont pas scolarisĂ©s.

[BEYROUTH, 12 juillet 2011] - « Il leur est difficile, voire presque impossible d’accĂ©der Ă  la protection juridique, aux soins de santĂ©, Ă  l’éducation, Ă  des abris appropriĂ©s et Ă  la nourriture », a indiquĂ© Charles Nasrallah, directeur de l’Association Insan,une organisation non gouvernementale (ONG) qui promeut le respect des droits des communautĂ©s vulnĂ©rables. « Ces problĂšmes ont Ă©tĂ© aggravĂ©s par l’extrĂȘme marginalisation sociale ».

Les Dom sont Ă©galement parfois appelĂ©s « Nawwar », un mot arabe Ă  connotation pĂ©jorative qui dĂ©signe une personne ayant une mauvaise hygiĂšne, paresseuse, qui mendie et a une moralitĂ© douteuse. Selon le rapport publiĂ© le 8 juillet par Insan et l’ONG suisse Terre des Hommes (TDH), nombre de Dom ont la nationalitĂ© libanaise, mais, en raison de cette discrimination profondĂ©ment enracinĂ©e, ils connaissent une situation encore plus difficile que les rĂ©fugiĂ©s palestiniens.

Les conclusions de l’étude « exhortent tous les acteurs de la communautĂ© humanitaire Ă  repenser leurs initiatives de programmation actuelles et Ă  prendre en compte la communautĂ© des Dom et ses enfants dans leurs actions humanitaires au Liban », a dit Jason Squire, dĂ©lĂ©guĂ© national de TDH au Liban. « La sociĂ©tĂ© libanaise dans son ensemble n’est pas confrontĂ©e aux difficultĂ©s quotidiennes vĂ©cues par les Dom », a-t-il ajoutĂ©.

Les Dom, qui se sont installĂ©s dans plusieurs pays du Moyen-Orient, comme le Liban, la Jordanie, les Territoires palestiniens occupĂ©s, la Turquie, l’Iraq et l’Iran, forment une minoritĂ© ethnique mal comprise. Les historiens pensent que les Dom, tout comme les Gitans d’Europe, sont des descendants des artistes itinĂ©rants qui ont quittĂ© l’Inde pour s’installer en Occident il y a quelques siĂšcles.

L’UniversitĂ© amĂ©ricaine de Beyrouth a rĂ©cemment publiĂ© une Ă©tude sur la pauvretĂ© parmi les rĂ©fugiĂ©s palestiniens au Liban. Cette Ă©tude a soulignĂ© que la plupart d’entre eux vivent avec environ 2,7 dollars par personne par jour. Selon Kristen Hope, chef de projet de TDH en charge du dossier des Dom, « environ 9 pour cent des Palestiniens prĂ©sents au Liban vivent en dessous du seuil de pauvretĂ© ».

En comparaison, le rapport rĂ©alisĂ© par l’association Insan et TDH a indiquĂ© que « plus de 30 pour cent des Dom interrogĂ©s vivent avec moins de un dollar par jour ».

Selon le groupe de rĂ©flexion Dom Research Centre, peu de Dom qui vivent dans les villes occupent un emploi rĂ©gulier. Ils mendient dans les rues, jouent du tambour, de la flute ou d’autres instruments aux mariages et aux fĂȘtes, disent la bonne aventure et rĂ©alisent des travaux manuels.

Bidonvilles

L’association Insan et TDH ont interrogĂ© des membres de la communautĂ© Dom installĂ©s dans quatre villes, et ont conclu que beaucoup d’entre eux vivent dans des bidonvilles rudimentaires oĂč la majoritĂ© des maisons ne sont pas reliĂ©es au rĂ©seau d’assainissement. En gĂ©nĂ©ral, les mĂšres ne bĂ©nĂ©ficient pas des soins de santĂ© maternelle et nombre d’enfants sont dĂ©laissĂ©s par leurs parents qui se battent pour survivre. Environ 68 pour cent d’entre eux n’avaient jamais Ă©tĂ© scolarisĂ©s.

« Le souhait des Dom de se dĂ©faire de leur identitĂ© ethnique tĂ©moigne de l’ampleur des prĂ©jugĂ©s auxquels ils sont confrontĂ©s », a dit Mme Hope. Le fait que leur langue, le domari, perde rapidement du terrain par rapport Ă  l’arabe en est une autre preuve, a-t-elle dit Ă  IRIN.

« La moitié des adultes et seulement un quart des enfants que nous avons interrogés parlaient le domari », a-t-elle ajouté. « La langue est un marqueur de leur identité ethnique et il semble que les parents essayent de la faire disparaßtre afin de protéger leurs enfants des discriminations auxquelles ils ont été confrontés ».

TDH et l’association Insan n’ont pas pu Ă©valuer le nombre de Dom installĂ©s au Liban, mais leur recherche montre que 3 112 Dom vivent dans les villes libanaises de Beyrouth, Sidon et Tyr. « Beaucoup d’autres communautĂ©s de Dom vivent au Liban, en particulier Ă  Tripoli et dans la Bekaa », a indiquĂ© Mme Hope.

Contrairement aux rĂ©fugiĂ©s et aux BĂ©douins, avec qui ils sont souvent confondus, les Dom ont obtenu la naturalisation en 1994. Mais, bien qu’ils jouissent des droits civiques, les Dom sont encore plus marginalisĂ©s que les rĂ©fugiĂ©s palestiniens et sont ignorĂ©s par la quasi-totalitĂ© des ONG, selon le rapport.

Les enfants, en particulier, sont exposĂ©s Ă  la violence, Ă  la malnutrition chronique, au phĂ©nomĂšne du mariage des enfants, aux conditions de travail dangereuses et Ă  l’exploitation. Nombre de membres de la communautĂ© se montrent Ă©galement rĂ©ticents Ă  accĂ©der aux services publics, comme les soins de santĂ© ou l’éducation, car ils se perçoivent comme des citoyens de seconde zone.

Jusqu’à rĂ©cemment, les Dom du Liban Ă©taient un peuple de nomades. Cependant, depuis qu’ils ont Ă©tĂ© naturalisĂ©s, la plupart d’entre eux se sont sĂ©dentarisĂ©s et ont commencĂ© Ă  scolariser leurs enfants, a dit Mme Hope.

« Il y a dix ans, notre famille avait peur d’inscrire les enfants Ă  l’école », a dit un Dom qui vit Ă  Bar Elias, dans la plaine de la Bekaa. « Nous avions peur d’ĂȘtre arrĂȘtĂ©s ou que nos enfants ne soient pas acceptĂ©s, car les gens pensent que nous avons peur du savoir. DĂ©sormais, nous essayons de scolariser nos enfants ».

pdf: http://www.irinnews.org/fr/reportfrench.aspx?reportid=93207

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