IRAN: « MĂȘme le prĂ©sident ne peut empĂȘcher une exĂ©cution en Iran »

[12 juillet 08] - L’Iran autorise l’exĂ©cution des dĂ©linquants mineurs au nom du droit musulman, contrairement au droit international. PrĂ©sidente de l’Association Internationale des Magistrats de la Jeunesse et de la Famille et juge Ă  la Cour spĂ©ciale pour la Sierra Leone, Renate Winter a souvent travaillĂ© avec les magistrats iraniens. (Interview)

Le droit islamique ne s’embarrasse pas du droit international en Iran, mĂȘme dans les cas couverts par des conventions ratifiĂ©es par le gouvernement, comme les exĂ©cutions d’enfants. Selon Amnesty International, plus de 100 mineurs se trouvent actuellement dans les couloirs de la mort. Quatre d’entre eux risquent une exĂ©cution prochaine. Renate Winter partage son expĂ©rience du systĂšme juridique iranien.

Pouvez-vous expliquer cette distinction entre « exécution » et « réparation » dans la loi iranienne ?

Le droit iranien ne prĂ©voit pas de peine d’exĂ©cution (edam) pour les personnes de moins de dix-huit ans. Par contre, il est question de rĂ©paration (qisa) pour les dĂ©linquants ĂągĂ©s de quinze Ă  dix-huit ans. Dans le droit musulman, la « rĂ©paration » prĂ©vue en cas de meurtre est la peine de mort. Les membres de la famille d’une victime de meurtre peuvent pardonner au meurtrier, ou accepter une indemnisation Ă  la place de son exĂ©cution, mais rien ne les y oblige. À l’heure actuelle, le droit iranien autorise l’application de la peine de mort – Ă  titre de rĂ©paration » en cas de meurtre et pour d’autres infractions – aux filles dĂšs l’ñge de neuf annĂ©es lunaires et aux garçons Ă  partir de quinze annĂ©es lunaires. Un enfant plus jeune peut Ă©galement ĂȘtre condamnĂ© Ă  mort si le juge saisi de l’affaire estime que l’enfant est pubĂšre.

Existe-t-il des alternatives ?

Les juges essaient de proposer des mĂ©diations entre la famille de la victime et le meurtrier. Ils cherchent Ă  convaincre la famille d’accepter une autre forme de punition, comme des excuses publiques ou de l’argent. Mais souvent ce sont les hommes, chefs de famille, qui refusent d’accepter de l’argent comme compensation de meurtres. Ils affirment que l’honneur ne leur permet pas d’accepter de l’argent pour meurtre de leur fils.

Quel effet peut avoir la pression internationale ? Si le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des Nations Unies Ban Ki-moon s’adressait directement au prĂ©sident iranien, cela pourrait-il stopper les exĂ©cutions ?

Comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, seule la famille peut commuer la peine capitale en une autre sanction. La dĂ©cision est entre ses mains. MĂȘme le prĂ©sident n’a pas ce pouvoir en Iran. Cela ne sert Ă  rien de demander au chef du pays de dĂ©cider du pardon s’il n’a pas le pouvoir de le faire.

A quoi sert alors une campagne contre la peine de mort appliquée aux mineurs comme celle lancée actuellement ?

La campagne s’adresse aussi aux leaders du pays. MĂȘme si leur marge d’action est trĂšs limitĂ©e, ils peuvent essayer d’influencer leur population. Les politiciens peuvent convaincre les familles qu’il y a aussi la rĂ©putation du pays qui est en jeu, pas seulement la leur.

Les juges et les magistrats iraniens mesurent-ils l’ampleur du problùme ?

Absolument. Je n’ai pas rencontrĂ© un seul juge en Iran qui n’a pas fait tout ce qui en son pouvoir pour convaincre les familles de renoncer Ă  la peine capitale. Ils ont aussi recours Ă  d’autres outils pour contourner la loi. Le juge peut considĂ©rer qu’une personne a les signes physiologiques, mais pas psychologiques, de pubertĂ©. Il peut alors demander une expertise.

L’iran tient le triste record des exĂ©cutions des mineurs dans le monde. Peut-on dire que la loi iranienne est pire que dans les autres pays oĂč s’applique le droit islamique ?

Au contraire, elle l’est moins. Car la loi de l’Etat existe, ce qui n’est pas le cas en Arabie saoudite par exemple, qui n’est rĂ©gie que par la charia, qui n’est en plus pas Ă©crite, ce qui laisse une Ă©norme marge d’interprĂ©tation aux juges.

Propos recueillis par Carole Vann/Tribune des droits humains

pdf: http://www.humanrights-geneva.info/Meme-le-president-ne-peut-empecher,3289

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