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[BAFATA, le 19 septembre] - La pratique du fanado ou encore mutilation gĂ©nitale fĂ©minine (MGF) pourrait bientĂŽt devenir illĂ©gale en GuinĂ©e-Bissau suite Ă une nouvelle proposition de loi qui sera bientĂŽt prĂ©sentĂ©e au parlement. Le fanado est une cĂ©rĂ©monie dâinitiation traditionnelle oĂč lâon procĂšde Ă lâablation du clitoris et des petites lĂšvres du sexe des jeunes filles. La plupart des trente groupes ethniques du pays pratiquent le fanado, notamment toutes les communautĂ©s musulmanes (soit prĂšs de 46 pour cent de la population) et celles des rĂ©gions de Gabu et BafatĂ (est) en particulier. A lâoccasion de cette cĂ©rĂ©monie, le corps des fillettes est recouvert de farine de riz ou de talc et les jeunes filles animistes, attirĂ©es par le son des tambours et les danses, vont parfois rejoindre les jeunes filles musulmanes pour se faire exciser elles aussi. Selon lâUNICEF, prĂšs de 2000 jeunes filles se font exciser chaque annĂ©e et entre 250 000 et 500 000 femmes souffrent des consĂ©quences physiques et psychologiques de cette coutume. La pratique de lâexcision est transmise au sein des familles et bien des filles sont fiĂšres dâexhiber les couteaux dĂ©jĂ rouillĂ©s de leur mĂšre. Mais Ă©tant donnĂ© les mauvaises conditions dâhygiĂšne et lâignorance des praticiennes, les risques de transmission du VIH/Sida sont Ă©levĂ©s dâautant plus que ces derniĂšres utilisent gĂ©nĂ©ralement le mĂȘme couteau pour effectuer plusieurs excisions. La loi prĂ©voyant des amendes et des peines dâemprisonnement pour la pratique du fanado a Ă©tĂ© rĂ©digĂ©e en 2001 par lâInstitut pour la femme et lâenfant (IMC, de son acronyme portugais) en partenariat avec des associations de dĂ©fense des droits de lâhomme. Cette loi est actuellement prĂ©sentĂ©e de nouveau devant lâAssemblĂ©e nationale. « Sans vouloir offenser la religion ou la culture de lâun ou lâautre des groupes ethniques, nous devons impliquer tous les acteurs politiques et sociaux », explique Adelina Na Temba, ministre de la SolidaritĂ© sociale, de la Famille et de la Lutte contre la pauvretĂ©. Selon Mme Na Temba, le nouveau projet de loi sera prĂ©sentĂ© devant lâAssemblĂ©e nationale lors de la prochaine session et le pays pourrait bientĂŽt suivre lâexemple de seize autres Etat africains qui ont votĂ© des lois interdisant la pratique des MGF. Le protocole de Maputo, un document de lâUnion africaine qui condamne la pratique de lâexcision a pris effet en novembre 2005. Alpha Oumar KonarĂ©, PrĂ©sident de lâUnion africaine et ancien chef dâEtat du Mali, un pays oĂč la pratique des MGF est trĂšs rĂ©pandue, a dĂ©clarĂ© en juin dernier, lors de la journĂ©e internationale de lâenfant africain que cette pratique constituait une violation des droits humains et de la dignitĂ© des jeunes filles et des femmes. Les MGF sont une pratique courante dans vingt-huit pays africains, dans certains pays du Proche-Orient, ainsi quâau sein des communautĂ©s immigrĂ©es originaires de ces rĂ©gions et vivant Ă lâĂ©tranger. La lutte contre le fanado en GuinĂ©e-Bissau est particuliĂšrement difficile. MalgrĂ© les nombreuses critiques des groupes traditionnels, lâorganisation non-gouvernementale (ONG) locale Sinin Mira Nassique (qui signifie âpenser Ă demainâ dans la langue Mandingue) est Ă la tĂȘte du combat contre la pratique des MGF, mais depuis la mort de sa prĂ©sidente, Maria Augusta Mendonça BaldĂ©, le mouvement semble sâessouffler. Et lâabsence de rĂ©action de lâAssemblĂ©e nationale nâest pas faite pour faciliter la tĂąche. AprĂšs la guerre civile de 1998-1999, le parlement a Ă©tĂ© temporairement dissout en 2002. AprĂšs le coup dâEtat de 2003, il a cessĂ© de siĂ©ger et nâa repris ses activitĂ©s quâĂ la suite de lâinstallation du nouveau gouvernement en 2005. Et les politiciens et les dĂ©putĂ©s hĂ©sitent aussi Ă contrarier les Ă©lecteurs qui considĂšrent les MGF comme un Ă©lĂ©ment important de leur culture. Pour surmonter les problĂšmes culturels liĂ©s Ă cette pratique, Sinin Mira Nassique a adoptĂ© une stratĂ©gie faisant lâĂ©loge dâun fanado symbolique, avec tous les aspects sociaux et traditionnels du rituel, mais sans la MGF. Dans plusieurs pays, de tels « rites alternatifs » ont eu un certain succĂšs, car ils maintenaient le caractĂšre initiatique de la cĂ©rĂ©monie et assuraient la pĂ©rennitĂ© de la culture. AprĂšs plusieurs campagnes de sensibilisation, lâONG a pu organiser cinq fanados symboliques dans les rĂ©gions de Bissau, Gabu et Oio. Plus dâune centaine de praticiennes de ces rĂ©gions ont alors dĂ©cidĂ© de dĂ©poser leurs couteaux avec lâespoir de trouver dâautres activitĂ©s gĂ©nĂ©ratrices de revenus. Mais comme ces activitĂ©s ne sont pas faciles Ă dĂ©nicher, elles hĂ©sitent Ă abandonner complĂštement la pratique de lâexcision, de peur de perdre leur seule source de revenu, a soulignĂ© le PrĂ©sident de IMC. La cĂ©rĂ©monie dâinitiation revient entre 5000 et 7500 francs CFA (10 Ă 15 dollars amĂ©ricains) par enfant. Et lorsquâelle implique une MGF, la praticienne reçoit aussi du savon, des poulets du riz et dâautres denrĂ©es. Quarante ans de Fanado Bula BaldĂ© pratique le fanado depuis quarante ans Ă BafatĂ . OctogĂ©naire aujourdâhui, ce sont sa grand-mĂšre et de sa mĂšre, toutes deux de la rĂ©gion Fouta-Djalon en GuinĂ©e Conakry, qui lâont initiĂ©e Ă cette pratique. Elle a conservĂ© le couteau de quatre centimĂštres de sa mĂšre, mĂȘme si elle en utilise un tout nouveau. Elle cultive du maĂŻs et du manioc dans son jardin, mais avoue quâelle arrĂȘtera dâexciser les jeunes filles que si « elle pouvait Ă©changer son couteau contre un autre revenu ». Lâobjectif du fanado est de contrĂŽler la sexualitĂ© des femmes. Selon Bula BalnĂ© certaines familles craignent de dĂ©couvrir que leur fille nâest plus vierge le jour de son mariage et choisissent une forme de MGF radicale, lâinfibulation, qui empĂȘche tout rapport sexuel. Cette derniĂšre implique lâablation des grandes lĂšvres et la suture de lâorifice vaginal. Le jour du mariage, on fait appel Ă une praticienne pour rouvrir le vagin. La famille offre alors Ă leur fille des bijoux en or ou un couteau en guise de rĂ©compense pour ses souffrances endurĂ©es. Pendant le mois du Ramadan, pĂ©riode au cours de laquelle les musulmans jeĂ»nent du lever au coucher du soleil, les hommes nâacceptent aucun plat servi par une femme non excisĂ©e. En outre, cette derniĂšre ne peut ĂȘtre admise Ă la mosquĂ©e pour la priĂšre. Câest pour cette raison que les femmes des groupes ethniques non musulmans qui marient des musulmans doivent subir les MGF, a expliquĂ© Mme BaldĂ©. Les MGF sont interdites dans les pays voisins comme le SĂ©nĂ©gal, la GuinĂ©e Conakry, le Burkina Faso et le Niger. Il arrive donc souvent que des praticiennes et des jeunes filles traversent la frontiĂšre pour organiser la cĂ©rĂ©monie en GuinĂ©e-Bissau, un pays oĂč la pratique nâest pas considĂ©rĂ©e comme dĂ©lit. Mais comme le souligne M. Na Temba, la GuinĂ©e-Bissau a signĂ© des conventions internationales sur les droits des femmes et des enfants et ne devrait pas autoriser des pratiques qui violent ces droits.