Le droit de l’enfant Ă  la libertĂ© d’association

Un vent de changement

La vague de protestations antigouvernementales qui a secouĂ© le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ces derniĂšres semaines – par des manifestations de rue ou des communications en ligne – a portĂ© la violation des droits civils et politiques au centre de l’attention internationale.
Les manifestants exigent le dĂ©part de ceux qui sont au pouvoir, une plus grande libertĂ© d’expression et des rĂ©formes en vue de combattre des inĂ©galitĂ©s de longue date. Les Etats ont rĂ©agi en limitant davantage les droits civils et politiques, alors que des lois sur l’état d’urgence existent dĂ©jĂ  dans bien des cas.

 

La participation remarquable des jeunes dans les manifestations, en plus du fait que l'ùge médian des populations des pays est relativement jeune (par exemple, 17 au Yémen et 21 en Jordanie), reprends les débats sur le ré-examen la liberté des enfants de l'association et, éventuellement, d'abaisser l'ùge du droit à la participation politique.

Par exemple, le ministre des Affaires sociales au Liban, Salim Sayegh, a pressé le gouvernement à reconnaittre le droit des enfants à la protection à travers un nouveau projet de loi, qui défend également le droit des enfants à la liberté d'association. Entre autres dispositions, le projet de loi comporte l'abaissement de la condition d'ùge légal actuelle pour adhérer à des associations de 21 à 15 ans. Lire l'article.

Entre-temps l'Union africaine a dĂ©cidĂ© que le thĂšme de son prochain sommet qui se tiendra en Juin 2011 sera: «l'accĂ©lĂ©ration de l'autonomisation des jeunes pour le dĂ©veloppement durable", qui examinera pourquoi l'Ăąge lĂ©gal pour voter dans la rĂ©gion devrait ĂȘtre abaissĂ© Ă  16 ans. Lire l'article.


En
Syrie, cependant, le droit des enfants Ă  la libertĂ© d'expression continue d'ĂȘtre rĂ©primĂ©: recemment. une jeune blogueuse a Ă©tĂ© condamnĂ©e Ă  cinq ans d'emprisonnement. La jeune fille avait 17 ans quand elle a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e en 2009, accusĂ©e d'espionnage prĂ©sumĂ©, aprĂšs avoir « rĂ©vĂ©lĂ© des informations qui devraient rester secrĂšte pour un pays Ă©tranger". Elle avait dĂ©jĂ  Ă©crit des articles sur son blog exprimant son dĂ©sir de participer au changement de l'avenir de la Syrie, et avait demandĂ© au prĂ©sident des États-Unis, Barak Obama, de redoubler d'efforts pour soutenir la cause palestinienne. Lire l'article.

Pour lire les dĂ©tails sur la campagne afin d'arrĂȘter dĂšs maintenant les sentences inhumaines sur les enfants, cliquez ici.

La libertĂ© d’association des enfants

La capacitĂ© d’interagir est particuliĂšrement importante pour le dĂ©veloppement des enfants. Si les enfants ne peuvent se rĂ©unir librement, comment peuvent-ils se faire des amis, se forger une opinion sur le monde, participer activement Ă  la sociĂ©tĂ© et dĂ©fendre leurs droits comme ceux des autres plus tard dans la vie ?

Alors que, dans bien des cas, le dĂ©ni des droits politiques s’étend Ă  l’ensemble de la population, dans d’autres, on interdit aux enfants – et non aux adultes – de participer Ă  des manifestations, de crĂ©er des associations ou d’y adhĂ©rer simplement en raison de leur Ăąge. Cette situation reflĂšte non seulement l’opinion selon laquelle les enfants sont des ĂȘtres faibles et incapables de prendre des dĂ©cisions Ă©clairĂ©es sans ĂȘtre manipulĂ©s par des adultes, mais elle prouve aussi que, mĂȘme si les droits protĂ©geant les enfants sont largement acceptĂ©s, leurs droits civils et politiques sont relĂ©guĂ©s au rang de paria.

Les droits civils et politiques pour tous sont inscrits dans diverses lois internationales, mais la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies est unique, car elle comprend un certain nombre d’articles qui protĂšgent tout particuliĂšrement les droits civils et politiques des enfants (articles 12 Ă  17). L’article 15 comprend le droit des enfants Ă  la libertĂ© d’association et Ă  la libertĂ© de rĂ©union, notamment leur droit d’adhĂ©rer Ă  des associations ou d’en former, leur droit de se rĂ©unir de maniĂšre pacifique ainsi que celui de se rĂ©unir librement avec leurs amis dans des espaces publics.

La libertĂ© d’association est Ă©troitement liĂ©e Ă  d’autres articles de la Convention. L’article 13 concernant le droit des enfants Ă  la libertĂ© d’expression est particuliĂšrement pertinent : restreindre le droit des enfants Ă  la libertĂ© d’association limite leur droit Ă  la libertĂ© d’expression et rĂ©ciproquement. 

L’article 12 (droit d’ĂȘtre entendu) est aussi liĂ©. La derniĂšre Observation gĂ©nĂ©rale du ComitĂ© des droits de l’enfant des Nations Unies indique que cet article «consacre le droit de l’enfant d’exprimer des opinions sur des questions prĂ©cises l’intĂ©ressant et son droit de prendre part aux mesures et aux dĂ©cisions qui ont des incidences sur lui ou sur sa vie».

Restrictions liĂ©es Ă  l’ñge

Dans bon nombre de pays, les adultes se heurtent Ă©galement Ă  des obstacles pour se rĂ©unir librement. Ainsi, des adultes comme des enfants ont fait l’objet d’un traitement rĂ©pressif pour avoir participĂ© Ă  des protestations antigouvernementales au BĂ©larus, en dĂ©cembre dernier. Certains manifestants, notamment des enfants, ont ensuite Ă©tĂ© dĂ©tenus, et le ComitĂ© des droits de l’enfant des Nations Unies a formulĂ© des recommendations adressĂ©es au BĂ©larus concernant le droit des enfants Ă  la libertĂ© d’association dans ses Conclusions finales publiĂ©es la semaine derniĂšre (paragraphes 35 et 36). 

NĂ©anmoins, dans d’autres pays oĂč le droit des adultes Ă  la libertĂ© d’association est bien Ă©tabli, on interdit aux jeunes ou on les dissuade d’utiliser les espaces publics ou de crĂ©er leurs propres organisations simplement en raison de leur Ăąge.

L’application de lois sur le couvre-feu constitue l’exemple le plus Ă©vident. Les lois sur le couvre-feu ne s’appliquent gĂ©nĂ©ralement qu’aux enfants. Non seulement de telles lois stigmatisent et criminalisent les jeunes, mais elles les empĂȘchent Ă©galement de former des amitiĂ©s et de participer Ă  la sociĂ©tĂ©. Pour trouver des exemples de lois sur le couvre-feu et comment les contester, veuillez consulter le Global Report on Status Offences du CRIN.

Au Royaume-Uni, une sĂ©rie de mesures ont exclu les jeunes des espaces publics. Parmi celles-ci figurent les couvre-feux nocturnes, les ordonnances pour comportements antisociaux qui restreignent la libertĂ© de mouvement des enfants ainsi que la prolifĂ©ration du dispositif «mosquito». Seuls les enfants et les jeunes entendent ce dispositif Ă©lectronique, utilisĂ© par de petites entreprises afin de dissuader les enfants de se rassembler dans des lieux publics. A lire: "Freedom of Association? Not if you’re young and living in the UK" (CRIN, 2008, p. 26). A lire Ă©galement sur la façon dont l'utilisation de l'appareil du «Mosquito» a Ă©tĂ© contestĂ©e en Belgique.

Le rapport de 2004 que le Japon a soumis au ComitĂ© des droits de l’enfant rĂ©vĂ©lait que les enfants ne peuvent adhĂ©rer Ă  une association avant l’ñge de 18 ans sans obtenir l’accord de leurs parents (Observations finales, 2004, paragraphe 29). 

Le ComitĂ© a notĂ© des divergences entre la lĂ©gislation du Costa Rica et les rapports de ce pays concernant la libertĂ© d’association. Alors que les informations Ă©manant du ministĂšre de l’Education indiquaient que les Ă©tudiants jouissaient de la libertĂ© d’association, y compris du droit de participer Ă  des activitĂ©s politiques, l’article 18 du Code de l’enfance et de l’adolescence dispose que le droit Ă  la libertĂ© d’association est garanti aux mineurs de 18 ans, exceptĂ© pour les activitĂ©s politiques ou lucratives. (Observations finales, 2005, paragraphe 23). 

Des Ă©coles ont Ă©galement empĂȘchĂ© les enfants d’exercer leur droit de manifester ou ont sanctionnĂ© ceux qui l’avaient exercĂ©. A titre d’exemple, en 2008, en JamaĂŻque, le ministre de l’Education, M. Andrew Holness, a annoncĂ© que les enfants qui avaient manifestĂ© pacifiquement contre le mauvais Ă©tat des routes de leur communautĂ© Ă©taient en «rupture de paix», selon le Gleaner jamaĂŻcain. Il a ensuite demandĂ© Ă  la police d’enquĂȘter sur la participation d’enfants Ă  des «manifestations illĂ©gales», et il a prĂ©venu que des sanctions seront appliquĂ©es pour les Ă©ducateurs qui ne parviennent pas Ă  «protĂ©ger les enfants de ces actes illĂ©gaux».

Sur une note plus positive, la Malaysie a retirĂ© sa rĂ©serve aux articles 1, 13 et 15 de la Convention relative aux droits de l’enfant en juin dernier. lire la suite. 

Restrictions

Le droit des enfants Ă  la libertĂ© de rĂ©union peut ĂȘtre limitĂ© dans certaines situations, mais celles-ci doivent ĂȘtre strictement conformes au paragraphe 2 de l’article 15,  qui dispose que les seules restrictions doivent ĂȘtre «prescrites par la loi et
 nĂ©cessaires dans une sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique, dans l'intĂ©rĂȘt de la sĂ©curitĂ© nationale, de la sĂ»retĂ© publique ou de l'ordre public, ou pour protĂ©ger la santĂ© ou la moralitĂ© publiques, ou les droits et libertĂ©s d'autrui».

Toutefois, dans de nombreux cas, les arguments concernant la «sĂ©curitĂ© publique» et la «protection de l’enfant» ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s sans raison afin de limiter le droit des enfants Ă  la libertĂ© de rĂ©union.

En 2007, le ComitĂ© des droits de l’enfant a notĂ© avec prĂ©occupation dans ses Observations finales que «des mesures de rĂ©pression [au Honduras] sĂ©vĂšres adoptĂ©es Ă  l’encontre des maras auraient donnĂ© lieu Ă  une interprĂ©tation trop large du dĂ©lit d’«association illicite» visĂ© Ă  l’article 332 du Code pĂ©nal qui, dans certains cas, pourrait ĂȘtre qualifiĂ© de violation de l’article 15 de la Convention, lequel reconnaĂźt le droit de l’enfant Ă  la libertĂ© d’association.» (paragraphes 41 et 42). 

En Moldavie, le ministĂšre de la Justice a interdit la participation d’enfants dans des manifestations contre une proposition de loi rendant obligatoire l’enseignement du russe dĂšs l’ñge de sept ans. En particulier, ce dernier a allĂ©guĂ© que le Parti populaire dĂ©mocrate-chrĂ©tien, qui avait organisĂ© ces manifestations, avait bafouĂ© le droit des enfants Ă  la libertĂ© de rĂ©union en vertu de l’article 15. Le PPDC a poursuivi le gouvernement devant la Cour europĂ©enne des droits de l’homme en faisant valoir que, malgrĂ© la levĂ©e de l’interdiction de leurs activitĂ©s, la dĂ©cision originelle d’imposer cette interdiction n’a jamais Ă©tĂ© supprimĂ©e. Pour de plus amples dĂ©tails, veuillez consulter la base de donnĂ©es de la Convention relatives aux droits de l'enfant devant les instances juridiciaires. 

La libertĂ© d'association au Liban est consacrĂ©e Ă  l'article 13 de la Constitution et rĂ©gi par la loi 1909 “du droit ottoman”, qui est inspirĂ©e de la loi française sur les associations. La loi de 1909 permet aux associations d'ĂȘtre crĂ©Ă©es par une simple notification ou dĂ©claration.
A l'heure actuelle, la loi ne garantit pas le droit des enfants à la participation. Par exemple, l'ùge légal pour voter est de 21. Et les enfants ne sont pas autorisés à adhérer ou former une association.
Les Ă©trangers ne peuvent constituer
que 25 pour cent des membres d'une association. Cette rÚgle limite la liberté d'association des enfants palestiniens, les Palestiniens formant environ 10 pour cent de la population (425 000 selon l'UNRWA),
Le gouvernement élabore actuellement des initiatives pour renforcer la liberté
d'association des enfants: par exemple, le Conseil supérieur pour l'enfance a mis en place une commission spécialisée sur la participation des enfants dont le mandat sera de promouvoir le droit de participation des enfants.

 

Un meilleur environnement

Dans ses conclusions finales et autres directives, le ComitĂ© des droits de l’enfant a encouragĂ© les Etats parties Ă  s’abstenir d’interdire aux enfants de participer Ă  la sphĂšre publique et Ă  crĂ©er un environnement respectant le droit des enfants Ă  la libertĂ© d’association. Dans son Observation gĂ©nĂ©rale concernant l’article 12, le ComitĂ© a mentionnĂ© que «les enfants devraient ĂȘtre aidĂ©s et encouragĂ©s Ă  lancer leurs propres organisations et initiatives, ce qui crĂ©erait un espace de participation et de reprĂ©sentation effectives.» (paragraphe 128).

Dans ses Observations finales adressĂ©es au Mozambique, le ComitĂ© a notĂ© avec inquiĂ©tude que la mise en Ɠuvre du droit Ă  la libertĂ© d’association est limitĂ©e par la «condition que l’enfant doit avoir la capacitĂ© d’exercer son droit d’enregistrer une association», et a recommandĂ© Ă  cet Etat d’«encourager les enfants Ă  former des associations de leur propre initiative» (Observations finales, 2009, paragraphes 39 et 40). Le ComitĂ© a recommandĂ© Ă  des Etats parties d’envisager systĂ©matiquement de faire participer les associations d’enfants Ă  tous les stades de la mise en Ɠuvre de la Convention.

Les directives 2010 concernant les rapports pĂ©riodiques Ă  soumettre au ComitĂ© indiquent qu’il faudrait fournir des donnĂ©es sur «le nombre d’organisations ou d’associations d’enfants et de jeunes et le nombre de membres qu’elles reprĂ©sentent» (p. 12). Ce point a Ă©tĂ© renforcĂ© par les recommandations du ComitĂ© des droits de l’enfant des Nations Unies Ă  l’issue de sa journĂ©e de dĂ©bat gĂ©nĂ©ral sur le droit des enfants d’ĂȘtre entendu, tenue en 2006:

 

«Le ComitĂ© se fĂ©licite du nombre croissant d’organisations dirigĂ©es par des jeunes dans diverses rĂ©gions du monde. Dans ce contexte, le ComitĂ© rappelle aux Etats parties le droit Ă  la libertĂ© d’association, comme il est stipulĂ© dans l’article 15 de la Convention» (Rapport de la 43e session, septembre 2006, paragraphe 33).

 

Enfin, en septembre 2010, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a crĂ©Ă© une nouvelle ProcĂ©dure spĂ©ciale en vue de surveiller le droit de rĂ©union et d’association pacifiques, dans sa rĂ©solution 15/21. Le titulaire de mandat sera nommĂ© au cours de la seiziĂšme session du Conseil des droits de l’homme (mars 2011). Les dĂ©fenseurs des droits des enfants auront ainsi une nouvelle occasion de dĂ©fendre le droit des enfants.

ProblĂšmes: 
LibellĂ©s : 

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