KOSOVO: Les enfants, premiÚres victimes des retours forcés au Kosovo*

Summary: [KOSOVO 09 Juillet 2010] Ces derniĂšres annĂ©es, plusieurs milliers de personnes ont Ă©tĂ© renvoyĂ©es de force au Kosovo par des pays d’Europe de l’Ouest, principalement l’Autriche, l’Allemagne, la SuĂšde et la Suisse. Parmi elles se trouvent des personnes appartenant Ă  des minoritĂ©s – notamment des Roms, des Ashkali et des Egyptiens. Pour chacune d’entre elles, ces retours sont un drame.

L’Agence des Nations Unies pour les enfants, l’Unicef, vient de publier un rapport sur le sort des personnes renvoyĂ©es d’Allemagne. Ce document tombe Ă  point nommĂ© puisque l’Allemagne a pour projet, Ă  elle seule, de renvoyer presque 12 000 Roms, Ashkali et Egyptiens, dont plus de 5 000 enfants.

Le rapport, qui se fonde sur des entretiens avec de nombreuses familles, rend compte de la dure rĂ©alitĂ© des retours forcĂ©s. ArrĂȘtons-nous sur le cas de la famille Haziri (dont le nom a Ă©tĂ© changĂ© dans un souci de respect de la vie privĂ©e).

Une nuit, Ă  3 heures du matin, des policiers allemands ont frappĂ© Ă  la porte de cette famille qui vivait alors en Allemagne depuis 17 ans. Ils lui ont donnĂ© une demi-heure pour faire ses valises. Tous les membres de la famille ont Ă©tĂ© expulsĂ©s vers le Kosovo. Sur cinq enfants, trois sont nĂ©s en Allemagne et tous souhaitaient y rester. L’aprĂšs-midi mĂȘme, ils atterrissaient au Kosovo.

Deux ans auparavant, cette famille avait dĂ©jĂ  subi la mĂȘme Ă©preuve – rĂ©veil au milieu de la nuit et expulsion. A l’époque, n’ayant pas Ă©tĂ© autorisĂ©e Ă  entrer au Kosovo, elle avait regagnĂ© l’Allemagne. Cette fois-ci, des dispositions avaient Ă©tĂ© prises pour qu’elle puisse entrer sur le territoire du Kosovo. Quel avenir l’y attend?

40 % des rapatriés sont des enfants

Les enfants sont les plus touchĂ©s par ces retours forcĂ©s. De nombreuses familles vivent depuis une vingtaine d’annĂ©es en Allemagne oĂč les enfants ont grandi. Beaucoup y sont mĂȘme nĂ©s. Soudain, on les retire de leur Ă©cole, on les sĂ©pare de leurs amis, on les dĂ©racine pour les envoyer dans un endroit qu’ils ne connaissent pas et dont ils ne parlent pas la langue.

« Je n’ai rien Ă  voir avec le Kosovo. Je me sens horriblement mal ici. Mes camarades d’école me manquent » explique Remzije Haziri, la benjamine de la famille.

Trois enfants sur quatre abandonnent l’école Ă  cause de la barriĂšre de la langue et de la misĂšre. En outre, ils n’ont pas leur dossier scolaire du fait de leur dĂ©part prĂ©cipitĂ©. Beaucoup ne sont pas enregistrĂ©s, n’ont pas de papiers et se retrouvent apatrides de fait.

Des retours prématurés

Actuellement, le Kosovo n’est pas encore en mesure d’offrir des conditions de vie humaines aux rapatriĂ©s ; il est incapable de garantir Ă  ses habitants le respect de droits de l’homme aussi essentiels que l’accĂšs Ă  un logement dĂ©cent, aux soins de santĂ© ou Ă  l’éducation. De plus, le taux de chĂŽmage avoisine encore les 50 %.

Des familles renvoyĂ©es se sont retrouvĂ©es dans une situation de dĂ©placement secondaire qui s’est soldĂ©e, pour certaines, par une installation dans les camps contaminĂ©s par le plomb du nord de Mitrovica, oĂč les conditions sanitaires reprĂ©sentent un danger mortel, surtout pour des enfants en pleine croissance.

La politique de retours forcĂ©s au Kosovo, inefficace, source de gaspillage et cause de souffrances, doit ĂȘtre rĂ©Ă©valuĂ©e. Ce ne sont en effet pas moins de 70 Ă  75 % des familles rapatriĂ©es qui subissent un dĂ©placement secondaire ou regagnent clandestinement le pays qui les a expulsĂ©es en ayant perdu dans l’aventure leur logement, leur emploi, des annĂ©es de scolarisation et des sommes d’argent considĂ©rables.

Le rapport de l’Unicef est une contribution prĂ©cieuse au dĂ©bat sur les pratiques de rapatriement actuelles. Les entretiens avec les enfants permettent de se rendre compte de ce qu’est leur vie. Ils font entendre les voix des victimes du durcissement des politiques migratoires, des voix qui doivent ĂȘtre Ă©coutĂ©es – et entendues.

Thomas Hammarberg

* «Toute rĂ©fĂ©rence au Kosovo dans le prĂ©sent document, qu’il s’agisse de son territoire, de ses institutions ou de sa population, doit ĂȘtre entendue dans le plein respect de la RĂ©solution 1244 du Conseil de sĂ©curitĂ© de l’Organisation des Nations Unies, sans prĂ©juger du statut du Kosovo.»

pdf: http://commissioner.cws.coe.int/tiki-view_blog_post.php?postId=57

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