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[MASERU, le 21 novembre 2007] - A premiĂšre vue, on ne remarque pas que les Ă©lĂšves dâapparence impeccable et en bonne santĂ© de lâĂ©cole secondaire de Moruthane (quelque 80 kilomĂštres au sud de Maseru, capitale du Lesotho) ont faim, mais Ă mesure que la matinĂ©e avance, ils deviennent amorphes et ne parviennent plus Ă se concentrer. « Ce ne sont pas de mauvais Ă©lĂšves ; ils sont intelligents, mais ils ont faim », a expliquĂ© Ă IRIN leur professeur, Yemi Ajijedidun, un NigĂ©rian de 32 ans. Les Ă©lĂšves, ĂągĂ©s de 14 Ă 16 ans, sont enthousiastes Ă lâidĂ©e de sâinstruire : bondĂ©e, la salle de classe rudimentaire en blocs de bĂ©ton, Ă©quipĂ©e dâun petit nombre de pupitres mais sans Ă©lectricitĂ©, tĂ©moigne de leur soif dâapprendre ; toutefois les Ă©ducateurs du Lesotho reconnaissent que le premier obstacle Ă lâapprentissage est la faim. Le Lesotho, un pays montagneux, entourĂ© de toutes parts par lâAfrique du Sud, connaĂźt actuellement lâune des sĂ©cheresses les plus dĂ©vastatrices de ces trente derniĂšres annĂ©es : prĂšs dâun quart de la population, soit 400 000 personnes, vivent dans une situation dâinsĂ©curitĂ© alimentaire. « Cette annĂ©e, la sĂ©cheresse a privĂ© les familles [de ces] enfants de leurs cultures. Ils viennent Ă lâĂ©cole le ventre vide. HonnĂȘtement, je ne sais pas oĂč ni quand ils sont nourris. Ce sont ceux-lĂ qui sâendorment en classe ; ils nâont pas dâĂ©nergie », a racontĂ© Ă IRIN le directeur de lâĂ©cole, Francis Adewale, un NigĂ©rian de 39 ans. M. Adewale a rĂ©cemment convaincu la communautĂ© de lâaider Ă construire un nouveau bĂątiment scolaire, lâancien Ă©tant sur le point de sâeffondrer. Les quatre professeurs habitent Ă environ un kilomĂštre de lâĂ©cole, mais la distance quâils parcourent chaque jour Ă pied pour se rendre sur leur lieu de travail nâest rien comparĂ©e Ă lâitinĂ©raire empruntĂ© par les Ă©lĂšves, dont certains doivent parcourir jusque 30 kilomĂštres par jour. « Nous construisons [le nouveau bĂątiment] juste au bord de la route, pour permettre aux Ă©lĂšves de prendre le bus plus facilement. Nous nâavons pas construit de cuisine, toutefois, parce que nous nâavons pas prĂ©vu de programme nutritionnel pour les enfants. Nous nâavons que 41 Ă©lĂšves, et cette Ă©cole est trop petite », a indiquĂ© M. Adewale. « Nos Ă©lĂšves sont de bons Ă©lĂ©ments. Ils sont travailleurs, mais ils ont faim ». LâĂ©cole permet Ă un marchand ambulant de leur vendre des encas. « Ce ne sont que des roulĂ©s Ă la saucisse, des chips et des crĂȘpes â certains Ă©lĂšves payent jusquâĂ six rands (0,95 dollar) par jour, ceux qui ont de lâargent â mais ça ne nourrit pas », a estimĂ© M. Ajijedidun. Quant au trou de forage de lâĂ©cole, il sâest assĂ©chĂ© il y a environ deux ans. Programmes nutritionnels LâĂ©tablissement dâenseignement secondaire de Moruthane, situĂ© sur les plaines arides du sud-ouest du Lesotho, illustre parfaitement les difficultĂ©s habituellement rencontrĂ©es dans les Ă©coles rurales, dans le sillage des pĂ©nuries alimentaires de cette annĂ©e. En matiĂšre dâaide alimentaire, le gouvernement a donnĂ© la prioritĂ© aux Ă©tablissements dâenseignement primaire, mettant en place divers programmes nutritionnels au bĂ©nĂ©fice des Ă©lĂšves des basses terres du sud, tandis que le Programme alimentaire mondial (PAM) lançait des programmes nutritionnels ciblĂ©s sur les Ă©lĂšves des Ă©coles primaires du nord montagneux du pays. « Nous avons de lâexpĂ©rience dans le domaine de la distribution alimentaire, et le nord est une rĂ©gion difficile en termes dâaccessibilitĂ©. Nous y resterons jusquâĂ ce que le gouvernement soit lui aussi en mesure de distribuer de la nourriture dans les Ă©coles primaires », a indiquĂ© Ă IRIN Hassan Abdi, responsable de programmes au PAM. Aucun programme nutritionnel nâa encore Ă©tĂ© lancĂ© dans les Ă©tablissements secondaires, bien que les besoins alimentaires des Ă©lĂšves soient reconnus. « Nous avons beaucoup dâorphelins dans cette Ă©cole. La moitiĂ© des Ă©lĂšves sont mĂȘme doublement orphelins - leurs parents sont morts du sida » Au total, 60 pour cent des Ă©lĂšves ont citĂ© la nourriture comme besoin principal. « Nous avons beaucoup dâorphelins dans cette Ă©cole. La moitiĂ© des Ă©lĂšves sont mĂȘme doublement orphelins - leurs parents sont morts du sida », a rapportĂ© un des professeurs. Selon lâONUSIDA, au Lesotho, 23,2 pour cent des habitants ĂągĂ©s de 15 Ă 49 ans sont sĂ©ropositifs, et environ 100 000 enfants de moins de 17 ans ont Ă©tĂ© privĂ©s de leurs parents par la pandĂ©mie du sida. « Les orphelins vivent chez des membres de leur famille, qui ne leur donnent pas Ă manger. Certains ont Ă©tĂ© abandonnĂ©s et finissent dans des foyers dâaccueil ; eux non plus ne sont pas nourris. Ils viennent Ă lâĂ©cole et rentrent chez eux le ventre vide », a racontĂ© M. Adewale. Les frais scolaires des orphelins sont couverts par le ministĂšre de lâEducation Ă lâaide de subventions accordĂ©es par une organisation confessionnelle allemande. « Nous ne pouvons pas servir de repas Ă nos Ă©lĂšves, [mais au] moins, notre Ă©cole ne fait pas partie de ces Ă©tablissements oĂč des Ă©lĂšves mĂ©contents font grĂšve pour protester contre la mauvaise qualitĂ© de la nourriture », a plaisantĂ© le directeur de lâĂ©cole, pour tenter dâattĂ©nuer la gravitĂ© de la situation. « Mais bon, il faut vraiment faire quelque chose ». Lâantre du dĂ©sespoir Il a Ă©tĂ© reconnu que lâincapacitĂ© du Lesotho Ă atteindre ses objectifs en matiĂšre dâĂ©ducation Ă©tait liĂ©e Ă la situation dâinsĂ©curitĂ© alimentaire croissante. Selon le dernier indice de dĂ©veloppement humain du PNUD, entre 1991 et 2004, le taux de scolarisation des enfants en Ăąge dâaller Ă lâĂ©cole primaire a augmentĂ© au Lesotho, passant de 71 Ă 86 pour cent, tandis que le nombre dâinscriptions Ă lâĂ©cole secondaire est passĂ© de 15 Ă 23 pour cent. En revanche, le nombre dâĂ©lĂšves poursuivant leur cursus jusquâĂ lâĂąge de 11 ans nâa pas augmentĂ© en parallĂšle ; il a mĂȘme lĂ©gĂšrement diminuĂ©, pour tomber de 66 Ă 63 pour cent. Informations complĂ©mentaires:
Le ministĂšre de lâEducation a envoyĂ© aux Ă©lĂšves de lâĂ©tablissement secondaire de Moruthane un questionnaire leur demandant dâĂ©numĂ©rer leurs besoins. La nourriture Ă©tait un dĂ©nominateur commun aux rĂ©ponses de chacun. « De la nourriture », a rĂ©pondu une fillette ; « de la nourriture et des chaussures », a Ă©crit une autre fillette, en notant que ses deux parents Ă©taient dĂ©cĂ©dĂ©s. « De la nourriture et un moyen de transport », a indiquĂ© un jeune garçon ; « de la nourriture et des vĂȘtements », a rĂ©pondu un autre.
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