Jamaïque: manque de volonté politique pour mettre fin à la violence contre les femmes et les jeunes filles


Dans un nouveau rapport rendu public ce jeudi 22 juin, Amnesty International demande instamment aux autoritĂ©s jamaĂŻcaines d’accorder la prioritĂ© Ă  la mise en application du plan d’action en 15 points, Ă©laborĂ© par des organisations de femmes de tout le pays, visant Ă  combattre la discrimination et la violence sexuelle Ă  l’égard des femmes et des adolescentes.

Ce plan d’action comporte un certain nombre de recommandations, telles que l’élaboration d’un programme d’enseignement public ayant pour objectif de prĂ©venir les viols et autres violences sexuelles, le lancement d’une campagne nationale contre la discrimination et la violence sexuelle et la mise en place de centres d’accueil afin de fournir soutien et refuge aux victimes de violences sexuelles.

« Seule une action dĂ©cisive pourra mettre fin Ă  la discrimination et Ă  la violence sexuelle Ă  l’égard des femmes en JamaĂŻque . La plupart des recommandations contenues dans le plan d’action ne demandent pas d’investissements importants, elles ne rĂ©clament que de la dĂ©termination et la volontĂ© politique de les mettre en application », a dĂ©clarĂ© Kerrie Howard, directrice adjointe du programme AmĂ©riques d’Amnesty International.

Selon les conclusions d’Amnesty International, la discrimination, courante Ă  l’égard des femmes en JamaĂŻque, les expose Ă  la violence sexuelle, leur faisant courir des risques sanitaires graves - notamment en termes d’exposition aux maladies sexuellement transmissibles telles que le VIH/sida.

Amnesty International a également constaté que les jeunes filles étaient particuliÚrement la cible de violences sexuelles sans que le gouvernement jamaïcain ne prenne de mesures réelles pour remédier à cet état de fait.

Selon une Ă©tude publiĂ©e par l’UNICEF, 70 p. cent des agressions sexuelles signalĂ©es pour la seule annĂ©e 2004 concernaient des jeunes filles.

« La discrimination Ă  l’égard des femmes et des jeunes filles est tellement ancrĂ©e dans la sociĂ©tĂ© jamaĂŻcaine que de nombreux JamaĂŻcains et responsables gouvernementaux ne considĂšrent pas qu’il s’agit d’un vĂ©ritable problĂšme, mĂȘme si des centaines de femmes en meurent chaque annĂ©e », a dĂ©clarĂ© Kerrie Howard.

Dans une enquĂȘte menĂ©e en 2005, 66 p. cent des hommes et 49 p. cent des femmes interrogĂ©es Ă©taient d’accord avec l’affirmation selon laquelle « lorsque des femmes et des jeunes filles se font violer, ce sont elles qui l’ont cherchĂ© parfois. » Dans le manuel d’avertissement distribuĂ© aux jurys par certains juges, on peut lire « ... l’expĂ©rience a montrĂ© que les femmes et les jeunes filles mentaient souvent...”.

« Les femmes jamaĂŻcaines ne se sentent souvent pas en sĂ©curitĂ©. Elles savent que chez elles, dans la rue ou mĂȘme Ă  l’école, elles risquent des coups, le viol, voire mĂȘme la mort », selon Kerrie Howard.

Les femmes se heurtent Ă©galement Ă  la discrimination et Ă  de forts barrages lorsqu’elles dĂ©cident de porter plainte pour violences sexuelles. L’unitĂ© en charge des enquĂȘtes pour agressions sexuelles en JamaĂŻque estime que seuls 25 p. cent des cas de violences sexuelles sont signalĂ©s.

« Je n’ai rien dit Ă  personne pendant six mois, puis j’en ai parlĂ© Ă  mes parents. J’ai demandĂ© Ă  mon pĂšre de ne rien faire ; c’est une chose sur laquelle j’ai beaucoup insistĂ©, je voulais que personne ne soit au courant , je savais que mĂȘme Ă  mon Ăąge, les gens diraient que c’était de ma faute [et] je pensais que personne ne me croirait. Je me faisais des reproches Ă  moi-mĂȘme, je pensais que j’avais Ă©tĂ© bĂȘte et naĂŻve », a dĂ©clarĂ© Mary (dont ce n’est pas le vrai prĂ©nom), violĂ©e Ă  l’ñge de treize ans.

« Les femmes ont de bonnes raisons de penser que personne ne les croira - elles en ont des preuves tout autour d’elles, dans la sociĂ©tĂ©, au sein de leur communautĂ©. Les membres des jurys, la police, les familles et parfois les femmes elles-mĂȘmes pensent qu’elles sont en partie responsables de l’agression qu’elles ont subie », selon Kerrie Howard.

Faire en sorte que ce type d’affaires arrive devant la justice est extrĂȘmement difficile. L’un des problĂšmes est que tĂ©moins et victimes sont souvent menacĂ©s, parfois mĂȘme tuĂ©s. Enid Gordon avait quinze ans lorsqu’elle a Ă©tĂ© violĂ©e par deux hommes. Elle et sa famille ont dĂ©posĂ© plainte contre les deux hommes qui ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s, inculpĂ©s et remis en libertĂ© sous caution. Le 12 octobre 2005, une semaine avant la date Ă  laquelle elle devait tĂ©moigner contre les deux hommes devant le tribunal, Enid a Ă©tĂ© retrouvĂ©e morte Ă  l’endroit oĂč elle avait Ă©tĂ© violĂ©e un an auparavant. Elle avait Ă©tĂ© Ă©tranglĂ©e avec le foulard qu’elle portait, sur lequel figurait l’insigne de son Ă©cole. On attend toujours les rĂ©sultas de l’enquĂȘte.

Amnesty International lance Ă©galement un appel en faveur de la rĂ©forme de certaines lois - en particulier la Loi relative aux crimes et aux dĂ©lits contre les personnes, le projet de loi contre le harcĂšlement sexuel et la loi punissant l’inceste ; l’organisation demande aussi l’amĂ©lioration des techniques d’enquĂȘte et la mise en place d’une formation sensibilisant policiers et magistrats aux violences liĂ©es au genre dans les affaires de violences sexuelles Ă  l’égard des femmes.

« La sociĂ©tĂ© jamaĂŻcaine toute entiĂšre paie le prix de la discrimination Ă  l’égard des femmes et des jeunes filles. Le prix est Ă©levĂ© lorsqu’il s’agit de mĂšres, de sƓurs ou d’amies qui sont blessĂ©es, ou lorsque des maladies telles que le VIH/sida se rĂ©pandent dans la population et que la pauvretĂ© augmente. Mettre fin Ă  la violence contre les femmes en JamaĂŻque n’est ni une tĂąche impossible ni une tache coĂ»teuse. Cela ne requiert que de la dĂ©termination et le respect des droits fondamentaux des femmes. »

pdf: http://www.amnestyinternational.be/doc/article.php3?id_article=8256

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